Histoire

La création des Identités nationales

Europe / XVIIIe - XXe siècle

, par Ronan Blaise

La création des Identités nationales

Dans cet ouvrage Anne-Marie Thiesse bouscule les idées reçues : « La véritable naissance d’une nation, écrit-elle, c’est le moment où une poignée d’individus déclare qu’elle existe et entreprend de le prouver ».

Analyser le ’’making-of’’ des nations

Les identités nationales ne résultent donc pas d’une maturation millénaire mais d’une entreprise délibérée qui commence au plus tôt en Europe au XVIIIe siècle. Ce n’est pas la tradition qui forge la nation mais l’inverse.

Dans cet ouvrage, petit monument d’érudition, l’auteur nous explique quel fut - aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles - le ’’making of’’ (la construction culturelle) des nations. En effet, après analyse, il semble bien que toutes les nations européennes se soient constituées sur un même modèle, se copiant les unes les autres.

Une concomitance et une similarité dans le mode opératoire qui rendent suspect tout discours sur la prétendue spontanéité d’un tel phénomène qui fait certes des nations des constructions politiques et idéologiques mais non pas des faits de nature, ni même d’origines étatiques.

Les Nations, constructions politiques

Les nations se sont ainsi constituées selon un même modèle, une ’’check-list’’ identitaire d’éléments de base dont il fallait à tout prix doter la nation en construction (drapeaux, hymnes, traditions, folklore, langue, monuments et paysages emblématiques, équipe de football et grands ancêtres).

Quitte à, pour cela, volontairement ’’trafiquer’’ l’histoire et forcer le trait. Et au besoin, même, en ’’inventant’’ des histoires nationales mythologiques sans contenu scientifique véritable. Quoi qu’il en soit, cet effort d’exhumation ou de fabrication des preuves mobilise la plupart des nations européennes, dans un contexte d’émulation, durant tout le XIXe siècle.

Il conduit pour chacune d’entre elles à la confection d’un répertoire identitaire (une histoire, une géographie, une langue, une littérature) et définit une méthode universelle appliquée dans la suite par des nations de création récente, au-delà même de l’espace européen strictement compris.

Peut-on construire l’Europe par des procédés similaires ?

Travail d’historien, ce livre ne manque pas cependant d’aborder des questions de nos temps contemporains : la récente ’’renaissance’’ des nationalismes en Europe du Sud-Est et (puisque dédicacé ’’à l’avenir européen’’...) l’élaboration en cours d’une identité commune européenne.

Une conclusion à examiner avec attention et nuance néanmoins puisque l’auteur nous propose - en fait - d’élaborer une identité spécifique européenne en recourant à ces procédés symboliques similaires (mais pourtant discutables...) de construction identitaire : par un travail collectif et volontariste de même nature.

- La création des identités nationales (Europe XVIIIe - XXe siècle :

Un ouvrage d’Anne-Marie Thiesse (Directeur de recherche au CNRS), document publié en mars 1999 aux éditions du Seuil : dans leur collection ’’L’univers historique’’ (310 pages).

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En couverture : une carte humoristique de l’Europe du début du XXe siècle (’’Angling in troubled waters’’),

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Vos commentaires
  • Le 20 septembre 2006 à 21:46, par Valéry En réponse à : La création des Identités nationales

    A partir du moment où il est admis que l’idée nationale est purement le fruit d’un effort de construction étatique visant à légitimer les Etats en l’absence d’un souverain « personne-physique » (que l’on a décapité, exilé, ravalé au rang de potiche, etc.), il me semble que l’Etat-nation, construction idéologique marquant un moment déterminé de l’histoire, ne saurait servir de modèle à la construction européenne.

    L’Europe peut être le prototype d’une construction post-nationale où la Communauté est une constrution néo- ou para-étatique détentrice d’une partie de la puissance publique - et légitimée par l’élection, le débat politique, et la participation des gouvernements des Etats-membres à la prise de décision. Sa vocation : apporter par son action publique et le cadre législatif qu’elle propose, une valeur ajoutée aux citoyens et aux Etats-membres qui la composent, et non pas tenter d’imposer ou même de proposer une quelconque identité artificielle issue d’une histoire reconstruite.

    Certes les Européens ont des éléments identitaires et historiques communs qui rendent possible cette construction - l’introduction d’éléments trop allogènes pourrait sans doute provoquer son rejet, mais cet aspect ne peut constituer le ciment de l’Union. Le prétendre c’est prêter le flanc à la critique de ceux qui le jugent trop fragile.

    Bien sûr tout ceci suppose - non pas juste de la bonne volonté - ça ne fonctionne pas comme ça (quoi qu’en croient Royal et Barroso...), mais sur des institutions efficaces fournissant un cadre dans lequel il est possible de travailler correctement.

  • Le 21 septembre 2006 à 10:04, par Ronan Blaise En réponse à : La création des Identités nationales

    Cher VXL,

    Juste souligner que je suis en plein accord avec ce que tu viens d’écrire là.

    Et juste souligner que dans l’article ci-dessus, je me contentais juste d’honnêtement ’’rapporter’’ des propos qui ne sont pas les miens et avec lesquels je ne suis effectivement pas nécessairement en plein accord.

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