Antonio Guterres, un européen convaincu à la tête de l’ONU

, par Geoffrey Lopes

Antonio Guterres, un européen convaincu à la tête de l'ONU
Antonio Guterres lors d’une conférence de presse à Genève. CC Flickr / Eric Bridiers

Antonio Guterres est devenu jeudi le neuvième secrétaire général des Nations unies. Le Portugais de 67 ans, surnommé le « marteau piqueur parlant », souhaite reconstruire la légitimité de l’ONU sur le terrain. Une mission ardue mais non moins motivante.

« J’accueille cette décision avec gratitude, humilité et surtout avec un profond sens des responsabilités. » L’Assemblée générale des Nations unies vient de désigner par acclamation Antonio Manuel de Oliveira Guterres secrétaire général. Le successeur de Ban Ki-Moon rentrera en fonction le premier janvier 2017 pour une durée de 5 ans. Devant les représentants des 193 États membres, le Portugais a pris toute la mesure de son poste.

« Je suis pleinement conscient des défis auxquels est confrontée l’ONU et des limites contraignant son Secrétaire général. Je crois aux valeurs universelles que l’ONU défend : la paix, la justice, la dignité humaine, la tolérance et la solidarité. » Le Haut commissaire aux réfugiés entre 2005 et 2015 a remporté haut la main tous les votes indicatifs du Conseil de sécurité. Richard Gowan, spécialiste des relations internationales au centre universitaire de New-York, considère la nomination de M. Guterres comme « un excellent choix. Il pourrait donner à l’ONU le genre de coup de pied au derrière dont elle a besoin ».

Porte voix des opprimés au caractère bien trempé

Homme d’action et de conviction, Antonio Guterres fait l’unanimité. Les compliments ne manquent pas à ceux qui le côtoient pour le décrire. « Très intelligent, charismatique, travailleur acharné et méthodique, extraverti et ouvert, courageux et fin stratège », Antonio Guterres ne lâche jamais le morceau et parvient toujours à négocier. Le fervent catholique s’est converti en missionnaire politique. Jorge Coelho, l’un de ses ancien ministre de l’intérieur, surenchérit : « je n’ai jamais rencontré quelqu’un avec autant de qualités humaines. Il se préoccupe en permanence des autres et des mesures à prendre pour améliorer les conditions de vie. »

Né à Lisbonne le 30 avril 1949, Antonio Guterres se tient prêt à « servir les plus vulnérables, les victimes des conflits, du terrorisme, de la violation des droits, de la pauvreté ou des injustices de notre monde perturbé par des problèmes très très sérieux. » Le petit homme trapu aux yeux brillants le martèle : « nous n’allons pas sauver l’humanité, mais nous ferons tout ce que nous pourrons pour le faire ». Le Portugais ambitionne de recentrer l’ONU sur le terrain et prioriser la prévention des conflits et la diplomatie active. François Delattre, ambassadeur de France à l’ONU, se réjouit de sa nomination : « M. Guterres est le leader adéquat pour assumer le rôle des Nations unies qui n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui. C’est un rassembleur, un excellent connaisseur des dossiers diplomatiques et du système onusien. »

Parcours linéaire et ambitieux

Antonio Guterres n’est pas né de la dernière pluie. A l’image de nombreux hommes politiques portugais de sa génération, c’est la lutte contre la dictature de l’état nouveau qui le pousse à s’engager. Ingénieur, il commence par militer auprès de mouvements catholiques. La Révolution des œillets de 1974 le propulse à l’Assemblée de la République sous la bannière du Parti socialiste. En 1992, il prend les rênes du PS avant de remporter les élections législatives trois ans plus tard. Premier ministre de 1995 à 2002, il renoue avec la croissance, instaure un revenu minimum garanti, stabilise la sécurité sociale et crée l’influente communauté politique de langue portugaise. Européen convaincu, il inscrit le Portugal dans le cercle des onze membres fondateurs de la zone euro en 1999.

Défait aux élections locales de décembre 2001, Antonio Guterres se retire de la vie politique portugaise. En mai 2005, Kofi Annan le nomme Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés. La défense des droits humains lui fait prendre une autre dimension. Dans ce cadre, il a dû affronter la pire crise migratoire depuis la fin de la seconde guerre mondiale. En 2015, le HCR a recensé 65,3 millions de déplacés et de réfugiés ayant fui les multiples conflits et persécutions dans le monde. Un record. « Je sais ce que j’ai ressenti à la tête du HCR pendant dix ans », assurait Antonio Guterres les larmes aux yeux au quotidien The Guardian en juillet. « Vous ne pouvez imaginer ce que c’est que de voir de tels niveaux de souffrance. » Le missionnaire portugais ne s’en laisse pas compter et réforme son agence pour tenter de tarir ce flux d’Hommes déracinés et répondre aux situations d’urgence.

« Ce n’est pas à l’écorce qu’on connaît le fruit mais en y plantant les dents », s’amusait José Saramago, prix Nobel de littérature en 1998. Tous ces mots déversés à l’ancre ne font pas encore figure de jus de fruit pour Antonio Guterres. Candidat finalement naturel à ce poste, le Portugais a tout à prouver. Malgré la cacophonie qu’il a suscitée dans l’Union européenne, il garde de nombreuses et prometteuses cartouches pour redonner du crédit à l’ONU.

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