Le 9 mai 1950, au lendemain de la guerre la plus meurtrière de l’Histoire, Robert Schuman, Ministre des Affaires étrangères, provoque un véritable coup de tonnerre politique : il faut construire l’Europe, en mettant en commun la production de charbon et d’acier des ennemis d’hier, la France et l’Allemagne. Pour Schuman, inspiré par Jean Monnet, cette “Communauté” doit constituer la “première étape de la Fédération européenne”.
Soixante-dix ans plus tard, en proie à une pandémie qui secoue sa structure et questionne ses fondamentaux, l’UE et ses dirigeants nationaux sont incapables de mettre en œuvre les profondes réformes institutionnelles qui s’imposent. Le saut fédéral n’est pas un choix idéologique, c’est la seule solution pragmatique qui permettra de réformer une Union aujourd’hui dans l’impasse, risquant sinon d’être sacrifiée sur l’autel des égoïsmes nationaux et de se désintégrer.
Dans un 21e siècle marqué par la prédominance des géants chinois, russe et américain, l’UE n’a pas d’autre choix que d’être forte, au risque pour ses États membres de devenir des nains sur la scène internationale. Plutôt que de mendier aux 27 le droit d’exister et de s’exprimer, elle doit disposer d’une véritable autonomie politique, économique, industrielle, diplomatique et militaire. Il ne s’agit pas de créer un super-État centralisé à Bruxelles, mais de permettre aux États qui le souhaitent de mettre en place un système européen fédéral, seul modèle permettant des prises de décisions démocratiques au plus près de l’échelon le plus pertinent : local, régional, national, européen voire mondial.
La crise sanitaire nous montre qu’une Europe sans compétence en matière de santé et de sécurité se révèle impuissante au moment où un virus frappe tous les États, sans considération de nationalité ou de frontière. Cette crise nous rappelle aussi à quel point le budget ridicule que les États membres consentent à l’UE n’est pas à la hauteur des attentes des citoyens et combien elle a un besoin urgent de ressources propres pour financer efficacement des biens communs tels que l’hôpital, la recherche, l’éducation, la défense ou la transition écologique.
En ces temps difficiles, nous ne pouvons pas faire le choix simpliste du repli nationaliste, inefficace pour nous protéger. Il nous faut aller au bout du seul choix souhaitable pour la bonne gouvernance de notre continent, en assumant enfin la nature fédérale de la construction européenne.
Malgré la crise, la Conférence sur l’avenir de l’Europe est toujours sur la table. Soyons à la hauteur et permettons-lui d’être un moment de débat entre les citoyens et leurs représentants, où aucune question ne sera exclue, même si cela doit impliquer un changement de traité et la création d’une constituante.
Le temps est venu de donner corps à la solidarité de fait et aux réalisations concrètes voulues par Robert Schuman il y a 70 ans. Parachever la construction européenne, qu’il avait envisagée de manière visionnaire, permettra aux citoyens de reprendre le contrôle dans ce monde bouleversé par les crises et les nouveaux équilibres géopolitiques. Une Europe fédérale, c’est une Europe capable de protéger ses citoyens.
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