Au sein de l’Europe, les spécificités du Bélarus : les mesures de « restriction de liberté » et la mort

, par Horia-Victor Lefter

Au sein de l'Europe, les spécificités du Bélarus : les mesures de « restriction de liberté » et la mort

Extrait modifié et mis à jour de l’article « Bélarus : le parcours d’un condamné lambda », paru dans le « Le Passe-murailles », revue du GENEPI, mars/avril 2010, p. 82-85

Si de manière générale les établissements carcéraux se caractérisent au Bélarus par leur « surpopulation, leur manque d’hygiène et de suivi médical, leur mauvaise alimentation et leurs infections répandues de tuberculose », les centres de détention en restriction temporaire de liberté, et le Centre de détention numéro 1 de Minsk sont des institutions carcérales spécifiques au Bélarus. En effet, il est même difficile de leur trouver un correspondant d’appellation en langue française.

Des conditions déplorables de détention

Premièrement, les centres de détention sont caractérisés généralement par les rapports des organisations de défense des droits humains, comme la manière usuelle de lutte contre la dissidence. Par exemple, selon le Centre des droits humains « Nacha Viasna », entre le 20 et 25 mars 2006, lors des élections présidentielles, 686 personnes ont fait l’objet d’arrêts arbitraires seulement dans la capitale (cinq seulement dans la province), la plupart étant provisoirement détenues durant quatre à quinze jours. Les détenus effectuent leur peine dans des établissements de détention temporaire en strict isolement, conformément aux articles 18.1 et 18.7 du Code de procédure administrative. Ils sont enfermés dans un espace de 4 m²/personne, ayant la permission de prendre une douche une fois par semaine, ce qui conduit à des maladies de peau. Généralement, les rapports s’accordent sur le fait que ces centres ne rencontrent pas les standards acceptables, les cellules n’ayant pas de lits et étant très mal chauffées, la température descendant jusqu’à zéro degrés en hiver. Les rapports s’étendent longuement sur la dimension des cellules, la température et la qualité de l’air, l’accès à la lumière, les toilettes, ou plutôt les seaux qui en font office et qui sont vidés une fois par jour, la nourriture, deux fois par jour, le droit à la promenade, et, enfin, la torture et le traitement inhumain et dégradant. Il faut savoir que la législation bélarussienne ne connait pas une définition de la torture, ce qui implique que celle-ci n’est pas punie de manière appropriée, faisant ainsi l’objet de nombreuses plaintes et rapports internationaux, ou dénoncée par des grèves de faim qui se succèdent depuis 1996. A la question de savoir si le nombre d’arrestations lors des réunions pacifiques de protestation a diminué, Valyantsin Stefanovitch, activiste bélarussien, a affirmé que ce n’est qu’une décroissance apparente. Il dénonçait ainsi une pratique des autorités, lesquelles en ne rédigeant pas de rapports, essayent de simuler une baisse du nombre de personnes arrêtées sur la base d’une responsabilité administrative.

La peine de mort toujours en vigueur

En outre, c’est le dernier pays de l’Europe à appliquer, en vertu de l’article 24 de sa Constitution, la peine capitale pour quatorze crimes (haute trahison, conspiration, terrorisme, homicide prémédité, homicide d’un policier ou de ses parents proches etc.). Chaque année, des condamnations sont prononcées, les exécutions étant souvent précédées de sévices physiques et de harcèlement moral, dans un isolement total avec interdiction absolue de correspondance et de télévision. Introduite à l’époque de l’URSS, la peine capitale est toujours appliquée car selon le référendum de 1996, 80.44% des votants s’étaient prononcés pour son maintien, et Loukachenka s’en sert comme preuve de légitimité. Depuis 1990, 323 personnes ont été condamnées à la peine capitale au Bélarus, le nombre réel étant, cependant, nettement supérieur. Les exécutions sont effectuées par arme à feu à la prison centrale numéro 1 dans le centre de Minsk, toutes les informations les concernant étant classées secret d’État et la famille n’étant informée ni de la date ni du lieu de l’exécution. Par exemple, Sniazhana Neudakh, l’épouse d’Andrei Zhouk, exécuté en mars 2010 pour double meurtre, n’a toujours pas connaissance de l’endroit où son mari est enterré car, selon l’Administration présidentielle et l’article 175 du Code de procédure pénale, son emplacement ne peut être rendu public. Les derniers condamnés à mort, le plus probablement déjà exécutés, sont Andrei Zhouk (condamné le 22 juillet 2009) et Vassily Youzeptcouk (condamné le 29 juin 2009), réanimant ainsi le débat sur le moratoire à adopter sur la peine de mort. Au final, selon l’agence de presse BelaPan et le gouvernement bélarussien, le nombre d’exécutions pour l’année 2010 s’élève à 2. Bien que la Chambre des représentants ait créé le 29 juin un groupe de travail chargé de rédiger des propositions afin d’instaurer un moratoire sur la peine capitale, les autorités ont toutefois poursuit les exécutions. Néanmoins, cette année, pour la première fois, des activistes de Centre des droits humains « Nacha Viasna » et de la campagne Défenseurs des droits humains contre la peine capitale ont réussi à organiser l’action Villes pour la Vie à Minsk. Dans la tradition initiée par Rome en 2002, le 30 Novembre, date de la première abrogation de la peine de mort en 1786 au Grand Duché de Toscane, des dizaines de chandelles ont été allumées près de l’Eglise Saints Simon et Hélène dans le centre de Minsk.

Et cette réalité, aussi cruelle qu’à elle seule, est complétée d’une autre réalité bélarussienne, dénoncée également, et peut-être avec plus de rigueur, concernant les procès politiques, les exils, les emprisonnements, les enlèvements, les disparitions, ou même les meurtres de dissidents politiques, autant d’événements entourés malheureusement bien souvent d’un lourd mystère.

Illustration : Prisons

Source : Foto Martien sur Flickr

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