La Maison du Changement : il est grand temps pour la Roumanie

, par Ana Alexandrescu

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La Maison du Changement : il est grand temps pour la Roumanie

Vendredi 2 août 20007 : « La plus grande exposition sur le communisme roumain, au Muséum d’Histoire Nationale » : les musées commencent à réagir, la société semble s’éveiller. Est-ce le début d’un long procès de mémoire et de jugement, ou sommes-nous seulement en pleine confusion générale ?

L’Union Européenne semblait s’attendre à un pays réconcilié avec son passé et prêt à regarder vers l’avenir, quand, à la place de cela, elle trouve un pays avec des plaies non guéries, qui se rappelle toujours de son récent passé avec une sorte d’engagement nostalgique ou fâché. Il est difficile de dire si les gens ont l’impression que c’était pire avant, et il est curieux d’observer que, lorsqu’on leur demande si le capitalisme est mieux, les personnes âgées de plus de 50 ans ont tendance à hésiter. Pour nous, génération née après la Révolution, la vérité prend la forme d’une pure dichotomie noire et blanche. Tout ce que nous savons, nous l’avons appris par des histoires : on nous a parlé d’une révolution au cours de laquelle environ 1000 jeunes hommes et jeunes femmes, dont la plupart d’entre eux étaient des étudiants ou des intellectuels, sont morts pour un pays libre.

La Maison du Peuple

Alors que certains peuvent dire que c’est un beau symbole, et que les touristes s’attroupent chaque jour par centaines pour la visiter, d’autres peuvent juste passer devant sans faire attention à sa grandeur. D’autres ont juste le goût de la détester.

Comme les goûts, l’histoire est divisée aussi, entre les sceptiques et les croyants, entre ceux qui perçoivent le passé comme morne, ou du moins comme malchanceux, et ceux qui le voient comme glorieux, et ne se sont même pas encore adaptés aux changements. Ceci est l’histoire de la Maison du peuple (Casa Poporului), le second plus grand monument dans le monde, après le Pentagone, un reste de notre dictateur et dictature.

La Maison du Peuple représente une opulence qui n’a jamais existé en Roumanie pour le peuple. Elle exprime la façade du communisme qui montrait le bien-être, la productivité de masse, et les hauts niveaux de vie, ce qui de facto n’a jamais existé

La Maison du Peuple reflète tout sauf la réalité et c’est pourquoi nous, la génération née après la Révolution, osons ne pas l’aimer. C’est le symbole de quelque chose que nous avons longtemps essayé de quitter derrière nous.

La Roumanie est un pays de contrastes, un pays qui a appris au cours de son histoire à s’adapter et à enjamber des phases de développement. La Roumanie a développé une forme personnelle de personnalité Balkanique. C’est la raison pour laquelle il représente aujourd’hui un mélange unique entre les cultures orientales, occidentales et slaves, avec une touche de folklore authentique et de traditions.

L’héritage communiste

Le Communisme essaya de s’approprier le folklore et les traditions, à son propre avantage, niant toute autre forme de spiritualité et de religion. A présent, nous, ceux qui détestent la Maison du Peuple et les symboles communistes, essayons de ramener à la vie nos réelles traditions et le vrai esprit roumain. Nous le faisons en ré-explorant ce qui a été laissé de la Roumanie authentique, parce qu’il y reste encore beaucoup de traces.

Ceci étant dit, on peut imaginer que la Maison du Peuple représente simplement les bases du parlement et des bureaux qu’elle contient. Il est difficile d’imaginer qu’il y a moins de vingt ans, les personnes ordinaires n’étaient pas autorisées à visiter l’intérieur de la Maison du Peuple. Il est encore plus difficile d’imaginer que les escaliers de marbre ont été construits et reconstruits jusqu’a sept ou huit fois, pour assouvir les désirs de Ceausescu, alors que de petits blocs, tels des boîtes d’allumettes, étaient construits pour le peuple.

C’était un régime qui bannissait la liberté d’expression, ainsi que toute connexion avec l’Europe libre. C’était un système clos en pleine guerre froide, dans laquelle la Roumanie était piégée quelque part au milieu. La « démocratie » n’existait que sur le papier.

Ce qui reste de cela aujourd’hui est un immense monument de taille carré achevé à 85%, dont nous ne savions que faire, mais qui a finalement était transformé en musée – parlement – bureaux. Des hectares de banlieues de Bucarest, inhospitalières, grises, bruyantes et bondées s’étendent à présent sur ce qui était le « Petit Paris » ( surnom de Bucarest avant le communisme).

Tout ce qui nous reste de ce précédent régime sont des constructions qui ont dénaturé la personnalité de notre pays. A quoi l’on pourrait ajouter 45 ans d’inconvénients.

Le but de cet article n’est pas de pleurer sur le passé, ni de trouver une excuse historique et contextuelle à la Roumanie qui offre moins que ce qui était attendu, du moins pour le moment. Il s’agit plutôt de montrer que l’apparence ne reflète pas toujours la réalité et que les personnes blessées ne peuvent pas guérir instantanément. Cela prend du temps. Seul le temps peut rendre le progrès visible. Et cela prend aussi du temps de montrer que l’on est un membre actif de l’UE et de commencer à jouer le rôle que nous méritons, et celui dont l’Europe aussi a besoin.

Illustration :
 Casa Poporului de nuit (cc) Ana Alexandrescu.
 image du Palais du Parlement à Bucarest ; photographe : Simon Laird, source : Wikimedia Commons.

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