Pour Marcel Grignard de la CFDT : « l’intérêt des salariés français est lié à l’Europe »

, par Jonathan Leveugle

Pour Marcel Grignard de la CFDT : « l'intérêt des salariés français est lié à l'Europe »
Manifestation de la CFDT Auteur : vx_lentz - Certains droits réservés

Dans le cadre de la conférence organisée par le Mouvement Européen-France, « La crise, une chance pour l’UE ? » le Taurillon a pu interviewer Marcel Grignard, Secrétaire général adjoint de la CFDT. Ce dernier revient sur l’importance de préserver le modèle social européen.

Le Taurillon : Le chômage des jeunes est élevé partout en Europe. Quelles sont les mesures proposées par les syndicats européens pour y remédier ?

Marcel Grignard : L’Europe est dans une crise profonde depuis maintenant 4 ans et le chômage des jeunes est l’un des problèmes les plus délicats. Dans certains pays européens il atteint presque 1 jeune sur 2. Face à cette situation, les syndicats européens abordent le problème d’ensemble. Le chômage des jeunes est lié au chômage massif qui touche les salariés de tout âge et en particulier les chômeurs de longue durée. La question fondamentale est de savoir comment faire en sorte que l’UE et ses Etats membres retrouvent un développement qui les sort de cette spirale de la décroissance de l’emploi.

Sur la question des jeunes, il faut prendre le chemin de la formation professionnelle, de l’alternance et de l’apprentissage. Au sein de l’UE nous devons avoir une approche partagée et des moyens communs pour la formation des jeunes. Il y a des situations très différentes. En Espagne, par exemple, si on ne résout pas la question du chômage global, on risque de se heurter à un mur en tentant une approche uniquement centrée sur les jeunes.

La crise que connait l’Europe est une crise systémique et on ne s’en sortira pas en prenant les choses par un bout.

Le Taurillon : Quelles sont les propositions des syndicats européens pour sortir de la crise ?

M.G : Sortir de la crise suppose d’agir dans trois directions. Il faut tout d’abord consolider et élargir le début de gouvernance budgétaire aux questions économiques. Dans ce cadre, l’UE doit impulser des véritables politiques d’investissements et de relance de la croissance. Il y a des opportunités de croissance liées aux biotechnologies, au numérique, à l’efficacité énergétique…

Le deuxième enjeu majeur est de retrouver une dimension sociale et de la lier avec cette croissance européenne. Depuis le début de la crise, s’accentue la concurrence sociale entre les pays de l’Union et tout particulièrement entre les pays de l’UEM. On ne peut pas redonner espoir en l’Europe si on ne donne pas aux salariés l’espoir d’avoir des jours meilleurs sur le terrain de l’emploi et si on ne leur dit pas qu’il est nécessaire de mettre un coup d’arrêt à cette concurrence sociale qui tire tout le monde vers le bas.

Nous sommes dans un moment clé où les solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés sont obligatoirement européennes alors que la crise pousse au repli national. Il faut donc sortir de ce dilemme intenable entre un besoin d’Europe et ce refus d’Europe. C’est un enjeu démocratique dans lequel il faut impliquer l’ensemble des citoyens car l’Europe ne se fera pas sans eux.

Le Taurillon : Estimez-vous que durant ces années de crise les syndicats ont été entendus ?

M.G : Non, globalement les syndicats n’ont pas été entendus. Mais il n’y a pas qu’eux. Beaucoup d’économistes et d’observateurs ont répété que même si le retour à l’équilibre budgétaire était indispensable, il fallait allier la rigueur avec le besoin de maintenir un niveau de croissance qui ne dégrade pas davantage la situation économique. Ce discours tenu depuis deux bonnes années n’est pas entendu et aucun acte sérieux n’est venu concrétiser cette vision. Les syndicats relayent ces propositions et ne sont pas davantage entendus.

Face à cette situation sociale dramatique dans certains pays, la Confédération européenne des syndicats revendique la mise en place d’un contrat social avec notamment l’instauration d’un minimum social dans chaque pays. Mais tout cela reste lettre morte.

Le Taurillon : Face à ce constat, quelles sont les solutions à mettre en place pour avoir des syndicats européens forts et entendus ?

M.G : Les syndicats européens ont un effort à faire pour concilier la défense des salariés nationaux et la dimension sociale et économique européenne. Ils doivent démontrer en quoi l’intérêt des salariés français est lié à la question européenne. Par exemple, l’existence d’un salaire minimum en Allemagne aurait pour effet positif de régler en partie la situation des travailleurs pauvres en Allemagne mais aussi de réduire la concurrence entre la France et l’Allemagne dans des secteurs d’activité où les salariés allemands sont très peu protégés comme dans l’agro alimentaire. C’est en multipliant les exemples comme celui-là et en expliquant aux salariés l’état du terrain social européen que les syndicats seront plus forts.

Le Taurillon : Existe-t-il un modèle social européen ?

M.G : On peut dire qu’il y a un modèle social européen au regard de l’histoire de l’Europe par rapport au reste du monde. Pendant une bonne partie de la construction européenne, l’articulation entre l’économique et le social s’est traduit par un vrai progrès dans beaucoup de domaines. De plus, l’Etat providence en Europe a permis de développer des systèmes sociaux collectifs en termes de prévention du chômage et d’accès pour tous à l’éducation.

Cependant, depuis plusieurs années, et ce avant la crise, on perçoit un délitement important du modèle social qui interroge les salariés sur la raison même de l’Europe.

Le Taurillon : Quelles sont les possibilités de l’UE pour agir pour la préservation de ce modèle social européen ?

M.G : Il est de la responsabilité de l’UE de prendre acte de l’hétérogénéité des modèles sociaux européens. Elle doit regarder les carences des politiques nationales et européennes pour s’attaquer à cette situation, notamment sur la question des revenus minimaux. L’UE doit aussi mettre en place des politiques d’accompagnement pour permettre aux Etats de réformer leurs marchés du travail et leurs systèmes sociaux pour les adapter au monde tel qu’il est. Mais plutôt que de demander aux Etats de mener des réformes sans se préoccuper des objectifs partagés en Europe comme on le fait actuellement, il faut accentuer les convergences.

Le Taurillon : Vous intervenez dans le cadre de la conférence du Mouvement Européen- France « La crise, une chance pour l’UE ? ». Quels sont les changements que doit opérer l’UE ?

M.G : L’UE doit prendre en compte trois grands éléments. Tout d’abord, l’hétérogénéité de l’Europe. Elle doit donc donner des objectifs communs aux 27 Etats membres au risque de voir un délitement politique de l’UE.

Deuxièmement, il n’y a d’avenir pour aucun des pays européens sans un renforcement de l’UE car dorénavant les pays émergents seront les puissances dominantes dans le monde.

Enfin, l’UE est devant une mutation profonde de nos sociétés et doit faire un effort considérable pour repenser son développement et son modèle. Nous avons besoin d’un débat important, impliquant les citoyens, sur les perspectives qui s’offrent à nos sociétés. Au cours de son histoire l’UE a multiplié les efforts pour consolider la paix et la démocratie ainsi que pour articuler l’économique et le social. C’est sur ces ressorts qu’elle doit s’appuyer pour inventer la société de demain.

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  • Le 18 novembre 2012 à 19:30, par Decollogne Michel En réponse à : Pour Marcel Grignard de la CFDT : « l’intérêt des salariés français est lié à l’Europe »

    Que ce soit pour la France ou l’Europe, l’intérêt des salariés passe par une réforme en profondeur du système actuel. Pour sortir de la crise, je pense qu’il faut réformer en profondeur le système sociétal actuel. Le système actuel a petit à petit muté vers une démocratie dite « représentative » et qui s’avère être une démocratie des oligarchies (politique, économique, financière, affairiste, etc.) qui ne cherchent qu’à renforcer leurs pouvoirs, leurs emprises sur le peuple.

    Je propose que nous revoyons l’organisation de l’habitat et de la démocratie car je pense que ces deux points fondamentaux sont à la base des dérives actuelles et seront les piliers sur lesquels nous pourrions asseoir un meilleur système démocratique, un système plus fraternel, un système plus respectueux des droits humains.

    Ce qui me semble important, c’est le vivre ensemble que ce soit dans la vie courante ou dans la vie au travail. Ainsi cela commence par l’habitat, l’organisation de la vie sociétale, l’environnement de la vie quotidienne et bien évidemment au travail. Pour qu’il y ait du travail, il faut des lieux. Or depuis des décennies nos élus ne favorisent pas ces lieux, notamment dans les cités. (J’utilise ce terme car il englobe du hameau à la mégapole.) La démographie étant ce qu’elle est, il devient criminel de ne pas repenser les villes et villages pour préserver des terres agricoles, industrielles et de loisirs. Or depuis le second empire, il ne me semble pas qu’il y ait vraiment eu des réflexions nationales sur ce sujet. C’est pourtant la base de ce qui conditionne notre vie quotidienne. Si tous les centres ville avaient des immeubles de 3 à 7 étages adaptés à la démographie locale, nous aurions moins de problème de logement. Si ces immeubles avaient l’obligation de réserver 75 à 80 % des rez-de-chaussées à des locaux d’activité nous aurions suffisamment de locaux pour les entrepreneurs et créateurs d’activité.

    Ainsi on viendrait à des proportions de locaux d’activité importante, ce qui ferait que nous aurions des locaux à prix accessibles et ainsi nous aurions des commerces, des artisans, des très petites entreprises (TPE-TPI) et des locaux pour les organisations non gouvernementales (ONG). La collectivité, donc nos impôts ne serviraient pas à réaliser des locaux pour ces ONG. Seules les salles de réunion, les salles polyvalentes resteraient à la charge de la collectivité comme ce fut longtemps le cas. Le propos n’étant pas à l’étude détaillée de ce point, notons que les murs abritant les ONG ne seraient plus financés par la collectivité dans leur grande majorité alors qu’avec les Maisons d’association, l’impôt les payent. Les rues bordées par ces commerces, ces artisans, ces TPE-TPI et ces ONG retrouveraient vie, convivialité, sécurité et propreté. Les endroits les plus attrayants attireraient une clientèle plus nombreuse et les moins attrayants seraient, de fait, utilisé par les TPE-TPI et les ONG. Il va de soi que les associations disposent de moins de moyens financiers que les autres. Mais que ferait un propriétaire qui n’arrive pas à louer son local ? S’il le laisse vide, il paye malgré tout les charges et il prend le risque devoir son bien se dégrader ou occupé illégalement. Alors que s’il autorise une association, il voit son local occupé, entretenu jusqu’à ce qu’il trouve un client qui lui paye un loyer plus rémunérateur. Ces locaux étant occupés, les trottoirs sont entretenus, les groupes d’oisifs ou de perturbateurs sont priés d’aller ailleurs, ainsi se crée du lien social, de l’apprentissage du civisme et enfin de la sécurité.

    Les artisans et TPE-TPI qui s’installeraient travailleraient tant pour les particuliers que pour d’autres PME-PMI. Cela ferait une base locale d’activité, créatrice d’emploi qui permettrait un redéploiement de l’industrialisation. Voici pour la partie habitat, vivre et travailler ensemble.

    Abordons maintenant la partie démocratie, la partie cogestion pour travailler et gérer ensemble. Les organisations (copropriétés, entreprises, associations, etc.) disposent toutes d’un conseil d’administration qui oriente les choix. Généralement les décisions sont prises à la majorité et pour certaines à la majorité qualifiée des deux tiers ou des trois quart. Pourquoi ne pas transposer ce principe à toutes les instances que nous rencontrons dans notre vie ? Pourquoi, continuer d’accepter que certains s’arrogent des droits supérieurs au nom de ceci ou de cela. Une personne qui entreprend ne peut le faire seule, elle a des fournisseurs et des clients sinon elle ne peut aller bien loin. Lorsque l’activité se développe, elle emploie des personnes. Ces personnes doivent être consultées. Lorsque l’on atteint 50 personnes et plus, il y a un impact sur l’environnement habitat. En effet les communes sont concernées (logements, voirie, transports, etc.), les commerces et artisans sont concernés et s’il y a un club de loisirs il est concerné aussi. Pourquoi ces personnes concernées ne sont pas consultées lors de décisions pouvant agir sur leurs domaine ? Nous devons définir de nouvelles règles pour définir de nouveaux niveaux d’implication, de nouveaux niveaux de décision. Par exemple un investissement pour remplacer tout ou partie de l’outil de production qui maintiendra l’activité de cette entreprise, doit-il être décidé par les actionnaires seuls ou avec le concours des employés, des collectivités, des commerçants et artisans concernés ?

    Il y a un long chemin pour que l’esprit républicain de cogestion se fasse jour à l’instar de nos aînés lorsqu’ils s’invitèrent au parlement sous le nom de « Tiers-État » pour cogérer l’État. De ceci naîtra une nouvelle forme de démocratie qui se répercutera dans toutes les instances de l’État.

    Alors, messieurs les élus, plongez vous dans vos plans locaux d’urbanisme pour que nous puissions espérer une France plus agréable à vivre en attendant un monde meilleurs.

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