« Երագույն » : Histoire du drapeau de l’Arménie

, par Alexis Vannier

« Երագույն » : Histoire du drapeau de l'Arménie

Le « tricolore » est fièrement arboré tous les 21 septembre par les Arméniens pour célébrer l’indépendance de leur État enfin arraché de l’URSS en 1991. Un tricolore séculaire comme rempart contre les multiples menaces auxquelles doit faire face la plus ancienne nation chrétienne du monde.

Un petit pays entouré de grandes puissances

Difficile de se faire une place d’État coincé dans le Caucase, aux frontières des influences changeantes au fil de l’histoire, grecque, russe, ottomane, perse, soviétique… La mosaïque ethnique caucasienne contribue également à une instabilité constante dans la région. Une Arménie plus ou moins indépendante parvient à survivre jusqu’au XIème siècle avant d’être avalée par les convoitises perses, ottomanes et russes. La séparation des Arméniens dans plusieurs États étrangers empêche une unification culturelle et donc symbolique. C’est la mort de Victor Hugo qui sert d’élément déclencheur à la création d’un premier drapeau national. Des étudiants arméniens venus assister aux funérailles souhaitent une bannière commune et demandent donc une ébauche à un compatriote prêtre parisien. Il crée deux versions : l’une montrant le drapeau bulgare actuel inversé, situés horizontalement de haut en bas rouge, vert (couleurs pascales) et blanc ; l’autre, connu comme le « drapeau des nationalistes » présente verticalement du rouge, du vert et du bleu, pour rappeler l’arc-en-ciel vu par Noé sur le Mont Ararat. Les deux versions peinent cependant à pénétrer le territoire et les mentalités arméniennes.

Une fédération éphémère, au doux nom de République fédérative démocratique de Transcaucasie, regroupe les trois États actuels de Géorgie, d’Arménie et d’Azerbaïdjan en 1918, un tricolore horizontal rouge-noir-jaune est dessiné mais n’a pas le temps d’être hissé avant l’indépendance propre des trois républiques. Cette idée essaimera puisque ces trois pays seront de nouveau réunis après l’invasion soviétique dans une République fédérée, de 1922 à 1936.

Le 28 mai 1918, la toute nouvelle Arménie indépendante adopte le tricolore rouge-bleu-abricot que l’on connaît. Cependant, le drapeau comme l’indépendance sont vite relégués dès 1920 après l’invasion soviétique. Les multiples drapeaux qui se succèdent alors jusqu’en 1952 sont sensiblement identiques : fond rouge, une faucille et un marteau dorés surmontant les initiales de la Hayastani Sovetakan Sotsialistakan Respublika, la République socialiste soviétique d’Arménie, dans l’alphabet arménien (ՀՍՍՌ). La politique dirigée vers les nationalités d’URSS menée à partir des années 1950 entraîne la modification des drapeaux fédérés : le dessin du nouveau pavillon de la RSS d’Arménie est sensé rappeler le drapeau historique, une bande bleue diminuée est ajoutée au milieu, l’orange du bas devient quasiment rouge, et les symboles soviétiques (outils et étoile) viennent flanquer le coin supérieur côté hampe. Le tricolore originel apparaît néanmoins bien soviétique. Il sera arraché des mâts avec fierté et soulagement lors de la dissolution lente de l’URSS en 1989-1991 pour laisser place au drapeau de 1918.

De rouge, de bleu et d’abricot

En 2006, les parlementaires ont voulu couper l’herbe sous le pied des débats historico-littéraires relatifs à la signification des couleurs du pavillon national. L’article 2 de la loi relative au drapeau de la République d’Arménie associe ainsi légalement le rouge à la foi chrétienne, la liberté, l’indépendance, à la survie des Arméniens mais également au haut-plateau arménien, le bleu imagine le ciel paisible sous lequel les Arméniens veulent vivre alors que l’abricot vient illustrer le génie créateur et la nature laborieuse du peuple. Difficile de faire plus nationalement exaltant ! Une autre interprétation plus classique voit le sang rouge versé par les Arméniens pour leur indépendance, le bleu du ciel et le jaune orangé du sol fertile. Assurément peu commun sur un drapeau, on retrouve de l’orange en Irlande, en Côte-d’Ivoire ou encore chez les Îles Marshall.

Que serait l’étude des drapeaux sans l’étude des protocoles qui y sont associés ? Outre les utilisations officielles, la loi autorise chaque citoyen à pavoiser son logement à condition que le drapeau flotte à 2,50m du sol. Vertigineux !

En 2010, les ministres de l’époque ont organisé une fête du drapeau, l’occasion de célébrations civiles et des défilés militaires.

C’est évidemment le drapeau arménien qui a inspiré celui de la République d’Artsakh, ou Haut-Karabagh, sous contrôle arménien enclavé en territoire azerbaïdjanais, théâtre d’une violente guerre en 2020. Réclamant son rattachement à la Mère-patrie, le drapeau est flanqué de chevrons blancs dans sa partie flottante, comme pour symboliser deux pièces d’un puzzle, attirées irrépressiblement l’une vers l’autre.

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