Bremain ou Brexit ?

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Bremain ou Brexit ?
Est-ce qu’une sortie du Royaume-Uni à l’avenir peut renforcer l’intégration européenne ? © Rareclass / Flickr / CC BY-NC-ND 2.0-Lizenz

Est-ce qu’un Brexit serait une catastrophe pour l’Union européenne ? Ou peut-être, à l’inverse, une chance pour relancer l’intégration politique du continent ? Un débat entre nos rédacteurs Paul Helm et Vincent Venus.

Bremain ! Pourquoi la Grande Bretagne doit rester un Etat membre de l’Union européenne

De Paul Helm

En 1946, lorsque Winston Churchill s’exprima sur la nécessité d’une Europe unie politiquement, la vision d’une autre Europe pacifiée s’éclaira à travers les mots d’un homme qui avait gouverné son pays pendant les sombres années de la Seconde Guerre mondiale. En même temps ce discours préfigurait déjà à l’époque, la relation ambivalente entre la Grande Bretagne et l’Europe. Selon Churchill, son pays devait être un ami et un soutien de la nouvelle Europe. Il se suffisait pourtant à lui-même avec le Commonwealth.

Aujourd’hui, les choses ont peu changé. La Grande Bretagne fait bien partie de l’Union européenne. Pourtant, le premier ministre britannique David Cameron a rejeté l’idée du projet de paix initial : « Aujourd’hui, l’objectif dominant et principal de l’Union européenne est différent : pas d’atteindre la paix mais d’assurer la prospérité. » Et même si le premier ministre britannique s’est engagé pour le maintien dans l’Union, il s’est exprimé contre la légitimité de son caractère supranational, quand il ne nie pas radicalement son existence et la vision d’une démocratie européenne. En substance, l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union équivaut depuis longtemps à une tragédie.

Pourtant, je ne veux pas admettre l’argument selon lequel les Britanniques ont de toute façon trahi l’Europe et qu’on devrait simplement les laisser partir. Avec le référendum, un débat profond sur l’Union européenne s’est ouvert en Grande Bretagne pour la première fois depuis des années, dans lequel on entend enfin des arguments plus émotionnels sur un maintien dans l’Union européenne. De plus, un coup d’oeil aux données montre que les jeunes en Grande Bretagne sont de plus en plus favorables à l’Europe. Cela donne de l’espoir.

Et que gagnerait l’Europe avec un retrait ? Il est sûr que la haine et le mépris de certains Britanniques contre les « bureaucrates » bruxellois et la paperasserie ne sont plus supportables pour l’Europe. En même temps, nous perdons avec la Grande Bretagne un partenaire qui dispose d’un meilleur réseau mondial (notamment, le conseil de sécurité de l’ONU) et qui, grâce aux reliquats du Commonwealth et de sa « pop-culture » reste une puissance singulière au-delà des frontières de l’Europe. La perte de la Grande Bretagne comme État membre équivaudrait à une perte de représentation pour l’Union européenne. Et à ce stade, je ne veux absolument pas parler des inconvénients économiques pour les deux camps.

Last but not least, les Britanniques ne sont pas les seuls à douter de l’Europe. La critique des Britanniques à propos de la libre circulation trouve un écho dans les Etats d’Europe de l’Est, réservés sur la question d’une politique d’asile commune.

Avec le retrait de la clause d’ « Union toujours plus intégrée », la Grande Bretagne a créé un espace pour une Europe qui ne peut avancer sans elle.

Je ne veux pas jubiler à l’idée de voir la Grande Bretagne échouer politiquement et économiquement suite à un retrait de l’Union européenne. Car le prix que devrait payer l’Europe également serait trop fort.

C’est pourquoi je prierai pour les Britanniques jeudi et espère un maintien dans l’Union européenne.

Paul Helm a étudié à l’Universität Jena et à l’University of Central Lancashire (Grande Bretagne). Il a écrit son mémoire de Bachelor sur le thème de la politique européenne et l’eurosceptisme sous David Cameron et Margaret Thatcher.

Le Brexit, une chance historique pour l’Union européenne

De Vincent Venus

Pour moi, le Brexit est comme la fin de la série How I Met Your Mother : On ne cherche pas vraiment à connaître la fin, mais une fois finie, on est soulagé. Année après année ils nous rabattaient les oreilles : Ted cherchait le grand amour à New York, David Cameron attendait qu’on lui déroule le tapis rouge à Bruxelles. Entre les deux, il y a eu beaucoup de drames, des personnages farfelus et beaucoup de répétition.

Contrairement à la fin de la série, la fin européenne des Britanniques n’est pas définitive. Personne ne sait exactement ce qui va suivre après le Brexit. Ce qui apparait comme doublement certain : il y a des risques et des chances sans précédents. Pendant que la majorité des pro-Européens se concentre sur le danger et essaie de faire un câlin affectueux aux Britanniques, je me réjouis à l’idée d’un possible progrès pour l’Europe continentale. Voici seulement deux arguments, un avec une dimension interne et l’autre avec une dimension externe.

D’abord, les saboteurs manifestes de la démocratie européenne sont à bout avec les Britanniques. Il est historiquement démontré que le Royaume-Uni a rejoint avant tout la Communauté européenne pour en contrôler le développement. Les Britanniques y sont pour beaucoup dans ce que l’Union européenne a évolué vers une communauté économique froide pendant que l’équilibre social et la responsabilité démocratique sont restés de côté. Sans les freins britanniques, il sera plus facile de corriger les erreurs de l’Union européenne et à moyen terme de réaliser une véritable démocratie européenne.

Ensuite, le Brexit peut également avoir un effet libérateur. L’Union européenne ne doit plus uniquement s’occuper d’elle-même mais redevenir un acteur global. Et, en premier lieu, les Britanniques doivent l’accepter.

Comme devise pour les discussions de retrait, les négociateurs européens devraient se tatouer sur l’avant-bras la phrase de Jean-Claude Juncker : « Le déserteur ne sera pas accueilli à bras ouverts. »

Le Royaume-Uni doit apparaître, à la fin de la négociation, dans une situation clairement pire que lorsqu’il était Etat membre. Le message aux autres fantaisistes du retrait, mais également aux aspirants de l’Union européenne et aux rivaux géopolitiques doit être le suivant : l’Union européenne est une puissance dont l’appartenance est un privilège avec des avantages exclusifs. Comme le journaliste néerlandais Joris Luyendijk l’affirmait, le Royaume-Uni est clairement plus fortement dépendant du marché européen que l’inverse. Et, à Francfort, il y aurait suffisamment de tours de bureaux vides pour que les banquiers londoniens ne se retrouvent pas SDF.

Jeudi, les Britanniques décident. Restons confiants quant au résultat.

Vincent Venus est secrétaire fédéral des Jeunes Européens Fédéralistes - Deutschland. Cette contribution ne reflète que l’opinion personnelle de l’auteur. La JEF Deutschland s’est exprimée pour le maintien du Royaume-Uni.

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