1989 : l’écologie politique sera européenne ou ne sera pas

, par Thomas Leite

1989 : l'écologie politique sera européenne ou ne sera pas

Le 18 juin 1989, alors que le Parlement européen annonce les résultats des 3èmes élections directes de son histoire, les écologistes européens fêtent leur première victoire institutionnelle : pour la première fois, ils sont en capacité de former un groupe politique à part entière au sein du Parlement européen.

Depuis les élections européennes de 1979, les neufs élus écologistes au Parlement européen formaient un “groupe arc-en-ciel” de circonstance avec des élus régionalistes. Au nombre de 30 en 1989, les eurodéputés écologistes espèrent désormais peser sur l’agenda politique européen.

Ces élections marquent un tournant dans l’histoire de l’écologie politique européenne. En formant un relais politique au plus haut niveau politique de notre continent, elles sont l’apothéose d’un processus de politisation des enjeux écologistes entrepris depuis les années 1970 en Europe.

Les prémices de l’écologie politique

Dans les années 1970, les premiers collectifs écologistes se forment autour d’un front commun : contester l’usage et le développement du nucléaire comme ressource énergétique. Ce combat est aussi entremêlé avec les convictions pacifistes des mouvements écologistes, qui luttent notamment pour la non-prolifération des armes nucléaires et l’arrêt des guerre dans lesquelles sont impliqués les gouvernements occidentaux d’alors.

En Allemagne de l’Ouest, c’est dans le sillage de ces luttes que le mouvement des Verts (Die Grünen) commence à prendre forme.

Peu à peu, les mouvements écologistes investissent d’autres problématiques que le nucléaire et le pacifisme. Dans tous les pays européens, les problématiques liées à la préservation de l’environnement rencontrent un écho médiatique et concernent de plus en plus de citoyens.

Alors qu’en Espagne, le prolongement du TGV français inquiète, c’est la protection des plages du tourisme et la pollution du Rhin par les usines allemandes qui inquiète les Grecs et les Néerlandais.

Malgré tout, ces luttes, qui s’illustrent notamment par des manifestations, manquent d’un relais politique et ne sont pas encore représentées dans le jeu politique traditionnel.

Le manque d’un relais politique

En France en 1974, la campagne présidentielle de René Dumont marque un tournant. Ingénieur agronome de profession, c’est la première fois qu’un candidat à la présidence de la République française l’est sous l’étiquette “écologiste”.

René Dumont et son “verre d’eau précieuse” ont pourtant réussi à capter l’attention médiatique et à populariser l’écologie politique.

La campagne des écologistes se concentre alors sur un programme électoral drastique et peu enclin à rassembler une importante communauté de sympathisants. René Dumont veut lutter contre le développement de l’automobile en abaissant les limitations de vitesse et en relevant le prix de l’essence tout en luttant contre la surpopulation en supprimant les allocations familiales aux familles de plus de deux enfants. René Dumont récolte ainsi 1,32% des voix lors de ces élections mais sa campagne a permis de poser les bases en France des futures candidatures écologistes et de ce qui deviendra plus tard le premier parti écologiste français.

À cette période, les mouvements qui portent les candidatures écologistes à la présidentielle sont perçues comme des “organisations biodégradables” selon le politologue Daniel Boy : elles se présentent aux élections puis disparaissent.

Pour inscrire l’écologie dans une action politique de longue durée, les militants écologistes européens souhaitent voir la création de partis politiques à part entière. En Allemagne en 1980, le parti Die Grünen (Les Verts) est officiellement créé. Tour à tour, la Belgique (1981), l’Irlande (1982), le Portugal (1982), le Danemark (1983), le Luxembourg (1983), les Pays-Bas (1983), l’Espagne (1984), La France (1984), la Grande-Bretagne (1985) et l’Italie (1986) voient se créer des partis politiques écologistes aux résultats électoraux plus ou moins éclatants.

La campagne de 1989

Depuis les élections européennes de 1984, les neuf eurodéputés écologistes formaient le “Groupe Arc-en-ciel” avec des élus régionalistes et d’autres partis de gauche non-affiliés à des partis européens. Avec moins d’une dizaine d’élus et un groupe plus technique que politique (l’objectif étant de bénéficier de plus de temps de parole et d’avoir plus de poids sur l’ordre du jour des séances), le poids politique des écologistes est quasiment nul.

Dans l’hémicycle, les autres partis politiques sont déjà regroupés à travers des partis politiques transnationaux : les socialistes sont réunis au sein d’une confédération européenne dès 1974 tandis que les conservateurs et les démocrates-chrétiens sont regroupés sous la bannière du Parti populaire européen depuis 1976.

Lors des élections européennes de 1989, la France (8), l’Allemagne (8), l’Italie (7), la Belgique (3), les Pays-Bas (2), le Portugal (1) et l’Espagne (1) emmènent 30 députés écologistes à Bruxelles. Réunissant plus de 25 eurodéputés de 7 pays minimum, ils pourront, pour la première fois de leur histoire, constituer un groupe politique écologiste et ainsi créer une dynamique. En 1993 à Helsinki, les partis écologistes européens se sont réunis au sein d’une même organisation transnationale : la Fédération européenne des partis verts.

Ce tournant qu’ont permis l’activisme des écologistes européens est magnifiquement illustré par un article du Monde en date du 1er juin 1989, quelques semaines après les élections européennes : “Les écolos européens ont marqué cette dernière décennie. Plus aucun gouvernant, plus aucun industriel ni chef d’entreprise, plus aucun élu même, ne songe aujourd’hui à lancer quelque projet que ce soit sans se préoccuper de leur réaction.

Article en collaboration avec le podcast Europe et sentiment à l’occasion de l’épisode dédié aux élections de 1989. Vous pouvez aussi consulter notre article précédent sur les élections européennes de 1984.

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