Angela Merkel : « Je suis prête à me présenter une nouvelle fois à la Chancellerie »

, par Thomas Arnaldi

Angela Merkel : « Je suis prête à me présenter une nouvelle fois à la Chancellerie »
CC Wiki / FNDE

Alors que le premier tour de la primaire de la droite en France a vu arriver en tête contre toute attente l’ancien premier ministre François Fillon, la Chancelière de la République fédérale d’Allemagne, Angela Merkel, a annoncé sans suspense dimanche 20 novembre qu’elle sera la tête de liste des chrétiens-démocrates CDU/CSU en vue des prochaines législatives de 2017.

Lors d’une conférence de presse très attendue à Berlin, la Chancelière Angela Merkel a annoncé qu’elle se représentera en 2017 pour un quatrième mandat consécutif. Présidente de la CDU depuis 2000 et Chancelière d’Allemagne depuis 2005, Angela Merkel, âgée de 62 ans, semble indétrônable.

Depuis 2005 à la tête de l’Allemagne, elle a déjà rejoint le club très fermé des dirigeants de démocraties ayant tenu plus de 10 ans à la tête d’un pays. Déjà la 3ème plus grande longévité au pouvoir en Allemagne après Helmut Kohl (16 ans) et Konrad Adenauer (14 ans) et surtout la plus grande longévité en Europe actuelle, elle pourrait bien battre de nouveaux records, tant sur le plan national qu’international.

La (dernière ?) représentante du «  monde libre  »

Lors de sa visite à Berlin pour son dernier voyage officiel en tant que Président des Etats-Unis, Barack Obama l’a qualifiée de «  partenaire extraordinaire  » et de «  modèle pour le monde libre   » avec qui il avait apprécié travailler. S’il était allemand, ce cher Barack voterait pour Merkel.

Loin de l’anecdote, cette déclaration d’amour politique pour Merkel montre que le monde post-Brexit et post-élection de Donald Trump effraie les démocrates. Dans cette atmosphère de fin du monde démocratique relevée dernièrement par la Une du Spiegel (magazine allemand, 12 novembre 2016), Merkel incarne la démocratie et la stabilité, contre vents et marées, crises et recherches de croissance. Elle incarne la rigueur de gestion et le sérieux des réformes qui permettent de protéger les valeurs du monde libre. Elle est en effet la plus ancienne membre du G8 à siéger sans discontinuer – Vladimir Poutine était Premier ministre de 2008 à 2012 et ne siégeait donc pas au G8, de même que la Russie a suspendu sa participation depuis 2014 – et la 2ème plus ancienne membre du G20 (après Erdogan). Autant dire que son expérience apaise les plus inquiets notamment lorsqu’elle peut jouer de son influence auprès de ces deux dirigeants au caractère obscur.

Dans ce monde en crises, Merkel rassure, et tout particulièrement les Européens. Aves les tensions et la guerre en Ukraine, la crise des réfugiés, le choc post-Brexit et la crise économique et des dettes souveraines, Merkel incarne une stabilité dans la résolution des problèmes et des conflits. Diplomate, engagée, européenne convaincue et se voulant incarner la protection des droits fondamentaux, son expérience tranquillise et motive les Européens pour rester sur le devant de la scène internationale. Forte d’une puissance diplomatique à la hauteur de son rang, elle apparaît sur la scène européenne comme la seule à pouvoir limiter l’influence grandissante de Poutine et d’Erdogan qu’elle côtoie depuis ses premiers sommets internationaux.

A la fin de son mandat actuel, elle aura tout de même connu au G7 plus de 20 dirigeants des 6 autres pays participants  : 3 Présidents des Etats-Unis, 3 voire très certainement 4 Présidents de la République française, 3 Premiers ministres canadiens, 5 Premiers ministres italiens, 7 Premiers ministres du Japon, 4 Premiers ministres britanniques, mais parmi eux une seule femme, Theresa May. Angela Merkel incarne donc la continuité dans ce monde libre qui se déchire et souhaite mettre à plein profit cette expérience.

Alors que la situation internationale s’exprime par des tensions de toutes parts gagnées par une influence inouïe de la Russie de Poutine jouant un rôle majeur en Syrie, par la victoire inquiétante des populismes en Hongrie, Pologne et maintenant les Etats-Unis, et par un recul de la démocratie dans de nombreux pays comme la Turquie, que faire  ?

Sa candidature est-elle le reflet qu’aucune alternative n’est possible  ?

Si au niveau international elle est très appréciée pour sa dynamique et son expérience, au niveau de la République fédérale d’Allemagne, elle est la seule personnalité politique à pouvoir à nouveau briguer ce poste. Alors que sur la scène internationale elle apparaît comme une nécessité, sur la scène nationale elle est seule.

Le plus probable concurrent était encore il y a quelques temps Frank-Walter Steinmeier (SPD) le très populaire ministre fédéral des affaires étrangères. Désigné le 14 novembre comme le candidat de la Grande Coalition actuellement au pouvoir pour le poste de Président fédéral d’Allemagne dont les élections se dérouleront en février 2017, une opposition crédible au poste de Chancelier fédéral est devenue inexistante. Martin Schulz, dont le mandat de Président du Parlement européen se termine au début 2017, bénéficie d’importants soutiens parmi le SPD allemand et pourrait faire le poids. Il serait toutefois regrettable pour lui de s’immiscer dans des politiques nationales après son intense engagement européen. Malgré l’usure du pouvoir, Merkel incarne donc la continuité et la raison d’Etat plus qu’aucun autre, aucune autre personnalité ne semblant apte à prétendre à ce poste.

Il n’y a personne qui pourrait la remplacer au sein de l’Union chrétienne-démocrate non plus. Le seul qui pouvait entrer dans la balance, c’est Wolfgang Schäuble, le ministre fédéral des finances. Avec ses 74 ans, il est toutefois trop âgé et ne fait pas un bon candidat. Qu’en est-il alors des influents Thomas de Maizières et Ursula von der Leyen, les ministres respectifs de l’intérieur et de la défense  ? Ils sont de très bons managers mais en aucun cas dans les premiers rangs de la CDU et par ailleurs très fidèles à Merkel.

Dans les rangs de la CDU, Merkel est donc la seule candidate possible. Du côté de son partenaire et allié bavarois, la CSU, les tensions sont palpables. Horst Seehofer ne cautionne pas du tout la politique menée par Angela Merkel sur la crise des réfugiés. Contrairement à la coutume de ses dernière années, Angela Merkel n’a d’ailleurs pas participé au dernier Congrès de la CSU, démontrant un peu plus les difficiles relations politiques entre les «  deux sœurs de l’union  ». Le pragmatisme politique de Seehofer l’oblige tout de même à soutenir Merkel, ce qu’il a fait en déclarant qu’ «  il est bien que la situation soit clarifiée  » après la conférence de presse.

Si l’Union de la CDU et de la CSU sont donc élus avec une majorité simple au Bundestag pour les prochaines élections législatives de septembre 2017, Angela Merkel briguera un quatrième mandat à la tête de la Chancellerie fédérale.

Fond de tensions politiques et de gestion de crises

Loin d’être une surprise, l’annonce de sa candidature était donc attendue et reflète l’absence d’alternative crédible dans la politique allemande. Tant sur la scène internationale que nationale, la Chancelière Merkel semble irremplaçable.

Thomas Strobl, chef de la section du Bade-Wurtemberg de la CDU a déclaré que «  la décision de la Chancelière est volontaire et également un bon signal pour l’Europe et le reste du monde  ». Pour Merkel, la décision a été prise avec beaucoup de gravité, confiant qu’elle y a «  infiniment réfléchi   ». «  Mon but dans la politique est de travailler pour la cohésion de notre pays  » évoque-t-elle prenant pleine conscience que la campagne électorale sera difficile, «  plus difficile que toutes celles depuis la réunification allemande  ». Se tenant prête pour candidater de nouveau au poste de Chancelière, elle mesure les enjeux graves et fera face aux «  défis à l’échelle européenne et internationale   » pour défendre «  nos valeurs  », «  notre art de vivre  » et notamment la démocratie. Une nouvelle fois, l’aspect international joue un rôle non-négligeable. Sur la politique intérieure, ses concurrents sont plus virulents. Le porte-parole du SPD au Bundestag a souligné que «  la Chancelière n’est pas imbattable  », les libéraux du FDP ont annoncé par leur leader que «  Madame Merkel ferait certainement une excellente secrétaire générale de l’ONU sur la scène internationale, mais qu’en tant que Chancelière sa politique intérieure est malheureusement verdâtre  »

Toutefois selon un sondage paru dans le Bild am Sonntag du dimanche 20 novembre, 55% des Allemands s’exprimeraient en faveur d’un quatrième mandat de la Chancelière, contre 39%. Les élections présidentielles aux Etats-Unis semblent y jouer un rôle influent dans cette côte de popularité qui remonte. Tant pour la population des démocraties internationales que pour les Allemands, la Chancelière Merkel semble être la seule personnalité à pouvoir incarner le monde libre.

Et pourtant, le parti populiste d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) a Merkel dans son viseur et la porte en égérie de la haine, de l’échec de l’Allemagne et de la perte d’identité. De nombreuses voix s’élèvent – et pas seulement dans les rangs de l’extrême-droite – en scandant que «  Merkel doit dégager  ».

Souvent il est reproché à Merkel qu’elle n’a pas de stratégie et qu’elle ne gère que les affaires courantes sans vision pour l’avenir  : son revirement sur l’accueil des réfugiés en est un bon exemple. Toujours sur la défensive, elle prend ses grandes décisions après avoir consulté le plus de partenaires possibles pour trouver le compromis.

Or le système politique allemand ne laisse pas d’autres solutions que le compromis, surtout en cas de Grande Coalition. Il ne faut pas oublier que le gouvernement allemand actuel tient un panel politique très large qui correspondrait en France à une coalition allant de la droite sarkozyste à la gauche incarnée par Montebourg  ! Avec de telles personnalités dans un même gouvernement, le compromis est la seule solution, à la différence de la France où le compromis apparaît comme une faiblesse de l’exercice du pouvoir.

En définitive, Merkel est donc une femme de compromis qui correspond tout à fait au système politique allemand. Forte de son expérience, elle incarne la liberté des démocraties du monde occidental qui se voient dépérir depuis le Brexit et l’élection de Donald J. Trump à la Maison Blanche. «  Cette élection sera difficile, comme aucune auparavant   » prévient-elle. Attention toutefois à ne pas se la jouer à la «  Clinton  » sans proposer de véritable projet aux citoyens allemands  : cela risquerait de coûter très cher…

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