(4/4) - HONG KONG ET L’EUROPE

L’attractivité du Vieux continent

, par Justin Horchler

(4/4) - HONG KONG ET L'EUROPE

Le Vieux continent bénéficie d’une bonne image en général à Hong Kong. Les écoles internationales sont prestigieuses et fortement demandées, les étudiants les plus brillants souhaitent souvent étudier en Europe, les postes dans les grandes entreprises européennes sont prisés… Bref, l’Europe est très attractive. Par conséquent, une importante communauté hongkongaise vit en Europe. Grâce au passeport national britannique d’outre-mer (BNO), environ 200 000 d’entre eux étudient, travaillent ou se sont retirés au Royaume-Uni.

Bien avant l’importante vague d’émigration qui a touché la ville chinoise cette année, de nombreux Hongkongais s’installaient temporairement ou définitivement en Europe. Les raisons étaient nombreuses ; que ce soit pour étudier, travailler ou simplement par volonté de découvrir de nouveaux horizons. Désormais, les départs sont plus souvent contraints ou non désirés.

Des tensions politiques

Ces dernières années ont été difficiles pour la ville chinoise. Les mouvements sociaux en faveur de réformes politiques ont grandement divisé et polarisé la société hongkongaise. Des familles se disputaient à tous les repas ; les aînés étant souvent plus conservateurs que les jeunes. Les commerces étaient catégorisés en fonction de la tendance politique du propriétaire ; soit bleus (favorable à la police), rouges (au Parti Communiste chinois) ou jaunes (aux manifestants). D’importantes violences ont gangrené les débats et les manifestations. Le dialogue devenait difficile.

Une réaction inquiétante

La solution adoptée par les autorités chinoises et locales pour apaiser ces tensions a été juridique. Le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire de Chine a imposé la désormais célèbre Loi sur la sécurité nationale. Est désormais puni par l’article 23 de ladite loi “tout acte de trahison, de sécession, de sédition, de subversion contre le gouvernement populaire central”. Les termes sont ainsi assez vagues et peuvent englober différents agissements. En réaction, des États étrangers, des organisations internationales ou des associations locales ont vigoureusement critiqué cette nouvelle loi qui selon eux menace les libertés.

Des médias locaux ont dû mettre la clef sous la porte, et des journalistes se sont retrouvés derrière les barreaux. Le gouvernement hongkongais se défend de censurer l’opposition. Carrie Lam, cheffe de l’exécutif au moment de l’application de la loi a déclaré lors d’une conférence de presse : "J’ai lu des informations comme quoi, en raison de la fermeture des médias en ligne, la liberté de la presse à Hong Kong serait menacée d’extinction et la presse libre locale menacée de disparition. Je ne peux tout simplement pas accepter ce genre d’allégations.”

Des banderoles du gouvernement hongkongais installées pour le 25e anniversaire de la rétrocession, et vantant les récentes réformes. crédit photo : Justin Horchler

Cette loi qui fait donc très peur a encouragé certains Hongkongais à plier bagage et s’installer outre-mer. Ce sont notamment des opposants politiques, des journalistes ou des artistes fuyant des actuelles ou éventuelles poursuites judiciaires. Ce sont aussi leurs familles et ou des individus pessimistes sur le sort de la région administrative spéciale. Enfin, les entreprises aussi ont été touchées par les effets de cette loi. La chambre du commerce américaine à Hong Kong rapporte que 80% des entreprises sollicitées se disent affectées par la législation, et 60% d’entre elles considèrent que la loi a nui à leurs activités.

Des restrictions sanitaires nuisant à l’attractivité de Hong Kong

Au climat politique s’ajoute une crise sanitaire et des restrictions draconiennes. En Mars, au moment du pic de l’épidémie à Hong Kong, presque la moitié des entreprises européennes considéraient quitter la ville ; un quart partiellement et l’autre quart totalement. En effet, les restrictions minimisaient l’un des principaux atouts de Hong Kong : sa position de ville-monde. Les voyages d’affaires étaient quasi-impossibles, les talents quittaient par ras-le-bol des restrictions et les investisseurs ne se précipitent pas pour faire 21 jours de quarantaine.

L’aéroport de Hong Kong, l’un des plus grand hub aéroportuaire du monde devenu presque vide. crédit photo : Justin Horchler

Cette exode est parfois qualifiée de massive. Le gouvernement relativise et explique que ce n’est pas la première vague de départ qui touche la ville ; cela a été le cas lors de grandes périodes d’incertitude (pré-rétrocession ; sras de 2003…). Mais c’est seulement la première fois que les chiffres avoisinent les 70000 départs nets.

Ce sont souvent des classes moyennes ou aisées ayant le capital culturel et économique qui immigrent. L’Europe, et plus précisément le Royaume-Uni, attire le plus les Hongkongais.

Le Royaume Uni plébiscité par les Hongkongais

Hong Kong était une colonie britannique jusqu’au 1er juillet 1997. Au moment de la rétrocession, le Royaume-Uni a accordé aux Hongkongais un passeport dit de britanniques d’outre-mer (BNO). Ainsi, tout Hongkongais né avant le 1er juillet 1997 peut obtenir ce document qui permet de voyager et récemment travailler sur son territoire. A terme, une procédure pour obtenir la nationalité est ouverte.

Ainsi, grâce à ce précieux document dont plus de 600000 pièces seraient en circulation, l’immigration au Royaume-Uni devient aisée. De nombreux Hongkongais choisissent donc ce pays. De plus, l’importante communauté déjà présente aide les installations des nouveaux venus. En seulement quelques mois depuis la réforme du BNO qui a permis à plus de Hongkongais de postuler, plus de 110000 demandes ont été acceptées par le gouvernement britannique. Et parmi ceux qui se sont installés au Royaume-Uni, 96% d’entre eux ne prévoient pas de rentrer à Hong Kong selon les chiffres officiels.

crédit photo : Joseph Chan

Selon ces mêmes chiffres, 80% des personnes qui sont au Royaume-Uni avec un BNO ont entre 25 et 54 ans. 72% sont mariés. Plus de 60% ont déjà des enfants, le reste en auront probablement dans les années qui suivent. Par conséquent, ce sont principalement des familles qui déménagent.

De nombreuses d’entre elles baissent en niveau de vie, elles ne parviennent pas à trouver un emploi à salaire ou qualification égale. En effet, la taxation est plus élevée et les salaires moins importants. De plus, les opportunités professionnelles pour des Hongkongais tout juste arrivés ne sont pas aussi interessantes que dans leur ville d’origine.

Les Hongkongais installés au Royaume-Uni rencontrent aussi certaines difficultés récurrentes. Non seulement faut-il s’adapter au temps britannique qui est loin d’être aussi agréable qu’en Asie du sud-est, mais aussi surmonter des obstacles humains.

Sutton comme petit Hong Kong

Sutton est une commune du Grand-Londres composée d’une importante communauté hongkongaise. Dans cette banlieue sud-ouest de Londres, il est courant d’entendre parler cantonais dans les rues. Certaines pancartes d’agences immobilières sont écrites en chinois traditionnel. Et les dimanches dans une église de cette ville, la messe est même donnée en cantonais.

crédit photo : Wikicommons

Le grand nombre d’immigrés Hongkongais à Sutton encourage d’autres à s’y installer. Les “anciens” aident les “nouveaux” à s’installer et prendre leurs marques. Des associations et groupes ont notamment été créés pour encourager la solidarité entre les Hongkongais.

“Il est difficile de trouver un logement ou un travail quand nous arrivons” nous explique Kenneth installé depuis plusieurs années désormais. “Les familles doivent aussi trouver une bonne école pour leurs enfants. L’avantage de Sutton est que les écoles sont très bonnes ici, mais la demande est forte”.

Lors de l’année précédant mai 2022, 515 demandes d’inscription dans les écoles de Sutton pour des enfants hongkongais récemment arrivés ont été recensées, selon The Telegraph.

“Ce n’est pas facile, et c’est très stressant. Le quotidien est bien différent, et l’éloignement de Hong Kong et de nos familles est lourd à supporter”. Selon une étude réalisée cette année, près de la moitié des immigrants hongkongais au Royaume-Uni auraient des symptômes liés à la dépression ou à l’anxiété.

Une envie d’ailleurs

Etudier à l’étranger, et notamment en Europe, est très encouragé à Hong Kong. Les universités incitent leurs étudiants à faire un semestre ou une année d’échange grâce à des subventions. D’autres ont même des partenariats qui offrent un diplôme hongkongais et un diplôme d’une université étrangère. C’est le cas par exemple de l’université Baptiste de Hong Kong.

crédit photo : Justin Horchler

Depuis plusieurs années, cette université est liée à Sciences Po Bordeaux et Lyon, ainsi qu’à une école de commerce polonaise. L’objectif est de répondre à une forte demande et d’ouvrir de nouveaux horizons aux étudiants.

L’université offre aussi un programme d’études françaises et un autre d’études allemandes. En quatre ans, les étudiants apprennent la culture de ces deux États européens et maîtrisent presque parfaitement la langue au moment de l’obtention de leur diplôme. Ils ont pour obligation d’étudier d’un à trois ans dans une université du pays qu’ils étudient. Pour ceux dans le programme français, c’est souvent l’un des instituts d’études politiques, l’Inalco ou la Sorbonne.

L’Europe par choix ou par défaut

Ainsi, l’Europe est tant un contient qui offre de belles opportunités qu’une destination par défaut pour quitter Hong Kong. Les migrations vers le Vieux contient et particulièrement le Royaume-Uni vont probablement augmenter dans les mois et années à venir. De nombreux Hongkongais sont pessimistes sur la situation politique et économique de leur ville. Les restrictions anti-covid perdurent, et même si le gouvernement local a annoncé vouloir les assouplir, il a écarté l’idée de vivre avec le Covid passivement. Parallèlement, le Royaume-Uni a élargit l’accès à son territoire aux Hongkongais grâce à diverses réformes du BNO et des visas d’entrée.

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