Dette grecque : Tsipras, la corde au cou ?

, par Hervé Moritz, Valco

Dette grecque : Tsipras, la corde au cou ?
Christine Lagarde, directrice du FMI, et Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe, supervisent les réunions des ministres des Finances de l’Eurozone, afin de trouver un remède au patient grec. - EU Council Eurozone

Le ballet des sommets européens et des réunions de l’Eurogroupe se poursuit à Bruxelles au sujet de la colossale dette grecque sans pour autant qu’une solution pointe le bout de son nez. La date du dépôt de bilan approche à grands pas et l’étau se ressert autour d’Alexis Tsipras, premier ministre grec issu du parti de la gauche radicale Syriza. La Grèce, et avec elle la démocratie européenne, va-t-elle faire faillite ?

Un combat de coqs qui ne mène à rien

Vendredi 26 juin au matin, rien de nouveau, le soleil se lève sur Athènes. Depuis plusieurs jours, les Grecs restent suspendus aux lèvres des technocrates européens, réunis avec les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Huit, les grandes figures des instances internationales, les ministres de l’Eurogroupe, pour statuer sur le sort du pays et de ses citoyens. Hier, les membres de l’Eurogroupe et du Conseil européen n’ont pas su s’accorder sur une feuille de route de réformes, donnant le coup d’envoi de nouvelles salves d’aides à l’Etat grec dont les caisses sont vides.

Cette semaine, une succession d’oraux n’a pas permis de trouver un accord entre la Grèce et ses créanciers, incarnés par la « Troïka », le Fonds monétaire international (FMI), la Commission européenne, la Banque centrale européenne. Pourtant, cet accord est indispensable. Il s’agit de s’entendre sur un plan de réformes et une liste de prêts consentis par les créanciers pour mener à bien ces mesures. Le 30 juin prochain, la Grèce devra honorer sa dette de 1,6 milliards d’euros au FMI. Or les caisses sont vides. Le seul moyen d’honorer ses engagements, c’est le renflouement du pays par les Européens au moins jusqu’au mois de septembre grâce à 7,2 milliards d’euros d’argent frais.

Lundi, le gouvernement d’Alexis Tsipras avait pourtant formulé de nouvelles mesures d’austérité : hausse de la TVA, restriction de la retraite anticipée, hausse des taxes et des impôts pour les plus riches et les entreprises et réduction budgétaire. Cela n’a pas suffi. Après correction de la copie en rouge, et quelques piques du ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, les créanciers ont exigé de nouveaux efforts de la part d’Athènes. Cependant, plusieurs points mécontentent encore les créanciers, dont les dépenses militaires, l’imposition des entreprises, les retraites, les taux de TVA et les coupes budgétaires jugées insuffisantes. Pour Alexis Tsipras, la figure de proue des mouvements anti-austérité à travers l’Europe, il est hors de question de demander aux retraités et aux travailleurs de se serrer à nouveau la ceinture pour permettre aux entreprises de respirer. Il souhaite aussi des engagements sur l’allègement de la dette qui représente pas moins de 177% du PIB de la Grèce.

Hier encore, les ministres de l’Eurogroupe n’ont pas réussi à s’accorder sur une ligne de conduite, les réformes présentées par Athènes n’étant pas suffisantes pour l’octroi de fonds à la Grèce, lui permettant de sortir la tête de l’eau pour quelques mois supplémentaires et de rembourser une partie de ses dettes à ses créanciers impatients. Wolfgang Schäuble ne voit pas poindre les « progrès nécessaires ». Rien n’y fait. Christine Lagarde, patronne du FMI, demeure elle aussi intraitable et exige des réformes strictes et des coupes budgétaires drastiques, ne faisant pas confiance aux services de l’Etat pour collecter l’impôt. L’institution internationale maintient la date du paiement de son du : le 30 juin, Athènes devra verser 1,6 milliards au FMI. Le compromis entre la Troïka et les négociateurs grecs semble difficile. La banqueroute guette.

Alexis Tsipras chancelle en Grèce

En Grèce, les citoyens attendent impuissants le verdict des négociations. Les Grecs, inquiets, retirent leurs capitaux des banques du pays pour éviter une saisie de ces fonds en cas de banqueroute de l’Etat. 4 à 5 milliards d’euros ont déjà été retiré par les épargnants grecs. Depuis janvier, et le triomphe de Syriza aux élections législatives, Alexis Tsipras perd de sa crédibilité, ne pouvant tenir les promesses de campagne qu’il a clamées contre l’austérité imposée par « Bruxelles ».

Alors que des négociations interminables avec les partenaires européens occupent le gouvernement, le Parlement grec s’agite. Le chef de l’opposition conservatrice et ex-premier ministre, Antonis Samaras dessine les contours d’un gouvernement d’union nationale sans Alexis Tsipras, le leader de Syriza, grand vainqueur des élections de janvier. Il se chuchote que le siège de premier ministre serait convoité par Yannis Stournaras, actuel gouverneur de la Banque de Grèce particulièrement apprécié par les Européens. Dans son propre camp, au sein de Syriza, Alexis Tsipras sent monter la contestation. Le parti majoritaire au Parlement parle d’élections anticipées ou d’un changement de gouvernement.

Face à cette crise politique, Alexis Tsipras est en mal de légitimité, et ses homologues européens rêvent de le mettre hors course. Il penche plutôt pour un référendum afin que le peuple lui renouvelle son soutien. Avec d’un côté ses créanciers et de l’autre la population grecque, Alexis Tsipras doit jouer un numéro périlleux d’équilibriste.

La démocratie démissionnaire face à la technocratie

Dans cette crise grecque qui s’éternise et cette succession de sommets « de la dernière chance », c’est la démocratie européenne qui démissionne. Depuis le début de la crise de la dette grecque, en 2009, le Conseil européen, la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres, est en première ligne. L’intergouvernementalisme préside au règlement de la crise. Cependant, la gestion piteuse de la crise par les Etats membres les ont conduit à repousser l’échéance de la banqueroute sans action efficace pour la relance de l’économie en Europe, élément indispensable pour sortir du « cercle vicieux de l’austérité », dénoncé par Alexis Tsipras. Ils ont ainsi dilapidé les milliards sans même s’interroger sur le moyen de remettre la Grèce sur les rails pour un jour pouvoir rembourser seule ses dettes.

Pire, le Conseil a délégué la gestion de la crise à la Troïka, un trio technocratique sans contrôle des instances démocratiques de l’Union européenne. La politique a abdiqué face à la technocratie. Les Etats et le Parlement européen ont laissé les clés de la maison Europe aux technocrates et aux créanciers, en particulier à la BCE et au FMI. La Commission européenne, qui s’est politisée depuis la nomination de Jean-Claude Juncker au poste de président, ne parvient plus à freiner l’avidité et l’impatience du FMI et de la BCE. Alors même que lundi dernier Jean-Claude Juncker et Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe, avaient salué le plan de réformes grecques proposées par Tsipras et son ministre Varoufakis, les négociateurs du FMI et de la BCE avaient balayé d’un revers de la main ce plan, le jugeant trop faible. Hier encore, nul accord n’a pu être trouvé.

Tant que les technocrates présideront à la gestion de la crise de la zone euro, les citoyens européens ne verront pas poindre la reprise de l’économie et des jours meilleurs pour eux et leurs enfants. Seules les instances politiques de l’Union européenne, et en particulier le Parlement européen, grand absent des négociations, peuvent redorer le blason des institutions européennes, trouver une solution acceptable par tous les parties à la crise et donner l’illusion que c’est encore la démocratie qui inspire les décisions en Europe.

A la mi-journée, vendredi 26 juin, les créanciers ont mis sur la table une aide de 12 milliards d’euros sous réserve de la conclusion d’un accord avec la Grèce.

Sources et références :
 Grèce : Négociations au forceps.
 Les Grecs évoquent divers scénarios en cas d’échec des négociations.
 L’Eurogroupe s’achève sans accord.
 L’Eurogroupe peine à trouver un accord sur la Grèce.
 Grèce : Scénarios de friction.

Mots-clés
Vos commentaires
  • Le 27 juin 2015 à 17:35, par thomas En réponse à : Dette grecque : Tsipras, la corde au cou ?

    Tsipras est un stratège bien plus fin que cet article, le présentant comme une copie de notre lamentable chef d’Etat, ne le laisse penser. Faire mine de se coucher, en laissant croire qu’il va retourner sa veste, pour inciter ses adversaires à abattre leurs cartes et à se dévoiler complètement, avant de les prendre à revers comme il l’a fait, c’est très fin.

    Ce n’est pas Tsipras qui chancelle en Grèce, c’est la démocratie. Mais pas par la faute de Tsipras, de son gouvernement ou de son parti, mais par celle de ses adversaires européens qui ont fait le choix des puissances d’argent plutôt que celui de la volonté des peuples. Le référendum à venir, s’il tourne à l’avantage de Tsipras, d’ailleurs va poser un sérieux dilemme à ses adversaires, puisqu’en cas de victoire de l’option anti-austérité, la poursuite de politiques d’austérité en Grèce ne pourra se faire que contre la démocratie et le peuple grec... Avant de disserter sur une illusoire démocratie européenne (à propos de laquelle JC Juncker a un avis bien tranché, cela dit...), ayons le courage de défendre la démocratie grecque et le gouvernement de SYRIZA, sans doute le plus démocratique d’Europe en ce moment !

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom