27 roses pour un militantisme naissant au sein du Parti Socialiste Européen (PSE)

, par Laurent Nicolas

27 roses pour un militantisme naissant au sein du Parti Socialiste Européen (PSE)

Un cercle autonome de militants socialistes français tentent de dynamiser le Parti Socialiste Européen en créant du lien militant entre les grandes messes de la gauche européenne. Son blog 27roses.eu est le porte-voix de cette initiative sur le web. Rencontre.

Laurent Nicolas : Le blog 27roses.eu se présente comme le blog des militants du PSE. Combien sont-ils ? Ce blog vise-t-il d’autres publics ?

L’équipe de 27roses.eu : « 27roses » est au départ une histoire d’amitiés militantes et européennes. Des personnes qui se rencontraient depuis des années autour des principaux événements liés au militantisme socialiste européen, notamment dans le cadre de la Commission Europe de la fédération PS de Paris. A son démarrage, ce sont donc des franciliens, puis au fur et à mesure, nous avons tissé des contacts dans la France entière et maintenant dans toute l’Europe.

Militants européens, nous avons comme double objectif de donner corps à un engagement politique transfrontalier et d’impliquer nos partis nationaux dans l’agenda du Parti Socialiste Européen (PSE) et les grandes questions européennes. Le blog a d’ailleurs été créé à l’occasion de l’université d’été 2008 du PS à La Rochelle : il nous fallait un support pour diffuser les vidéos des principaux ténors du parti que nous avions interrogés sur l’Europe pour le congrès de Reims et la préparation du Manifesto du PSE.

Nous utilisons pour nous définir le terme de « collectif » car nous ne sommes ni un simple site Web, ni une association, ni un courant au sein de notre parti ; nous évoluons toujours avec un petit pôle de personnes assez ouvert, en coopération étroite avec les autres sites socialistes et européens [1] ; nous avons la chance et la liberté de ne représenter que nous-mêmes. Ce qui est intéressant est l’audience que nous recevons, l’enthousiasme suscité par notre action. Visiblement, la crise sur l’Europe est derrière nous, il ne s’agit plus de se centrer sur notre simple Etat nation français. Alors qu’aujourd’hui pratiquement tout le monde se dit « européen », la ligne de fracture est désormais celle de l’implication politique concrète dans le PSE et de la construction de véritables lignes politiques européennes sur les principaux sujets contemporains. Le collectif ‘27roses’ est ainsi là pour dire aux militants et sympathisants PS : venez et participez à ce qui sera – nous l’espérons – la politique de demain, celle qui relèvera les grands défis du XXIeme siècle : un système financier soutenable, un modèle de développement durable, une véritable Europe sociale et juste.

Bien que jeunes de deux ans d’existence, nous sommes déjà reconnus par les principaux dirigeants européens et les leaders du PS français commencent à s’habituer à répondre à nos questions sur les sujets européens. C’est un travail de sensibilisation essentiel, nous le pensons ainsi, de notre engagement au PSE. Désormais, nous nous sentons libres également de faire des propositions en terme tout aussi bien organisationnelles que programmatiques.

Impliquer nos partis nationaux dans l’agenda du Parti Socialiste Européen

Laurent Nicolas : Loin de Bruxelles, on a parfois l’impression que les partis politiques européens sont des coquilles vides qui jouent le rôle de secrétariat des groupes parlementaires européens. A quoi ressemble la vie militante au sein du PSE ?

L’équipe de 27roses.eu : Notre ami et représentant PSE du Labour Irlandais, Desmond O’Toole, définit notre action comme « l’invention de la première des démocraties trans-frontalières ». C’est très flatteur, mais finalement assez juste : il faut bien dire que nous partons de rien. Le dialogue entre les partis européens s’est longtemps résumé à des conciliabules entre les états-majors et à des cercles de réflexion et des clubs très sélectifs ; on échangeait entre soi sur les questions européennes et on comparait l’efficacité des politiques nationales.

Aujourd’hui, à l’heure où le PSE enregistre près de 20000 militants – leur existence statutaire a été légitimée en décembre 2009 au Congrès de Prague -, il faut changer les méthodes et les terrains d’action de nos partis. Il ne s’agit plus de coordonner nos différents niveaux politiques nationaux, il faut maintenant bâtir tous ensemble les politiques qui puissent être partagées par le plus grand nombre des partis socialistes en Europe.

Nous, militants socialistes européens, participons donc à la genèse d’un espace politique européen. Nous nous retrouvons régulièrement lors des forums militants et congrès (300 participants en moyenne), et le reste du temps, nous échangeons via le Net. Nous sommes confrontés la barrière des langues et des cultures. Aucun bénéfice personnel à attendre, nul autre que celui de faire avancer l’idée même d’une politique européenne socialiste. Ceci avec beaucoup de plaisir et de convivialité.

Pour ce qui est de la « coquille vide », elle est en fait plus à chercher du côté d’autres partis, de droite comme de gauche, appelant sans cesse à de ‘nouvelles politiques européennes’ sans pour autant développer leur structure à l’échelle européenne.

Laurent Nicolas : Qu’est-ce qui différencie le Parti Socialiste Européen d’un parti socialiste national ?

L’équipe de 27roses.eu : Militer pour un parti national s’effectue en travaillant avec les élus, municipaux, départementaux, régionaux et les députés ; il devrait en être de même à l’échelle européenne. Les différents engagements se conjuguent et ne se substituent pas. Mais nous percevons une certaine frilosité des partis nationaux face à cette forme inconnue de militantisme et d’engagement, peut-être par crainte de perdre un certain pouvoir de décision. Avec le collectif ‘27roses’, nous avons rédigé une feuille de route pour structurer les temps clefs collectifs des militants européens.

Ces propositions ont été reprises et entendues par le PSE, les nôtres comme d’autres rédigées par nos amis européens au Congrès de Prague 2009. De même, nous avons fait des propositions, envoyées cette fois à chaque délégué du parti socialiste, pour qu’il fasse évoluer son organisation afin de devenir moteur du PSE, notamment en copiant ses structures européennes à l’image de ce que fait actuellement le SPD. Il faut sans doute rassurer nos dirigeants pour qu’ils ne voient pas le PSE comme une menace à leurs prérogatives, mais une chance pour déployer des politiques imaginatives et cohérentes au niveau européen. Notre objectif est justement d’en finir avec cette opposition entre le parti national et le parti européen ; les 300 militants qui se sont réunis à Porto (2007), à Viennes (Juin 2008), à Madrid (Décembre 2008), à Dublin (Septembre 2009) et à Prague (Décembre 2009) veulent travailler pour l’Europe et pour leur parti national progressiste. A force de travailler ensemble, il est évident que nos structures et nos engagements vont trouver des convergences intéressantes…

Sans vouloir tout dévoiler, il est vrai que nous travaillons à l’élaboration d’une plateforme pour tous les militants Européens. L’objectif serait de rendre visible une réalité du terrain : nos actions communes au travers l’Europe. Nous sommes informés à l’heure actuelle des actions de nos amis Italiens, portugais, ou hongrois par le fait que nous les connaissons. En établissant un véritables réseau social des militants et des actions de l’engagement politiques européens, nous serons toujours dans la même philosophie consistant à la fois à de créer ce nouvel espace pour une démocratie transfrontalière et d’informer au parti socialiste français que des idées, des propositions et des actions, se formulent également à l’échelon européen pour inspirer tout le monde. La rénovation du Parti Socialiste s’entend également avec l’européanisation de ses perspectives.

Laurent Nicolas : Quelles leçons le PSE tire-t-il de la défaite des gauches européennes aux dernières élections ? Sur quels thèmes le PSE peut-il constituer une véritable opposition au Parti Populaire Européen ?

L’équipe de 27roses.eu : Le parti socialiste européen a été très clair : il faut refonder un nouveau modèle de social démocratie répondant aux grands défis d’aujourd’hui, sans avoir peur de se remettre en cause. Mais n’oublions pas que l’élection de 2009 a été surtout celle de l’abstention – le ‘parti du sofa’ comme l’appelle Poul Nyrup Rasmussen - dont souffrent naturellement beaucoup plus les partis progressistes. Cette abstention est également à nos yeux un revers pour l’Europe politique : le vote de juin 2009 a été remporté massivement par les partis conservateurs et surtout nationalistes aux quatre coins de l’Europe. Les lignes de fractures de la politique européenne évoluent, il est temps de faire de la politique au niveau européen plutôt que de s’opposer par principe, d’incarner cette volonté de politisation pour faire aimer l’Europe. Avec le collectif ‘27roses’ et d’autres amis socialistes et démocrates, nous pensons qu’une certaine forme d’Europe – celle de la paix et d’un certain consensus – n’intéresse plus les citoyens européens. A force d’opposer les questions nationales aux questions européennes, l’opinion publique n’a retenu que l’image d’une élite contre le peuple, d’une Europe intrinsèquement néolibérale contre des Etats protecteurs.

Il faut donc à présent porter au grand jour les lignes gauche-droite sur les grandes questions de politiques européennes. Dans ce contexte, les médias vont avoir un rôle décisif à jouer pour décrire les lignes de fractures politiques de l’Europe. Caricaturons : il ne s’agit plus de dire que ‘l’Europe c’est bien’, mais de faire comprendre que certains veulent une Europe bleue, d’autres veulent une Europe rose/verte voire orange. Notons au passage le très intéressant travail de beaucoup d’associations, ne citons que CaféBabel ou ‘Sauvons l’Europe’, sans oublier bien évidemment le Taurillon, dans cette énergie déployée à la politisation de l’Europe. De même, en créant ‘27roses’, nous appelons également nos amis français des Verts, du MODEM et de l’UMP à faire de même : ainsi pourrions-nous débattre sur l’espace du Web des grands sujets européens en terme politique. Où sont leurs militants du PPE, d’Europe écologie, de l’ALDE ? A notre propre échelon de simples militants, nous devons également assumer nos propres engagements et les exposer de manière à faire vivre le débat démocratique. Et laissons vivre le débat : quelles sont leurs propositions en dehors de leur groupe parlementaire ? Assument-ils le bilan de Barroso depuis deux mandatures qu’il est au pouvoir le représentant du PPE ? Nous ne voulons pas seulement des réponses, nous voulons surtout un débat.

Laurent Nicolas : Pendant les européennes de 2009 on a reproché au PSE son incapacité à proposer une alternative crédible à Barroso. Comment le parti se prépare-t-il aux européennes de 2014 ? Sera-t-il en mesure d’européaniser les campagnes nationales, avec un programme et un candidat commun à la présidence de la Commission européenne ?

L’équipe de 27roses.eu : En juin 2009, nous étions le seul parti politique européen à se présenter avec un texte – le Manifesto - et des propositions concrètes, crédibles et partagés par l’ensemble de ses pays membres. Mais en politique, il ne suffit pas d’avoir un projet, il faut aussi l’incarner. Hélas, l’espace politique européen étant balbutiant, quelques pays ont adopté au sujet de la candidature des postures privilégiant leurs propres intérêts. A Prague, suite aux différentes critiques – dont celle des militants européens – et sous l’impulsion de Poul Nyrup Rassmussen, le PSE a officiellement reconnu que cela lui a causé un préjudice majeur dans ce résultat électoral peu reluisant et il a pris des résolutions. Un candidat tête de liste sera nommé et ratifié par tous les pays membres avant l’échéance de l’élection, il sera le candidat naturel du groupe parlementaire PSE à la Commission.

Ainsi, nous devrons être tout à fait transparents non seulement sur un projet clair d’alternance politique après des décennies de leadership conservatrice de l’Europe ; en outre, la démarche du Manifesto a été entérinée, non seulement dans sa forme, mais également dans son processus d’élaboration participative – avec les contributions des militants européens eux-mêmes. Il va de soi que le collectif ‘27roses’ sera aux côtés de tous les militants européens et de la direction du PSE pour contribuer à la démocratisation de cette vie politique et des programmes en terme d’offre politique pour les citoyens européens.

Illustration : Logo de 27roses.eu

Notes

[1Citons les très actifs euro militants de Clermont, le très bien informé Eurosocialiste ; ou le très influent Jon Worth.

Vos commentaires
  • Le 23 mars 2010 à 11:40, par Cédric En réponse à : 27 roses pour un militantisme naissant au sein du Parti Socialiste Européen (PSE)

    Nul besoin d’être militant ou sympathisant PSE pour admettre que le PSE a fait des progrès considérables, notamment la reconnaissance du statut de militants PSE, le manifesto, les city groups PSE. Et la décision de décembre dernier d’avoir un candidat PSE à la présidence de la Commission avant les élections de 2014. Un candidat du parti, pas un candidat des gouvernements.

    Il est regrettable que les autres partis ne suivent pas, ou, en tout cas, ne semblent pas suivre. Des infos sur l’ELDR-PDE ? Le PPE ? La GUE ? Les eurosceptiques ? Les Verts étaient censés être précurseurs, où en sont-ils ?

    Reste à savoir si le PSE mettra effectivement à exécution son engagement d’avoir un « tête de liste » PSE en 2014 pour la présidence de la Commission.

    Cette candidature devra-t-elle être réellement, comme vous l’affirmez, « ratifiée par tous les pays membres » ? Je pensais que le PSE ne se déciderait sur la procédure d’investiture que fin 2010 ? Le PSE ferait donc le choix d’une décision des partis-membres, de surcroît à l’unanimité ?

    Je rappelle juste trois éléments de base : 1) l’UE est composée de 27 Etats, 2) le Conseil européen ne délibère plus sur la nomination du président de la Commission à l’unanimité des Etats, mais à la majorité qualifiée, ce depuis plus de 15 ans, 3) le président de la Commission n’est plus nommé par les Etats au Conseil, mais il est élu par les représentants des citoyens...

    Pourquoi le PSE ne prend-il pas acte de ces éléments simples pour décider comment investir son premier candidat tête de liste ?

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