Copé/Fillon : au-delà des égos, quel signe pour l’Europe ?

, par Grégoire Lunven

Copé/Fillon : au-delà des égos, quel signe pour l'Europe ?
François Fillon Auteur : UMP Photos - Certains droits réservés

L’élection pour la direction du premier parti d’opposition français occupe une place hégémonique dans l’actualité française. Les événements sont souvent décrits mais rarement expliqués. L’Europe pourrait permettre d’en apprendre un peu plus.

L’Europe, signe d’impuissance pour un homme de droite…

L’issue de la lutte Copé-Fillon semble montrer l’impossibilité de gagner une élection en parlant d’Europe. Ce thème constituait pourtant un tiers du programme de l’ancien Premier ministre. Mais cette stratégie comporte un problème pour celui qui l’adopte : elle l’oblige à admettre qu’il dépend du bon vouloir de ses voisins. J.F. Copé, sans doute dans le fond aussi européen que son concurrent, a fait campagne sur l’inverse : la France et seulement elle.. D’un côté un homme qui dit qu’il peut, de l’autre un homme qui dit qu’il dépend ; adhérents de l’UMP, faites votre choix.

De même avec les motions. Les courants droite sociale (21%) et humaniste (18%) sont minoritaires parce qu’ils présentent le même constat d’impuissance. « Un modèle social efficace serait un modèle européen ». « La défense des droits sociaux serait européenne ». A l’échelle de la nation, ce type de courant est condamné aux bons sentiments. Face à l’aggravation de la crise, le peuple réclame des actions. Les seuls capables d’offrir des actions – fussent-elles des chimères populistes – sont les nationalistes. C’est le pari réussi des motions Droite forte (28%), Droite populaire (10%), et gaulliste (12%) qui réunissent donc 50% des suffrages. La défense d’une Europe à plusieurs vitesses portée par M. Fillon n’a manifestement pas suffi à donner le sentiment de cette capacité à agir exigée.

Et pour beaucoup d’autres hommes politiques.

Mais la droite n’a pas le monopole de cette incapacité à être pro-européen. A l’heure où la moitié de l’UMP, parti de gouvernement, penche vers le repli national (constater ne serait-ce que le nombre de drapeaux français aux meetings, pour un nombre presque nul de drapeaux européens), un souvenir de l’élection présidentielle à gauche s’impose. F. Hollande avait alors refusé – pour le renégocier – le traité budgétaire qui avait recueilli le 2 mars 2012 l’accord de 25 pays de l’UE. Le non est plus rentable électoralement, parce qu’il montre en apparence une capacité de décision, quand le oui est perçu comme soumission aux diktats de l’étranger. Une fois au pouvoir, c’est bien évidemment la solution de l’adhésion au processus européen qui l’emporte. En attendant, un double discours a été tenu au pays.

Cette dégradation de la vie politique n’est pas non plus l’apanage de la France. Chez certains de nos voisins, comme en Italie (et sa Liga Norte) c’est la voie du régionalisme – échelon moins développé chez nous – que le populisme emprunte. La voie du nationalisme est aussi cultivée en Belgique, Espagne, ou au R-U, mais associée aux nations sans Etats que sont les Flandres, l’Ecosse ou la Catalogne. Cette dernière encore dimanche 25/11 (élections législatives anticipées dominées par les indépendantistes et nationalistes catalans) a prouvé le regain de tensions indépendantistes. Le problème identitaire n’a pas changé. En revanche, c’est bien l’incapacité des Etats à juguler la crise qui invite les opinions publiques européennes à chercher d’autres échelles d’action publique. Et dans ce choix, les deux directions possibles – vers l’Europe, ou vers la région/nation – ne présentent pas la même difficulté.

Vite, une scène politique européenne !

La voie de l’U.E. présente une aporie, c’est à dire une impasse logique, (du grec a-privatif, et poros le chemin) semblable à celle que Rousseau décrivait à propos de la démocratie dans le Contrat social : « Il faudrait que l’effet pût devenir cause, que l’esprit social qui doit être l’ouvrage de l’institution présidât à l’institution même et que les hommes fussent avant les lois ce qu’ils doivent devenir par elles ».

Appliquée à l’Europe : pas de fédéralisme sans esprit européen, pas d’esprit européen sans fédéralisme. C’est cette faille qui permet aux discours du repli sur soi de prospérer. Aujourd’hui, face à l’urgence de la crise, il nous faut franchir ce saut vers un pan du fédéralisme : apparition d’hommes politiques européens. Ils pourront défendre les solutions européennes que les hommes politiques nationaux ne peuvent porter sous peine de paraître incapables d’agir. Pour reprendre le cri d’impatience lancé par le très bon article sur les entreprises européennes, mais cette fois avec inquiétude parce que les populismes menacent : « Vite, une scène politique européenne ! ». A la promesse délétère du repli sur soi, préférer l’avenir politique européen.

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Vos commentaires
  • Le 5 décembre 2012 à 22:16, par Fébus En réponse à : Copé/Fillon : au-delà des égos, quel signe pour l’Europe ?

    Au delà même du débat « Copé-Fillon », avec l’un qui serait prétendument européen-assumé, et l’autre faussement nationaliste et européen-refoulé ; il serait sans doute plus pertinent de souligner les dégâts causés par une campagne présidentielle -celle de Nicolas Sarkozy- sur son propre camp, en banalisant, en légitimant un rapport à l’UE pour le moins brutal -politique de la chaise vide, mise en accusation, remise en cause de Schengen,...

    Avec pour seule acceptation de l’Europe-et c’est ici que je ne partage pas votre analyse-, une Europe de l’austérité : une règle budgétaire aveugle, qui oblige les états, quelque soit la conjoncture, quelque soient les ressources et les capacités du pays, quelque soient les perspectives qui l’attendent, une obligation de réduction des déficits immédiate, au risque en cas de non application, de se voir imposer des sanctions financières et politiques supplémentaires : question de bien enfoncer le clou. Quelle vision ! Quelle Europe ! C’est bien là la pire façon de la faire aimer.

    En tant que pro-européen viscéralement attaché à ce projet de progrès partagé, je ne peux que dénoncer cette politique mortifère, qui accentue la difficulté des pays en souffrance, pousse à des politiques contra-cycliques (suppression de postes dans la fonction publique, arrêt des investissements, fin des grands travaux, baisse des minimas sociaux, réduction des services publics...) qui ne pourra que rendre l’Europe plus impopulaire encore.

    Le Non à ce traité, un Non au TSCG, est un oui à l’Europe ; cessons donc les facilités ! Pour créer une adhésion à l’Europe :

    Rendons la démocratique ! et non intergouvernementale (comme le prône le TSCG) : par un parlement ayant l’initiative législative, une Commission -Gouvernement Européen, des listes transnationales ; une égalité entre Parlement et Conseil de l’UE ;

    Rendons la Sociale, par l’harmonisation des fiscalités, par la lutte acharnée contre les paradis fiscaux ; par une fiscalité propre (taxe sur les transactions financières, impôt sur les bénéfices européen, par une règle des réciprocités des échanges aux frontières de l’UE pour protéger aussi bien nos normes écologiques que sociales), par le rôle de la BCE ;

    Répondons au défi écologique, en nous donnant les moyens de financer ces politiques, au lieu de les remettre à l’après-austérité !

    Bref, Soyons audacieux, soyons enfin fédéralistes : acceptons qu’il y ait une alternative en Europe, que les élections européennes soient l’occasion d’un choix entre 2 contenus, 2 politiques économiques, 2 politiques sociales. Bref l’Europe mérite bien un débat ! Ne gravons pas dans le marbre des constitutions les restrictions budgétaires et l’inter-gouvernementalisme. L’Europe vaut mieux que cela.

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