Sa première « capitale » fut Luxembourg où en août 1952, s’installèrent Jean Monnet et la Haute autorité, dont il assuma d’entrée de jeu la présidence.
« Dans les limites de la compétence qui lui est conférée par le traité – déclara le 10 août Jean Monnet pour célébrer la mise en place de la nouvelle institution – la Haute autorité [...] est en relations directes avec les entreprises. Elle obtient ses ressources financières, non de contributions des États, mais des prélèvements directement établis sur les productions dont elle a la charge. Elle est responsable, non devant les États, mais devant une Assemblée européenne. L’Assemblée a été élue par les parlements nationaux, il est prévu qu’elle pourra l’être directement par les peuples […]. L’Assemblée contrôle notre action. Elle a le pouvoir de nous retirer sa confiance. Elle est la première assemblée européenne dotée de pouvoirs souverains ».
Ainsi, Jean Monnet insistait volontairement sur les aspects les plus fédéralistes des structures mises en place par la première Communauté européenne. Le 10 septembre 1952, l’Assemblée de la CECA se réunissait pour la première fois à Strasbourg et, fait significatif, les personnalités parlementaires les plus en vue du moment y siégeaient.
– Pendant l’année 1952 « l’Europe » paraissait donc vraiment à portée de la main. Tout d’abord, Paul-Henri Spaak ayant abandonné la présidence de l’Assemblée du Conseil de l’Europe, se tourna vers l’opinion publique en prenant la direction du Mouvement européen international. Il le fit avec le soutien entier des fédéralistes qui contrôlaient de leur côté une part appréciable de l’organisation militante dans les six pays, alors que le Conseil des communes d’Europe prenait son essor ; et que se développait une vaste campagne européenne de la jeunesse avec la réunion de dizaines de milliers de jeunes au camp de la Lorelei sur les bords du Rhin. L’UEF, quant à elle, menait des actions spécifiques dans les milieux d’anciens combattants et de la presse régionale.
Lors du Congrès de l’UEF réuni en mars 1952, à Aix-la-Chapelle, sous la houlette d’Adenauer, les mots d’ordre de « Europe fédérée », « communauté politique supranationale », « union entre la France et l’Allemagne » n’ont cessé de converger. À juste titre, sans doute, car il est dans l’histoire des mouvements, comme dans celle des hommes, des moments privilégiés pour faire avancer une cause.
En avril 1952, Paul-Henri Spaak, stimulé par les fédéralistes, suscita la création d’un Comité d’action pour la constituante européenne. Celui-ci se transforma par la suite en Comité d’action pour la communauté supranationale, dont Henri Frenay, président du bureau exécutif de l’UEF fut le secrétaire général. Ce comité agira dans plusieurs directions, notamment au sein de l’Assemblée du Conseil de l’Europe qui, finalement, demandera aux gouvernements des États liés par le projet de CED de donner à une « assemblée ad hoc » le mandat d’élaborer un statut de communauté politique.
Les membres français et italiens du comité d’action, en tête desquels les fédéralistes Frenay et Spinelli furent chargés d’intervenir auprès des responsables français du Conseil des ministres de la CECA et du gouvernement italien. Finalement, le 23 juillet 1952, fut présentée officiellement une proposition gouvernementale franco-italienne. Elle visait à confier à l’Assemblée de la CECA le soin de rédiger un projet d’autorité politique européenne.
– Ainsi les fédéralistes pesèrent à cette époque d’une manière déterminante sur les préparatifs européens des gouvernements membres de la première Europe communautaire qui décidèrent, le 10 septembre 1952, au cours de leur réunion à Strasbourg, de confier un rôle préconstituant aux parlementaires européens réunis dans l’Assemblée de la Communauté. La proposition franco-italienne, devenue directive des gouvernements, prévoyait notamment que le projet de traité de communauté politique européenne devrait être rédigé dans un délai de six mois et par conséquent remis aux gouvernements à la date du 10 mars 1953.
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