70e anniversaire du DDay : une défaite pour les fédéralistes

, par Fabien Cazenave

70e anniversaire du DDay : une défaite pour les fédéralistes

Le 70e anniversaire du débarquement en Normandie a été l’occasion d’une belle commémoration. Au final, l’idée défendue par les fédéralistes qu’avec l’Europe la France pèserait plus dans le monde a subi un sacré revers.

Durant toute la semaine, nous avons subi un torrent médiatique pour célébrer la libération de la France avec le débarquement en Normandie. Ne serait-ce que pour le « D-Day », France 2 a consacré 9h30 de direct sur son antenne. Pour comparaison, le temps de parole donnés aux partis politiques durant les européennes sur cette même chaîne entre le 14 avril et le 23 mai était de moins de 6h30 (et France 2 est de loin la meilleure dans le temps consacré aux partis politiques).

On ne compte plus les reportages sur les différentes chaînes où les enfants interrogés nous répétaient à l’envie qu’ils étaient contents d’être là « parce que les Américains ils sont venus sauver la France ».

C’était l’événement et les médias en ont fait des tonnes pour répondre à l’attente du public. Ils ont eu raison puisque les audiences ont été bonnes. Et puis il y a eu toutes ces belles histoires, comme ce vétéran sorti en douce de sa maison de retraite pour venir aux cérémonies. Parfait pour dévier l’attention de la réalité terrible de ce débarquement où la vie de dizaine de milliers de soldats a été fauchée en quelques heures sur ces plages. On a d’ailleurs un peu perdu de vue dans l’ensemble des reportages qu’ils étaient venues « pour ramener la liberté et la démocratie sur un continent que la plupart ne connaissaient pas » comme le rappelle justement François Mennerat, et non pas pour sauver seulement les petits Français.

Une belle séquence diplomatique

Autre point important de ces commémorations, le ballet diplomatique de très haute volée et très bien organisé par le Quai d’Orsay et l’Elysée. François Hollande a globalement été très bon tout en créant les conditions pour qu’il y ait des séquences fortes comme ce moment où Barack Obama et Vladimir Poutine discutaient en aparté. Surtout, l’Histoire retiendra que c’est en Normandie qu’un processus de discussions a été renoué officiellement entre Russie et Ukraine. La France était à sa place à la table des grands, tant par l’Histoire que par sa force actuelle.

Autre très bonne note, l’Allemagne était présente avec Angela Merkel le plus naturellement du monde. Une évidence, seulement remise en cause par l’ancien président français, Valéry Giscard d’Estaing, dont la sortie médiatique a été très critiquée.

Dans ce cadre, on oubliait complètement la construction européenne et on jouait au concert des nations comme si nous étions encore au XXe siècle. Le Premier ministre Manuel Valls s’est d’ailleurs gargarisé de cette réussite française lors d’une interview pendant la finale de Roland Garros où il rappelle que « la France tient ainsi son rang dans le monde ».

Qu’apporterait l’Europe en plus ?

Il faut donc reconnaître une défaite médiatique auprès du grand public pour les Fédéralistes après cette séquence. La diplomatie française n’avait pas besoin de celle européenne ou de celles de ses consœurs continentales. Et personne ne s’en est offusqué.

Cette séquence a renforcé l’idée selon laquelle « le monde attend la voix de la France » comme aime à le rappeler François Hollande. Même si cette assertion est fausse, l’inexistence d’union politique de l’UE empêche toute argumentation contraire. Surtout que si elle existait, cela n’aurait rien changé au fait que l’événement se passait en France dans le cadre d’une Histoire qui n’est pas partagée par l’ensemble de notre continent.

Il est d’ailleurs marquant que nous n’ayons pas de moment européen en commun pour les commémorations. Il y a bien eu des événements autour des 50 ans du traité de Rome mais cela a été peu couvert par nos médias nationaux. Les 20 ans de l’entrée en vigueur de Maastricht ont été vite oubliés. Les 10 ans de l’entrée de dix pays d’Europe centrale et orientale n’ont suscité aucun écho. Le 9 mai, fête de l’Europe, n’est toujours pas un jour férié.

Voilà un défi de plus que nous devrons relever dans le futur si nous ne voulons pas que les citoyens se laissent happer par le formol de l’Histoire et ces moments où nous étions forts et puissants et où le monde n’était pas encore mondialisé.

Vos commentaires
  • Le 10 juin 2014 à 14:49, par Alexandre Marin En réponse à : 70e anniversaire du DDay : une défaite pour les fédéralistes

    Le problème avec le 6 juin 1944, c’est qu’on célèbre une victoire de manière quasi-religieuse. On s’intéresse au fait lui-même, et on n’en tire aucune leçon autre que « c’est nous les meilleurs ». Quand on parle du 6 juin 1944, les gens sont intéressés, mais quand on parle de ses conséquences six ans après, on perd presque tout le public. Comme il est fait mention dans l’article, on parle beaucoup de l’horreur de la seconde guerre mondiale, et beaucoup moins de la construction européenne qui en est pourtant la conséquence, voire l’héritage.

    On ne devrait d’ailleurs pas commémorer la victoire du 6 juin, mais le sacrifice de dizaines de milliers de jeunes hommes, que ce soit du côté « allié » ou du côté « ennemi ». La commémoration de la victoire de la liberté et de la démocratie sur la haine et le totalitarisme a pris une tournure manichéenne ; les gentils alliés et résistants contre les méchants nazis, fascistes et collabos. On met complètement sous silence les centaines de femmes tondues lors de la libération, et les dizaines d’innocents exécutés sommairement.

    Ca ne veut pas dire qu’il faut jouer à l’éternel repenti. Il faut commémorer les victimes de la guerre, militaires et civils, plutôt que les victoires ou les défaites. Ceci permettrait de tirer des leçons du passé, si c’est possible, mais surtout de faire une commémoration collective du sang dont la terre s’est nourrie pour faire pousser l’unité européenne.

    Pour rejoindre l’auteur, le 11 novembre et le 8 mai, on célèbre la reddition allemande, chaque pays rend hommage à ses morts, dans son coin. Il faudrait un jour commun pour que tous les pays européens rendent hommage à tous les morts en même temps. Reconnaître ensemble que ces jeunes gens sont morts pour l’Europe serait un symbole d’unité important, et qui aurait un impact sur le public.

    Pour prendre un exemple, dans les années qui ont suivies la guerre de sécession américaine, seuls les morts nordistes étaient honorés, alors que les sudistes étaient considérés, au mieux comme des rebelles, au pire comme des traîtres. Il a fallu attendre 1898, pour que certains généraux américains fassent pression sur le gouvernement fédéral pour qu’on reconnaisse que les sudistes, eux aussi, étaient morts pour leur patrie. Cela a été une étape décisive dans la réconciliation américaine, alors que la guerre avait laissé des séquelles tellement profondes.

  • Le 10 juin 2014 à 16:37, par RP En réponse à : 70e anniversaire du DDay : une défaite pour les fédéralistes

    Présent en Normandie, et notamment à Arromanches, j’y ai vu le lancement d’un projet européen lié à la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Il s’appelle Route de la Libération, relie les territoires européens concernés par la libération de l’Europe en 1944 et 1945, et regroupe pour l’instant (le projet est en construction) six pays (Grande-Bretagne, France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne et Pologne).

    Certes cet évènement n’a pas été largement médiatisé (mis à part aux Pays-Bas car il se tenait en marge de la commémoration binationale franco-néerlandaise) mais il porte en lui un caractère profondément européen, en disant que les récits nationaux existants doivent avoir en écho un récit européen de la guerre et de la libération. C’est bien sur ces bases que l’Europe s’est construite, bien que certains l’oublient parfois.

    Voici le lien du site de cette initiative : www.liberationroute.com

  • Le 10 juin 2014 à 19:38, par Thomas En réponse à : 70e anniversaire du DDay : une défaite pour les fédéralistes

    Alexandre, je ne partage pas totalement ton avis. Personnellement, je pense que nous devons nous souvenir du 6 juin 1944 comme du jour ou notre libération a commencé. Toutefois, les commémorations ne doivent pas occulter quelles étaient les intentions réelles des Etats-Unis vis-à-vis de la France. De même, il me paraît très important de ne pas oublier, voire même de commémorer deux dates : le 27 mai, journée anniversaire de l’unification des forces résistantes au sein du CNR et le 19 août, date anniversaire du début de l’insurrection de Paris, la plus symbolique de toutes les insurrections du peuple français contre l’occupation allemande et la collaboration pétainiste.

    Si en effet il me semble nécessaire de rendre un hommage aux malheureux allemands morts à cause du « Drang nach Osten » nazi, il ne faut tout de même pas oublier que le Reich allemand était une puissance agressive, criminelle et barbare. Raison pour laquelle ses chefs, qui furent à leur manière victimes de la guerre, ne reçoivent aucun hommage et ne bénéficient même pas de sépultures pour certains.

    De plus, dire que les victimes des deux guerres mondiales sont mortes pour l’Europe est une mystification. Puisque nous parlions du cas allemand : les soldats de la Wehrmacht des deux guerres mondiales sont morts pour un projet militariste et pangermaniste. Les soldats des nations agressées quant à eux défendaient leur patries respectives, leur liberté et leur indépendance face à un projet qui seraient synonyme d’oppression pour eux.

  • Le 10 juin 2014 à 21:15, par jean-luc lefevre En réponse à : 70e anniversaire du DDay : une défaite pour les fédéralistes

    De Belgique, j’ai regardé...et je n’ai pas ressenti cette « défaite médiatique » d’une récupération franco-française du débarquement de juin 1944. D’abord, parce que la réalité la plus crue a été rappelée : de Gaulle laissé dans l’ignorance et un détachement Kieffer symbolique, mais une Résistance irremplaçable. L’Europe ? elle a été présente à partir des décombres : son drapeau, son hymne. L’auto - flagellation, le masochisme, n’est pas une vertu fédéraliste. Croire en l’Europe fédérale, c’est parier, comme Pascal, qu’il y a davantage à perdre si elle ne se réalise pas qu’à parier sur son succès. Pour le reste, si le minable Hollande a choisi de surfer sur la vague médiatique des commémorations pour restaurer une bien piètre image, je le concède, il ne s’agit, soyez-en convaincu, que de l’écume, une écume qui ne laissera aucune trace dans la mémoire collective. Il a instrumentalisé Oradour, il a instrumentalisé Overlord...A l’ouest, rien de nouveau ! En France, rien de nouveau...et jk’en suis triste !!!

  • Le 11 juin 2014 à 01:26, par Alexandre Marin En réponse à : 70e anniversaire du DDay : une défaite pour les fédéralistes

    Thomas, je ne nie pas que le Reich allemand ait été un système totalitaire et criminel. Les commémorations ne doivent pas occulter les intentions des Etats-Unis vis-à-vis de la France, elles doivent encore moins occulter les faits criminels commis par les libérateurs, qui ont dépassé la simple étape de l’intention. Il ne faut pas oublier les femmes tondues et les innocents exécutés.

    Les soldats des guerres mondiales sont morts pour l’Europe dans la mesure où c’est leur mort qui a fait prendre conscience à l’Europe de la nécessité pour elle de s’unir. En cela, on peut dire que leur sacrifice a été utile pour l’Europe car c’est sur leur sang qu’est né le projet d’Union européenne.

    Enfin, si l’Allemagne d’Hitler était particulièrement agressive, l’empire d’Allemagne de 1914 ne l’était ni plus ni moins que la République française dont les désirs de revanche étaient vifs. En 1914, l’Allemagne n’a pas attaqué la France, c’est l’engrenage des alliances, et l’occasion pour la France de reprendre l’Alsace et la Moselle qui ont conduit à la guerre entre les deux pays. Les causes de la guerre ne sont pas dues qu’à l’Allemagne, même si la guerre s’est déroulée sur le territoire français. Les Allemands étaient passés par la Belgique. Il n’était donc guère question de défendre la patrie et l’indépendance françaises face à l’oppression germanique, excepté dans les discours propagandistes.

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