Zlatan Ibrahimovic : le parfait Européen ?

, par Fabien Cazenave

Zlatan Ibrahimovic : le parfait Européen ?

Zlatan Ibrahimovic est un joueur incroyable, son parcours l’est tout autant. Fils d’immigrés bosniens en Suède, il est devenu le symbole de son équipe nationale et est adulé par des fans du monde entier, sans qu’il ne soit plus question de frontières.

Zlatan Ibrahimovic est un symbole de la Suède malgré un nom qui ne se finit pas en « -sson », « -sbeg » ou « -ström ». Il est devenu le capitaine de son équipe nationale de football et une star mondiale dans son sport. Ses buts contre la France, l’Italie, l’Angleterre ou son duel face à Cristiano Ronaldo sont déjà devenus légendaires. Même en club, le « géant suédois » marque chaque championnat où il a joué par des buts venus d’ailleurs, comme sa talonnade à hauteur de tête lors d’un match contre Bastia en 2013.

Il est aussi un symbole de l’Europe. Sa famille a fui le drame yougoslave pour venir vivre en Suède. Malgré des difficultés d’adaptation et des erreurs de jeunesse (il volait des vélos pour aller s’entraîner) son talent hors-norme lui a permis de jouer dans les plus grands clubs européens. Il a notamment profité de l’ouverture des frontières nationales footballistiques suite au fameux arrêt Bosman.

Il est un tel phénomène que le terme « zlataner » est inscrit dans le dictionnaire suédois et est souvent utilisé dans les cours d’école en France.

En quoi est-il un Européen parfait ?

« Zlatan » ressemble à l’Européen parfait. Tout d’abord, il parle plusieurs langues : le bosnien, le suédois, l’anglais, l’italien, un peu d’espagnol et désormais le français. Bien sûr, son « ici ci Paris » a bien fait rire en France, mais il s’est grandement amélioré depuis.

Il a appris ces langues grâce à une forte mobilité professionnelle : il s’est révélé à l’Europe du football à l’Ajax Amsterdam, puis à la Juventus de Turin, l’Inter Milan, le FC Barcelone, le Milan AC et aujourd’hui le Paris Saint-Germain. Il aura donc connu dans sa vie des méthodes professionnelles différentes en Suède, aux Pays-Bas, en Italie, en Espagne et en France.

Sa capacité d’adaptation à des cultures différentes lui vient peut-être de sa double-culture initiale : celle de ses parents et celle de son pays d’enfance. On remarque que parmi ses meilleurs amis au PSG aujourd’hui, on retrouve un Brésilien (Maxwell) et un Français (Zoumana Camara). Il ne s’arrête donc pas à la langue ou à la nationalité d’une personne.

Être mobile, s’adapter à des cultures différentes, être ouvert aux autres, parler plusieurs langues, n’oubliant pas son pays d’origine (puisqu’il est capitaine de la Suède) : voilà un portrait-robot de l’Européen parfait, non ?

Serons-nous tous des futurs Ibrahimovic ?

Le parcours de « Ibra », comme disent les supporteurs du PSG, doit nous interroger sur notre rapport aux frontières nationales. Nous continuons à l’entretenir, encore aujourd’hui alors que notre espace naturel est désormais continental. Souvent par défaut, notamment en raison du manque de maîtrise des langues « étrangères » européennes. Nous devrions pourtant tous tendre vers ce type de parcours où notre talent doit nous permettre de nous réaliser pleinement sur l’ensemble du continent s’il peut être encore plus valorisable en dehors de notre pays d’origine.

Cela ne veut pas dire que nous oublions d’où nous venons mais que nous ne sommes plus limités à cela. La diversité culturelle est une chance car elle nous permet de nous adapter plus facilement à un nouvel environnement professionnel et culturel.

En réalité, le citoyen européen Zlatan Ibrahimovic nous apprend beaucoup plus sur l’Europe d’aujourd’hui que ce qu’il ne nous dit sur le citoyen européen du futur. En effet, profitent réellement de la construction européenne les meilleurs talents et ceux qui ont les moyens de changer facilement de cadre.

Un ouvrier aura beaucoup plus de mal à aller dans un autre pays car l’entreprise n’ira pas le chercher en raison de ses compétences égales à celles des ouvriers locaux. De même pour l’apprentissage de la langue locale, à défaut d’une langue véhiculaire reconnue et officielle, le monde de l’entreprise n’est pas aussi international que celui des grands clubs de football.

Zlatan Ibrahimovic est donc un modèle de ce que pourrait être un citoyen européen. Il nous reste encore un long chemin à parcourir avant que cela ne soit un parcours habituel des citoyens de notre continent.

Cet article est réalisé dans le cadre de la préparation aux élections européennes.

Chaque semaine, découvrez un nouveau pays membre de l’Union européenne. Cette semaine, nous partons en Suède.

Vos commentaires
  • Le 4 décembre 2013 à 18:06, par alexandre Marin En réponse à : Zlatan Ibrahimovic : le parfait Européen ?

    "Nous continuons à l’entretenir (notre rapport aux frontières nationales), encore aujourd’hui alors que notre espace naturel est désormais continental. Souvent par défaut, notamment en raison du manque de maîtrise des langues « étrangères » européennes."

    C’est vrai que nous avons du mal à aller et à nous ouvrir vers la connaissance des autres, en raison du manque de connaissance que nous avons de nous même et de nos propres origines. Le cas des langues étrangères est intéressant. Dans le cas national, les Français ont souvent du mal à apprendre les autres langues parce qu’ils ne maîtrisent que difficilement la leur et ne peuvent accéder à des idées qui peut-être seraient plus prononcées dans d’autres idiomes. A ce titre, il est intéressant de noter que les élèves des écoles bilingues français/langue régionale sont souvent meilleurs que leurs camarades, et dans l’apprentissage du Français, et dans l’apprentissage des langues étrangères.

    Même lors du triomphe du nationalisme, ceux de nos anciens qui arrivaient à l’école secondaire avaient, en moyenne, une plus grande facilité que nous pour apprendre les autres langues, imprégnés qu’ils étaient de Grec et de Latin, voire parfois même d’Hébreux (sans oublier la langue régionale locale). C’est pourquoi, nombre de personnages historiques célèbres étaient polyglottes.

  • Le 4 décembre 2013 à 19:12, par Apostat En réponse à : Zlatan Ibrahimovic : le parfait Européen ?

    Bonjour,

    certes le parcours que vous présentez, cette maitrise des langues en particulier, est louable et même admirable dans une certaine mesure, le problème vient de l’interprétation hémiplégique que vous en fait.

    La mobilité entre aires culturelles n’est pas un phénomène nouveau : en effet, dès le XIVe siècle on va voyager dans d’autres pays pour y étudier (la théologie ou la musique en Italie , les lettres en Allemagne) et nous ne faisons que continuer ce long processus, avec les mêmes limitations (voyager a un coût et des contraintes qui réserve souvent cette possibilité à une « élite »). En revanche, et c’est un certain paradoxe, c’est précisément la frontière (pas seulement étatique, mais bien la limite qui fixe ce que je suis et ce que je ne suis pas — je vous renvoie sur ce point à Régis Debray, Eloge des frontières, 2010.) qui a permis le développement de cette altérité culturelle que vous mettez en avant, particulièrement aux époques antérieures au développement de l’individualisme contemporain. J’ajoute en conséquence que jamais les frontières étatiques (puisque ce sont elles que vous visez) n’ont empêché ce que par ailleurs vous valorisez.

    En réalité je crois que ce que votre texte révèle est pire encore. Toute la première partie (que j’évoque ci-dessus) préexiste à l’U.E, en revanche, et en cela Zlatan en est un symbole, c’est bien l’U.E qui a permis la mobilité interclub de Zlatan au profit de cet infâme arrêt Bosman qui met l’argent au dessus de toute chose. Le projecteur montre cru alors : c’est bien l’argent qui est l’élément fédérateur ici, qui permet et amène cette mobilité, le pluriculturalisme n’en étant au final qu’un conséquence, réduit à l’état de moyen désincarné (cf - le cadre européen commun de référence des langues qui vide les langues de leur signification culturelle...et nationale).

    Alors Zlatan parfait européen ? Peut être. Parfait produit de l’Union ? Sans aucun doute.

  • Le 4 décembre 2013 à 23:04, par Fabien Cazenave En réponse à : Zlatan Ibrahimovic : le parfait Européen ?

    @Apostat : je passe sur « l’interprétation hémiplégique », pas sûr que mes amis en fauteuil roulant apprécient, même si c’était une image originale ;-) Sur le fond de votre commentaire, la frontière commence dès que l’identité se construit. La question est de savoir si celle ci est exclusive totalement ou si elle est poreuse. Il faudrait plutôt aller sur la définition de l’identité de chaque individu et de son respect plutôt que de rester sur la question de la frontière. Par ailleurs sur votre deuxième point, ce n’est pas tout à fait exact : sans UE, pas d’arrêt Bosman et il y aurait eu plus de difficultés pour Ibrahimovic de pouvoir bouger aussi facilement de clubs en clubs. La mobilité internationale existait certes depuis plusieurs décennies dans l’Europe du football mais elle se limitait à 3 « étrangers » par club... :-)

  • Le 5 décembre 2013 à 18:17, par tnemessiacne En réponse à : Zlatan Ibrahimovic : le parfait Européen ?

    @ alexandre Marin

    Pour le coup vous aimez bien reprendre mes idées. Déjà en octobre. Merci c’est gratifiant.

    par tnemessiacne 14h41 14 octobre 2013

    @ Alexandre Marin

    Si on sait que le centre est pour une Europe « plus intégré », Bayrou appelle à élire le président de la Commission au suffrage universel.

    Au passage, merci de reprendre mes idées :

    7 octobre 2013 18:04 sur le Taurillon

    « La liberté de circulation des capitaux et les trois autres sont seulement les libertés d’un marché unique. Imaginez en France si ces libertés n’existaient pas. »

    Et vous, hier : « Du reste, la libre circulation des marchandises et des capitaux est normale dans une Europe que certains veulent fédérale (je m’inclus dans ces certains). Après tout, que dirait-on en France, si on mettait fin à cette libre circulation ? »

    Manque plus que la note de bas de page lol

    Vous le 4 décembre "les Français ont souvent du mal à apprendre les autres langues parce qu’ils ne maîtrisent que difficilement la leur et ne peuvent accéder à des idées qui peut-être seraient plus prononcées dans d’autres idiomes."

    Moi le 19 novmembre :

    " Concernant l’autre idée de l’article, Erasmus, une des dimensions importante de l’Union européenne c’est la diversité des langues. Ceci est un débat concernant l’Europe. Cette diversité est une force pour l’Europe, car chaque langue véhiculent des imaginaires différents, même une même langue en fonction de régions différentes. C’est cette diversité d’imaginaires qui permet le progrès, la confrontation d’idées permet l’émergence de nouvelles idées. A + B = C "

    En tout cas vous avez une bonne mémoire.

  • Le 5 décembre 2013 à 19:17, par Apostat En réponse à : Zlatan Ibrahimovic : le parfait Européen ?

    Bonjour,

    @ Fabien Cazenave : je vous rejoins sur le concept de frontière car je ne crois pas à la frontière exclusive, cela n’a par ailleurs jamais existé. Je ne sais plus qui disait que la frontière est comme la peau, elle laisse passer dans les deux sens mais limite ce mouvement pour les bien fait du corps. Ce qui m’amène à la deuxième question que nous avons soulevée, celle de l’articulation en l’individu et le corps social, créant de facto une « mini frontière » individuelle au sein de la frontière qui entoure le corps social (national ou non d’ailleurs). Vous privilégiez la première sur la seconde, moi la seconde sur la première.

    @ Ferghane Azihari : inutile de se sentir attaqué de la sorte, d’autant que contrairement à ce que vous avancez je ne dénigre pas les idées des autres, parfois en effet je les combats ou les contredis par des arguments, c’est je crois le principe du débat. Vous m’avez mal compris concernant l’altérité. J’évoquais le fait que nul être n’est un pur esprit désincarné et qu’il s’ancre nécessairement dans des « groupes » ou « aires » culturelles qui le façonnent, que ce soit l’Etat-nation (un des plus puissants) ou une « petite-patrie » (souvent plus folklorique), sans qu’elles soient exclusives d’ailleurs. C’est un peu de théorème du jus d’orange : prenez un jus d’orange et un jus de citron (tous deux délicieux) et mélangez les, vous obtenez un jus délicieux mais unique, vous avez tué l’altérité. En se référant à un fédérateur abstrait (le principe démocratique chez Habermas), vous laissez la place à une homogénéisation générale dont le seul contrepoint se trouve dans la sphère individuelle, et somme toute marginale. Il me semble donc que votre « système », porté par la mondialisation en général et l’UE en particulier, participe plutôt de la diminution de l’altérité.

  • Le 5 décembre 2013 à 19:43, par alexandre Marin En réponse à : Zlatan Ibrahimovic : le parfait Européen ?

    @tnemessiacne

    Si nous avons des idées en commun, tant mieux. Il est vrai que nous sommes d’accord sur un certain nombre de sujets. Déjà, quand j’avais écrit un commentaire le 27 juillet sur une analyse de la pensée d’Ernest Renan que vous avez qualifié de « très intéressant ». Vous auriez pu l’écrire avant moi, j’aurais probablement signifié mon accord avec vos propos et réutilisé dans le cadre d’un autre article le jugeant opportun.

    Autant je reconnais que pour le premier extrait, je me suis « un peu » inspiré.

    Par contre, pour le deuxième extrait que vous citez, vous voyez bien que les deux textes n’ont en commun que le fait de parler de langues. D’ailleurs, peu de fédéralistes européens vous diront qu’ils sont contre la diversité des langues.

  • Le 6 décembre 2013 à 15:16, par tnemessiacne En réponse à : Zlatan Ibrahimovic : le parfait Européen ?

    @ alexandre Marin

    Pas de soucis

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