A propos de la jurisprudence « Smer »

Donnons nous les moyens de lutter contre l’extrémisme politique !

, par Fabien Cazenave

A propos de la jurisprudence « Smer »

L’extrêmisme politique n’est pas mort. Certes, la Seconde Guerre Mondiale avait vu la défaite militaire du nazisme et du fascisme. Mais malheureusement, comme l’aurait dit Bertolt Brecht, « la Bête n’est pas morte ». Et, en effet, partout en Europe le nationalisme a repris des forces.

Pour lutter contre cette idéologie de rejet de l’autre, qui a mené à la guerre nos Nations européennes durant tant de siècles il y a besoin d’ériger des actes symboliques.

Et l’un des outils que nous possédons pour ce faire, c’est le Parlement européen. Encourageons donc nos représentants politiques à agir contre l’extrême droite !

Etat des lieux de l’extrêmisme politique en Europe

En avril 2002, la France a connu un « séisme » politique inédit : Jean-Marie Le Pen, candidat de l’extrême-droite nationaliste, arrivant là au deuxième tour de l’élection présidentielle, élection la plus importante de la vie politique de notre pays. Et, depuis lors, nous avons toujours l’inquiétude que ce triste précédant se répète en 2007...

Au Royaume-Uni, l’extrême droite perce dans la société britannique au-delà même des seuls cercles fermés du Hooliganisme (parmi lesquels on pourrait citer le trop fameux groupe les « HeadHunters de Chelsea » infiltré par le bloc raciste « C18 »). Et le parti nationaliste et xénophobe « BNP » (i. e : « British National Party ») vient encore récemment d’effectuer une percée aux élections municipales du printemps dernier...

En Belgique et aux Pays-Bas, le discours politique est actuellement ponctué par de très récurentes bouffées xénophobes et populistes, menaçant ainsi jusqu’à l’équilibre social néerlandais et allant jusqu’à remettre en question l’unité de la fragile Belgique. [1]

En Autriche, l’extrême droite ne se cache guère pour mener de grandes campagnes anti-européennes, allant jusqu’à demander l’organisation d’un référendum sur la sortie de l’Union Européenne. De la même manière qu’en Italie, la Ligue du Nord avait profité des « nons » français et néerlandais pour demander la sortie - pour l’Italie - de l’Euro...

En Allemagne, l’extrême droite est présente dans les parlements de certains Länder. Et elle ne se cache guère pour manifester son existence et proférer des propos négationnistes en diverses occasions, notemment l’an passé à l’occasion des commémorations du bombardement de Dresde.

Pareillement, dans les pays scandinaves, la récente « Affaire des caricatures » a été relayée de manière nauséabonde par les tenants du « blancs et chrétiens, restons entre soi » (i. e : « The West against the rest »), attisant par cela même les tensions existant aujourd’hui entre Europe et Islam.

Enfin, dans l’Europe de l’Est, après un demi siècle de communisme dictatorial et une décennie ans de dérégulation économique et sociale, de nouvelles coalitions gouvernementales se fortement, incluant désormais des partis se situant à l’extrême droite de l’échiquier politique. En Pologne (depuis un an déjà...) [2]et en Slovaquie (depuis juin dernier) [3] notamment.

Et juste souligner que dans ces deux derniers cas, les partis en question ont même obtenu que leur soit confié les postes ministériels concernant certains domaines ’’sensibles’’ comme la justice ou l’éducation...

Et si l’on fait rapidement le tour du continent de la situation, on remarquera que tous les poncifs du discours nationaliste classique y sont empoyés sans fard ni dissimulation. Avec, comme point d’orgue de cette rhétorique nationaliste très clairement exprimé, le rejet explicite de tout ce qui ne ’’ferait pas partie’’ de la Nation, surtout s’il s’agit de minorités ethniques (comme actuellement, en Slovaquie, les Tsiganes...).

Et la multiplication de tels faits condamnables n’a de cesse d’inquiéter. Précisément parce que nous avons déjà vécu au tournant du millénaire, avec l’Autriche, un précédant historique et un cas similaire dont nous aurions pû tout de même davantage nous inspirer...

Autriche 1999, quelles leçons ?

Souvenons-nous. En 1999, quand le parti nationaliste mené par Jorg Haider est entré au gouvernement autrichien, toute la classe politique européenne s’est alors unanimemment soulevée pour exprimer indignation face à cette alliance entre des partis de gouvernement et une formation populiste.

Mais au final, en dehors de la mise au banc médiatique de l’Autriche, il ne s’est finalement pas passé grand chose. En effet, malgré une presse déchainée nous n’avons finalement vu à l’époque, dans toute l’Europe, que des manifestations bien peu nombreuses.

Et en fait, cette alliance politique alors si peu stigmatisée s’est finalement liquéfiée d’elle-même : l’extrême-droite autrichienne - davantage habituée à éructer dans l’opposition - montrant alors au peuple autrichien son incapacité chronique à gouverner.

Aujourd’hui, en Autriche, la droite de gouvernement semble désormais être vaccinée contre toute alliance politique avec les formations d’extrêm-droite (comme le FPÖ ou le BZÖ, ancien et nouveau partis de Jorg Haïder). Mais l’extrême droite autrichienne n’a pas pour autant disparu.

En effet, elle vient même de lancer dans ce pays une grande campagne europhobe. Une campagne qui a eu un succès très limité, mais dont le seul fait qu’elle ait disposé de tant de moyens pour la mener est une preuve de la persistance du malaise actuel dans la société autrichienne.

En effet, les événemments de 1999-2000 et la mise au banc de l’Autriche par les autres Nations européennes a été plutôt mal vécue par les Autrichiens. Lesquels y ont surtout vu l’action de grands pays (comme la France...) voulant se donner bonne conscience en critiquant ainsi un ’’plus petit qu’eux’’.

De plus, à cette occasion - malgré les réactions officielles indignées des pouvoirs dans les médias et face aux micros - nous avons là encore bien vu les limites de l’Intergouvernementalisme dans de telles situations. Car qu’en est-il advenu des menaces brandies par le Conseil ? Rien. Quant aux mises en garde de la Commission européenne, elles n’auront pas eu davantage d’effets.

Cela venant d’un des fondements même de l’Union européenne : dans le Conseil européen chaque Etat a une voix équivalente à celle des autres pays. Et certaines décisions ne sont adoptées qu’à l’unanimité. Et là nous voyons bien à quel point il est illusoire d’espérer que les gouvernements puissent même se sanctionner entre eux (alors qu’ils ont tant besoin les uns des autres au sein du Conseil...).

Ouverture d’un nouveau front au Parlement européen

Pareillement nous avons récemment vu les partis d’extrême droite (« Ligue du nord », « Ligue des familles polonaises », « Front National » et « BZÖ » de Jorg Haider, etc) se regrouper et se réorganiser au Parlement européen dans le cadre des groupes parlementaires « Indépendance et Démocratie » et des Souverainistes d’extrême-droite.

Heureusement, ces différentes organisations politiques ont aussi d’indéniables faiblesses : par essence, elles défendent avant toute chose leurs seuls intérêts nationaux et mènent le plus souvent des stratégies particulières et sans coordination véritable entre elles.

Mais, le ’’ver étant dans le fruit’’ il est donc aujourd’hui plus que nécessaire de mener symboliquement le combat au sein même du Parlement européen : cette institution censée représenter les peuples. Car si nous laissons se regrouper et s’organiser ensemble de telles formations d’extrême droite, nous leur laisserons là une tribune et des moyens considérables, bref : de quoi proclamer et diffuser leurs thèses.

La Jurisprudence « Smer »

Néanmoins nous avons aujourd’hui une solution pour répondre sur le fond à de telles formations politiques.

Déjà, sur le plan des principes, nous avons le fédéralisme : pensée humaniste universelle prônant l’union politique des peuples dans le respect de leurs identités. Un projet de construction politique et de solidarité entre les peuples qui va à l’encontre de l’idéologie de rejet défendue par les différentes tendances nationalistes.

De plus, plus concrètement, l’actualité récente nous a fourni quelques motifs de satisfaction : en effet l’alliance gouvernementale récemment conclue - en juin-juillet dernier- en Slovaquie entre le parti politique (soit disant social-démocrate) « Smer » et les formation nationalistes et populistes de ce même pays [4] a enfin obligé le Parti socialiste Européen à réagir.

En effet, à cette occasion le PSE (Parti socialiste européen) a pris, le 4 juillet dernier, une décision importante : décidant alors d’exclure le parti « Smer » de ses rangs [5]. Ainsi nous avons enfin trouvé là l’expression claire et le signe fort d’un refus de toute compromission avec l’extrême droite.

C’est pourquoi on pourrait estimer qu’il serait intéressant, voire très utile, que tous les partis européens de ’’sensibilité démocrate’’ (i. e : PSE, ADLE-ELDR & PPE-DE) adoptent cette nouvelle « jurisprudence Smer ».

En refusant de garder en leur sein des partis politiques qui conclueraient des alliances ’’locales’’ avec des formations d’extrême-droite. Et en ayant, à l’image du PSE récemment à l’égard de Smer, une attitude ferme similaire avec tous partis qui, en leur sein, se compromettraient néanmoins dans de telles alliances avec l’extrême droite.

Voilà un engagement fort qui serait l’une des nouvelles pierres permettant de construire l’Europe que nous appelons de nos voeux. Car la construction politique de l’Europe passe aussi par l’affirmation claire des valeurs humanistes qui sont à l’origine même du projet européen...

- Illustration :

Le visuel d’ouverture de cet article est le logo du parti politique slovaque « SMER - sociálna demokracia » (Parti Social-démocrate / Direction).

Notes

[3A ce titre, on consultera l’article « Slovaquie : les rouges-bruns entrent au gouvernement » du 5 juillet dernier.

[4A ce titre, on consultera l’article « Slovaquie : les rouges-bruns entrent au gouvernement » du 5 juillet dernier.

[5Cf. Articles à ce sujet du Blog de Jean Quatremerre, correspondant à Bruxelles du quotidien « Libération ».

Vos commentaires
  • Le 16 septembre 2006 à 14:35, par Valery En réponse à : A propos de la jurisprudence « Smer »

    Je suis d’accord avec 100% avec tout ton papier mais le plus grave me semble être surtout le reprise de thématiques nationalistes par l’extrême gauche et les sociaux-démocrates qui la racolent.

    La fait que des dirigeants sociaux-démocrates n’aient pas honte de poser aux côtés de troskystes ou de communistes me semble tout aussi consternant alors que le Conseiol de l’Europe a enfin reconnu et condamné les crimes à grande échelle du communisme en Europe.

  • Le 20 septembre 2006 à 21:52, par Schams En réponse à : A propos de la jurisprudence « Smer »

    Merci pour l’article !

    Notons en passant que tu as parle d’extrémisme politique et non d’extrémisme de droite, ce qui incluerait l’extrême gauche donc. Le Parlement européen est souvent exemplaire mais il manque de visibilité malheureusement, la conscience politique européenne étant pour l’instant au berceau.

    Remarquons au sujet des partis extrêmistes qu’ils sont très mal répartis en Europe, autant France/Italie/Belgique/Suisse se font remarquer, autant Espagne/Portugal/Irlande/RU sont relativement calmes...

    La montée en puissance du national-populisme est fortement liée à la crise de confiance qu’on leur nouvel électorat vis a vis de leur gouvernements, combattre ces angoisses et ce malaise revient a adopter des politiques ’extrêmement’ différentes de celles menées ces 25 dernières années, non ? C’est notamment transformer radicalement la perception commune des mots ’compétitivite’, ’mondialisation’, ’Bruxelles’, ’immigrants’...perception que partage les européens les plus fragiles socio-économiquement.

  • Le 21 septembre 2006 à 09:51, par Ronan Blaise En réponse à : A propos de la jurisprudence « Smer »

    Enfin tout de même, pour ce qui est du Royaume-Uni, il faut quand même souligner la récente percée (aux dernières élections locales de mai 2006) du « British National Party » (BNP), principal parti politique britannique de l’extrême droite.

    Un succès électoral dû en grande partie à son leader : Nick Griffin. lequel, en 11 ans, a modernisé son parti, créé il y à 34 ans. Sa cible électorale : les quartiers populaires de Grande-Bretagne, les déçus des partis politiques traditionnels.

    Un parti politique qui s’il s’oppose à l’immigration et prône un rapatriement des immigrés "non-blancs" dans leur pays d’origine, nie cependant être un parti raciste. Tout en - cependant - affichant ouvertement ses sympathies pour d’autres formations politiques d’Europe également fortement soupçonnées de nourir de telles arrières pensées (tel le Front national en France, par exemple).

    Par ailleurs et pareillement à ses ’’partis-amis’’ du ’’continent’’ le BNP de Nick Griffin se présente également sur le ’’marché électoral (britannique)’’ comme étant un farouche défenseur des ’’valeurs traditionnelles’’ (britanniques) et comme étant le ’’seul’’ véritable ’’parti patriotique’’ (britannique), s’appropriant ainsi cette thématique ’’patriotique et nationale’’ de façon ’’monopolistique’’ pour en faire son seul cheval de bataille exclusif. Et c’est d’ailleurs derrière l’Union Jack (qu’il a choisi comme emblême...), que le BNP a fait campagne pour les dernières élections locales...

    Enregistrant là un succès électoral similaire à celui qu’avait déjà connu en juin 2004 (lors des élections européennes d’alors...) le très nationaliste et ouvertement eurosceptique parti populiste droitiste « UKIP » (lequel ne prône ni plus ni moins que le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne).

    Deux succès électoraux de l’extrême droite (ou assimilée) britannique obtenus à peu de distance l’un de l’autre qui doivent aujourd’hui d’autant plus nous alarmer que le mode de scrutin britannique (ultramajoritaire) n’est pourtant guère fait pour permettre l’émergence des formations politiques ’’hors système’’ se situant hors du traditionnel clivage bipolaire britannique ’’gauche / droite’’ (i. e : Parti Travailliste « Labour » / Parti Conservateur « Tory »).

    Et ce, d’autant plus que le Royaume-Uni connait aujourd’hui une croissance économique respectable avec un système de redistribution des richesses rénové et effectivement efficient.

    Alors, que s’est-il donc passé ? Et bien force est de constater que les événements du 11 septembre 2001, les affinités culturelles et la proximité de vue avec l’Amérique (non seulement des dirigeants britanniques actuels mais aussi d’une part importante de l’opinion publique anglaise), la guerre d’Afghanistan, l’intervention en Irak et les attentats de Londres (de juillet 2005) sont passés par là, remettant ainsi en question le consensus britannique qui s’était construit jusque là autour de l’idée d’une société urbaine métissée, multiculturelle, tolérante et appaisée.

    Symptômes classiques et désormais courants de l’actuelle radicalisation politique qui menace aujourd’hui nos sociétés, objet précis de l’article ci-dessus.

  • Le 22 septembre 2006 à 14:25, par Fabien En réponse à : A propos de la jurisprudence « Smer »

    Et dire que l’extrème droite allemande a encore réussi à pénétrer dans un parlement régional en récoltant 6,5 % des voix dans un Land...

    Riposte face à l’extrêmisme !

  • Le 22 septembre 2006 à 16:57, par Ronan Blaise En réponse à : A propos de la jurisprudence « Smer »

    Effectivement.

    Et juste préciser que cela s’est passé lors des récentes élections ’’territoriales’’ partielles du 17 septembre dernier : dans le land rural et déshérité de l’ex-RDA du Mecklembourg-Poméranie occidentale, où le parti de l’extrême-droite nationaliste (et néo-nazie) NPD a effectivement recueilli 7,3% des suffrages et sera donc représenté au sein du parlement de ce land.

    Et juste souligner que le NPD est déjà représenté au Landtag de Saxe (de la même manière que son allié, le DVU, dans celui du Brandebourg). Ainsi trois des six Länder de l’ancienne RDA se singularisent par la présence de l’extrême droite au sein de leurs parlements régionaux.

    Les causes en sont sans doute les mauvaises performances économiques de ces régions où le chômage est très élevé. Ainsi depuis la réunification de l’Allemagne, le Mecklembourg est devenu la région la plus pauvre du pays (avec un taux de chômage de près de 20% de la population active).

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