Fédéralisme

Intégration et Fédéralisme

L’altérité pour répondre à la tension existante entre unité et différenciation

, par Vincent Meunier

Intégration et Fédéralisme

Une question touche la plupart des États européens, qui sont devenus au cours des dernières années des pays d’immigration économique massive, en provenance de tous les continents (Amérique pour l’Espagne, Afrique pour la France, etc).

Même encore limitée, les flux intra-européens de main-d’œuvre font également sentir leurs conséquences : travailleurs polonais au Royaume-Uni, roumains en Italie, voire ukrainiens en Pologne, etc. La cohésion de nos sociétés - surtout là ou le modèle de référence est celui de l’Etat-nation(al) sans minorités historiquement reconnues - est souvent ressentie comme menacée, et la perception d’un « danger » que représenterait cette hétérogénéité donne lieu à des dérives populistes, voires xénophobes, incompatibles avec les valeurs démocratiques et humanistes dans lesquelles le projet europeen plonge ses racines.

Curieusement, en dépit du tourisme, l’étranger – dès lors qu’il réside durablement parmi nous - reste fréquemment perçu comme un danger, et non comme un partenaire, un ami et un concitoyen possible…

Définir la notion d’identité

Mais au-delà de cette « pétition de principes », la question reste posée, à deux niveaux au moins :

 que signifie aujourd’hui la notion d’identité(s) : ce qui est identique (égal) ou particulier (personnel) ?

Dans un espace marqué par la mobilité et le changement, notre identité devient multiple : « je suis citoyen suédois, musulman, d’origine kurde, médecin, chauve et amateur de rock » pourrait être demain une définition de personnalité au même titre que « cheminot lorrain catholique ». L’idée de « statut individuel » ou d’autonomie « culturelle » retrouve des adeptes, dès lors que les fondements généraux de l’ordre civique seraient respectés : protection des droits des femmes (qu’en est-il de l’application du droit matrimonial coranique, comme cela a été envisagé récemment par un Tribunal de Francfort ?), liberté religieuse (droit à la conversion ou à l’athéisme), etc. Le cadre juridique et les formes du contrôle de l’exercice de ces normes, sur un territoire ou au sein d’une communauté (que chacun doit pouvoir quitter) doivent être définis sans ambiguïté, même au prix d’une législation « touffue » et de mécanismes juridictionnels de gestion des conflits relativement complexes à mettre en œuvre.

En accordant la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l’Empire, et en imposant ainsi le respect du « jus Romanorum », Caracalla [1] avait résolu provisoirement la difficulté – les grandes Invasions « barbares » devaient rouvrir la querelle un peu plus tard… Un vrai « patriotisme constitutionnel » (religion civile) parait alors indispensable pour garantir le bon fonctionnement d’une « cité » marquée par la diversité et la tolérance, où les hiérarchies intermediaires sont contestées ou ont disparu et où l’abondance des médias ne favorise pas toujours le dialogue.

 de la réponse donnée à ces interrogations peut aussi découler l’attitude à avoir face à l’autre volet du problème, car face aux défis de la mondialisation, quelle intégration politique et sociale de l’Europe et pour les Européens voulons-nous ?

Quelle intégration au niveau européen ?

L’entrée de nouveaux pays dans l’UE est une forme d’immigration par extension des frontières : l’intégration de leur population « de banlieue » (par rapport à l’Ouest) dans la vie politique européenne constitue un défi majeur et il est indispensable que les élections au Parlement Européen prévues prochainement en Bulgarie et en Roumanie (et en 2009 pour tous les Vingt-Sept) connaissent un taux de participation suffisant pour donner une vraie légimité de représentation aux futurs députés.

Par ailleurs, l’approfondissement de l’Union par l’accroissement de ses compétences aboutit à se penser toujours plus en citoyen d’une res publica européenne, le « génie national » étant invité à s’exprimer dans d’autres domaines d’affirmation privés ou collectifs, sans céder à la tentation du « néo-tribalisme » (solidarité exclusive pour la protection sociale, par exemple). Pour la civilisation (civis) européenne, l’ambition culturelle (valorisation du patrimoine, multilinguisme, activites artistiques) devrait constituer à la fois un « anti-dote » face au repli identitaire et un projet d’intégration allant au-dela des echanges marchands.

Dans cette tension permanente entre unité et différenciation, le fédéralisme peut apporter une clé de résolution des crises, car il repose sur la notion de respect de l’altérité : dans le modèle qu’il propose, la décision n’est pas prise à la majorité « absolue » (comme la monarchie « absolue »), ni a l’unanimitée (liberum veto), mais dans une zone intermédiaire précédemment définie par la mutualisation des souverainetés originelles.

Peut-être la polémique sur l’identité dans ces temps d’immigration et d’élargissement pourrait-elle être enrichie par une telle analyse ?

Illustration : drapeau fédéraliste.

Notes

[1édit de Caracalla de 212 après JC

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