Il y a un an, de nombreux citoyens roumains et bulgares étaient brutalement expulsés de France parce que Roms. Ces actes de violences se déroulèrent sous l’œil des caméras de télévision mais dans l’indifférence quasi-générale, non seulement des classes politiques, mais également des sociétés civiles européennes.
Pour beaucoup, elles apparaissaient comme le dernier acte d’une tragédie que devraient fatalement subir les Roms à travers toute l’Europe depuis plusieurs siècles, et dont les persécutions des nazis et de leurs collaborateurs ont constitué le paroxysme, mais pas la fin. Beaucoup se sont résignés à l’indifférence par lassitude, par manque de protection politique ou institutionnelle, par autoconviction que ces positions de dominés étaient acceptées voire désirées par les Roms eux-mêmes.
L’évocation de ces violences est pourtant insupportable : en Hongrie, manifestations des milices d’extrême droite dans les villages où vivent de nombreux Roms, comme à Gyongyospata, les obligeant à fuir. En République Tchèque et en Hongrie, assassinats et crimes racistes. Dans de nombreux villages, les Roms sont séparés du reste de la population par des murs construits à cet effet par les autorités locales, comme à Tarlungeni ou Baia Mare en Roumanie, Michalovce, Košice, Prešov ou Svinia en Slovaquie, Sliven en Bulgarie,... En Serbie, Croatie, Moldavie France et Turquie, violentes discriminations raciales dans tous les secteurs de la vie. Retours forcés au Kosovo et expulsions d’Allemagne, du Danemark et de Suède, etc. Cette funeste liste pourrait s’allonger indéfiniment, si bien que les sentiments de fatalité et d’impuissance, voire de normalité de la violence subie l’emportent parfois, même chez certains d’entre nous.
Ces sentiments sont similaires à ceux qui avaient gagné les membres de la communauté gay américaine jusqu’à la fin des années soixante. Ils s’étaient habitués aux représentations dégradantes, à la condition de marginalité, à ne pas jouir des mêmes droits que les autres citoyens et à subir régulièrement des violences, individuelles comme policières, simplement parce qu’ils étaient gays. Le 29 juin 1969, suite à la descente policière du jour au Stonewall Inn, petit bar gay du quartier de Greenwich Village à New York, une poignée d’habitués, rejoints par quelques habitants du quartier, ont décidé de dire « Assez ! ». Après quatre jours de confrontations avec la police, quelque deux milles personnes ont organisé une marche dans les rues de la Ville : la Gay Pride était née.
Un an après l’affirmation d’une politique anti-Roms délibérée en France, quelques jours, mois ou années après les insupportables violences racistes subies par les Roms sur tout notre continent, le samedi 1er octobre sera le « Stonewall rom européen ». Ce jour-là nous, responsables de la société civile européenne antiraciste et rom, allons assumer nos responsabilités et crier avec force et détermination : « Dosta ! », « Assez ! ». Avec fierté et espoir en une Europe débarrassée du racisme, de l’antisémitisme et de toutes les discriminations raciales, nous allons marcher pour la première Roma Pride. Nous en avons assez des stéréotypes racistes, assez des discriminations raciales permanentes, assez de la marginalisation forcée, assez des violences quotidiennes, assez du statut de bouc-émissaire, assez des meurtres racistes, qui touchent les individus ou communautés roms au cœur de notre continent depuis trop longtemps, assez !
Ensemble, avec de nombreuses organisations de la société civile, des citoyens engagés célèbres ou anonymes, puissants ou faibles, nous allons défiler au cœur des capitales européennes pour faire mieux connaître et pour dénoncer le racisme et les discriminations raciales dont sont victimes les Roms, aujourd’hui, à travers toute l’Europe. A l’occasion d’événements culturels, nous partirons à la rencontre de tous ceux qui souhaitent mieux connaître la diversités des cultures, des identités, des histoires et des mémoires roms, bien loin des stéréotypes et clichés éculés.
Par notre action commune, nous ferons vivre le rêve européen et la valeur d’égalité qui lefonde. Notre revendication sera donc simple et claire : l’égalité des droits et l’égale jouissance des droits pour tous les individus vivant en Europe. En un mot, la dignité. Ainsi, nous mènerons une coalition européenne de solidarité et d’idéal de la Norvège à la Turquie, de la France à la Lettonie en passant par la Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie et bien d’autres pays européens pour clamer haut et fort : Roma Pride !
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