Pour faire le point

La directive relative à certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale

Pour quoi faire ?

, par Arnaud Favry

La directive relative à certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale

A l’heure où la majorité des tribunaux européens accusent un retard de plusieurs mois dans le traitement des dossiers en raison d’un trop grand nombre d’affaires, et où construire l’Europe de la justice devient un grand chantier d’approfondissement de l’Union Européenne, la promotion de la médiation civile et commerciale par le biais d’une directive européenne semble répondre à ces deux éléments. Souhaitant également répondre à l’objectif de pacification sociale par la justice, objectif loin d’être atteint avec la forme classique du procès, cette proposition est à l’étude depuis 2004.

La Commission européenne a formulé récemment une proposition de directive sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale afin de assurer un meilleur accès à la justice, établir une relation saine entre médiation et procédure civile, encourager le recours à la médiation et établir des relations avec l’organisation des systèmes judiciaires des Etats membres.

Assurer un meilleur accès à la justice

L’objectif premier de cette directive est d’assurer un meilleur accès à la justice. Considérée comme une priorité par l’Union Européenne, la notion d’accès à la justice devrait couvrir l’encouragement du recours à des procédures adéquates de résolution des litiges pour les particuliers et les entreprises, et non pas uniquement l’accès au système judiciaire.

Cette proposition de directive s’inscrit dans cette volonté, au moyen de deux types de dispositions : d’une part, des dispositions visant à instaurer une relation saine entre la médiation et les procédures judiciaires, en établissant des règles communes minimales dans la Communauté sur un certain nombre d’aspects importants de la procédure civile. D’autre part, en dotant les tribunaux des Etats membres des outils nécessaires pour promouvoir activement le recours à la médiation, sans pour autant la rendre obligatoire ou l’assortir de sanctions spécifiques.

Etablir une relation saine entre médiation et procédure civile

La Commission propose d’autre part d’établir par cette proposition une relation saine entre médiation et procédure civile. A l’heure actuelle, l’interaction entre médiation et procédure civile présente un certain nombre d’incertitudes en raison de l’absence de dispositions procédurales nationales, ou à des divergences entre ces dernières, particulièrement ressenties dans les situations impliquant des éléments transfrontaliers.

Même si la médiation est selon les cas préférable, ces incertitudes peuvent inciter à recourir à la procédure civile traditionnelle. Un cadre juridique stable et prévisible résoudrait ce déséquilibre. Un tel cadre doit également pouvoir permettre aux parties de résoudre leur litige en saisissant la justice même si elles tentent de recourir à la médiation.

Encourager le recours à la médiation

Il s’agit également d’encourager le recours à la médiation. Ce dernier est plus simple, plus rapide et plus économique de résoudre les différends. La Commission estime que la médiation comporte un potentiel inexploité. Etablir une relation avec l’organisation des systèmes judiciaires des Etats membres

Le quatrième objectif de cette proposition est d’établir une relation avec l’organisation des systèmes judiciaires des Etats membres. Visant à encourager le recours à la médiation, la proposition de directive pourrait alléger la charge pesant sur le système judiciaire.

Cependant, ce n’est pas considéré comme un objectif indépendant. La Commission ne voit pas la médiation comme une alternative aux procédures judiciaires ; c’est plutôt l’une des nombreuses méthodes de résolution des litiges dont dispose une société moderne, qui peut être la mieux adaptée pour certaines situations, même si ce n’est pas le cas pour toutes. De plus, l’organisation du système judiciaire relève de la seule compétence des Etats membres, et la médiation ne peut en aucun cas exonérer les Etats membres de leur obligation de maintenir un ordre juridique équitable et efficace.

La problématique du champ d’application

La principale base juridique de cette proposition de directive repose sur l’article 65 du Traité instituant la Communauté Européenne.

L’article 65 CE exige que les mesures adoptées sur son fondement portent sur des « matières ayant une incidence transfrontières ». [1]. La perception historique et la réticence initiale des Etats membres quant à la communautarisation de la coopération judiciaire civile plaident en faveur d’une lecture restrictive du libellé de l’article 65 CE, d’autant que l’exigence liée à l’incidence transfrontières a été confirmée dans le Traité constitutionnel. [2]

Se pose ainsi la question du champ d’application de cette directive : doit-elle se limiter aux affaires transfrontalières en raison d’une base juridique restrictive, ou la nature et l’importance du sujet, ainsi qu’une lecture plus ouverte de l’article 65 permettent de l’application aux litiges également purement internes ?

Rien n’est encore définitivement tranché, mais la position de la France ne plaide pas pour une lecture large de l’article 65 du traité CE.

Le gouvernement français est en faveur d’une lecture restrictive de la base juridique

Selon la France, la notion de « médiation transfrontière » appelle une définition distincte de celle qui est en débat pour l’injonction de payer et les petits litiges, car il s’agit d’un processus étalé dans le temps, mettant en jeu d’autres facteurs qu’une simple action en paiement, et pour lequel d’autres critères d’extranéité pertinents sont susceptibles d’être identifiés.

Dans le rapport de la délégation française du 5 avril 2005, à l’adresse du Comité sur les questions de droit civil, la France estime, ainsi que l’expose la Commission dans sa proposition, qu’en raison de son objectif et de son contenu, l’acte entre dans le champ d’application de l’article 65 du traité CE, dès lors que les mesures en cause sont prises dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur.

L’objectif principal de l’acte, qui doit déterminer la base juridique pertinente, entre donc dans le cadre de l’action communautaire spécifique au titre de la coopération judiciaire en matière civile, qui exclut tout harmonisation pour des situations purement internes.

La France rappelle que si l’article 65 du traité CE peut être la base juridique d’un instrument permettant de promouvoir la médiation [3], il ne peut justifier que le champ de cette mesure englobe les situations purement internes. La France ne partage pas l’analyse de la Commission selon laquelle « encourager la médiation dans le cas des seuls litiges comportant un élément transfrontalier serait donc arbitraire et engendrerait le risque d’effets discriminatoires puisque les tribunaux ne suggéreraient cette solution à certaines parties qu’en fonction de leur lieu de résidence ». L’introduction par les parties d’éléments transfrontaliers ne doit pas leur permettre de porter atteinte aux dispositions impératives d’un Etat dans lequel tous les éléments du différend sont localisés, ni priver les parties de l’application des règles protectrices [4].

Il paraîtrait raisonnable d’avoir une définition de l’incidence transfrontière commune à tous les instruments de procédure civile, dans un souci de simplicité pour le justiciable et de cohérence du droit communautaire. Compte tenu de l’objectif clé de la directive, qui est de favoriser le règlement amiable des conflits tout en préservant l’accès au tribunal et de permettre que les accords issus de la médiation puissent être rendus exécutoires, l’incidence transfrontière pourrait ne pas être limitée aux médiations dans lesquelles une partie est domiciliée à l’étranger. Toutefois l’élément transfrontière doit être réel et effectif, afin de ne pas ôter tout effet utile aux prescriptions explicites de l’article 65 du traité CE : la proposition d’acte ne peut s’appliquer aux situations purement internes, dont tous les éléments matériels se concentrent sur le territoire d’un seul Etat.

Il est néanmoins possible de pallier le risque d’effets discriminatoires lié à l’exigence d’éléments transfrontaliers, évoqué par la Commission, lors de la transposition de la directive en droit interne. En effet, la proposition ayant été accueillie très favorablement, les Etats membres qui ne disposent pas d’une législation en matière de médiation seront naturellement incités à reprendre les dispositions communautaires dans leur droit interne.

Les propositions de Jacques Floch, député et membre de la Convention, Jacques Floch fut l’auteur, en janvier 2007, d’un rapport d’information à la Délégation pour l’Union Européenne de l’Assemblée Nationale relatif à cette proposition de directive. Il a proposé de maintenir l’objectif d’un champ d’application large, tout en restant dans le domaine transfrontière. Il s’agit de prendre en compte les phases successives d’un processus de médiation, qui peut ne pas présenter initialement de caractère transfrontière - du fait de la localisation des parties au litige - mais le devenir par la suite, en raison de la localisation du médiateur, de la conclusion de l’accord ou de son exécution. En outre, M. Jacques Floch a considéré qu’il convenait que la future transposition de la directive soit l’occasion d’étendre aux litiges internes les règles de base prévues par la directive pour les litiges transfrontières. Il a noté que cette proposition rejoignait la position du barreau des avocats anglais et gallois.

L’application de cette directive dans un champ large donnerait un développement nouveau à la médiation. En France, 5 millions d’affaires civiles viennent chaque année devant les tribunaux. 30 à 40 % pourraient faire l’objet d’une médiation. Les magistrats sont à présent formés à la médiation. Il s’agit d’un nouvel espace de « liberté et de civilisation », facteur de pacification sociale.

Illustration : visuel pris sur le site de la Commission européenne

Notes

[1L’article 65 CE, contrairement à l’article 95 CE, exige en effet explicitement que les propositions de la Commission ne s’appliquent qu’à des litiges transfrontières

[2La Commission avait interrogé le Parlement et le Conseil européen sur la possibilité d’adopter des mesures sur le fondement de l’article 65 CE pour les seuls litiges présentant un caractère transfrontières effectif ou pour tous les litiges qui peuvent potentiellement avoir une incidence transfrontières.

[3sous réserve de la justification du caractère nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur

[4prévues notamment par la Convention de Rome de 1980 et les règlements Bruxelles I et Bruxelles II bis

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