Défense européenne : l’opération Atalanta, une réussite ? 1/2

, par François Gorin

Défense européenne : l'opération Atalanta, une réussite ? 1/2

Dans le contexte d’affaiblissement supposé de la politique européenne de défense suite à l’accord bilatéral entre France et Royaume-Uni, retour sur une réalisation concrète : l’opération Atalanta, menée par la force navale de l’Union Européenne pour la Corne d’Afrique.

L’accord bilatéral de coopération militaire signé à Londres le 2 novembre 2010 par les deux principaux acteurs militaires de l’UE mérite d’être salué. On peut cependant regretter que certains points d’accord n’associent pas les autres Etats-membres. La mise en place d’une force expéditionnaire commune aux deux pays semble ainsi éclipser certaines opérations menées dans le cadre de la Politique européenne de sécurité et de défense commune (PeSDC). L’exemple de l’opération Atalanta témoigne pourtant d’une bonne réussite.

Une opération menée dans le cadre de la PeSDC

L’Europe de la défense est un sujet souvent tourné en dérision, un artefact de l’immédiat après-guerre, un projet qui n’aurait su s’affranchir du nationalisme des peuples européens. Pourtant, depuis décembre 2008, de nombreux navires de guerre battant pavillon bleu étoilé sillonnent le golfe d’Aden et le bassin somalien, au sein de la force navale de l’Union Européenne.

Cette opération militaire, issue de la PeSDC, vise à lutter contre la piraterie somalienne qui nuit depuis plusieurs années à la libre circulation maritime dans la zone. Elle conduit des opérations de présence et de dissuasion, assurant notamment la protection du commerce international le long de l’IRTC (Internationally Recommanded Transit Corridor), une étroite bande de mer qu’empruntent les navires marchands pour traverser le golfe d’Aden. L’Atalanta escorte également des bâtiments du programme alimentaire mondial, chargés de fournir à la population somalienne une aide alimentaire vitale.

Avalisée par les résolutions 1814, 1816, 1838 et 1846 du Conseil de Sécurité de l’ONU, l’opération Atalanta rencontre un succès non négligeable sur le terrain, et se montre à la hauteur des défis initiaux.

Des défis initiaux considérables

Le premier de ces défis est géographique : la zone d’opération est extrêmement grande. La force européenne opère depuis le détroit de Bab-el-Mandeb (qui fait la jonction entre la Mer Rouge au nord, et le Golfe d’Aden) à l’Ouest, jusqu’au 60° Est, et jusqu’à la latitude de 2° Sud. Il s’agit d’une superficie maritime gigantesque, plus grande que les Etats-Unis, et qui nécessite des moyens conséquents pour être maîtrisée.

La nature de l’ennemi est elle aussi problématique : les pirates somaliens sont désespérés, au sens premier du terme, car pauvres et affamés. Ils sont prêts à parcourir la mer pendant de longues semaines, à la merci des vagues, de la chaleur et de la salinité, sur leurs petites embarcations à ciel ouvert. Ils sont aussi capables d’accomplir des faits d’armes, comme la prise de l’Asian Glory le 1er janvier 2010.

Ils sont de surcroît très bien organisés : il ne s’agit pas de groupes isolés, mais de groupes soudés avec des commanditaires à terre. Ceux-ci se chargent d’affréter des petites embarcations, de rassembler des équipages, de fournir vivres, armes et médicaments, mais aussi de gérer les ressources humaines, les « troupes terrestres », les « troupes maritimes » et les « équipes de prise ». Certains transferts entre plusieurs camps sur la côte Est de la Somalie, en fonction de l’activité des militaires alliés, laissent penser que ces commanditaires ont une emprise très vaste sur le territoire.

C’est un véritable business, dont le chiffre d’affaires (les rançons versées pour la libération des marins capturés) s’est élevé à 49 millions d’euros en 2009. Un véritable « code des pirates » tel qu’on a pu le retrouver sur certains d’entre eux, régule cette activité.

Enfin leur détection n’est pas aisée : un PAG, Pirate Attack Group, est généralement constitué d’un mothership : embarcation lente permettant de stocker vivres et équipement, remorquant deux skiffs : barques longues, effilées et rapides, moteur hors-bord, utilisées pour l’assaut. Cet ensemble est très bas sur l’eau donc difficilement détectable au radar ou à la vue. Il faut ainsi utiliser d’autres moyens, notamment aériens, pour avoir une chance de les détecter.

Les succès tangibles de l’Atalanta

Si l’on s’en tient aux chiffres, l’opération Atalanta est une réussite. Depuis décembre 2008, 70 navires du programme alimentaire mondial ont pu délivrer plus de 400 000 tonnes de denrées alimentaires, sans qu’aucun n’ait jamais été attaqué par des pirates. Un millier de pirates ont été appréhendés et désarmés par la force européenne entre janvier et septembre 2010, soit 85 groupes d’attaques, selon Bruxelles2.eu. Cela représente une réelle augmentation par rapport à 2009, et montre que l’activité des pirates a été profondément entravée.

Mais le succès le plus remarquable est peut-être de voir que cette force maritime armée et européenne est effective et efficace. C’est une première historique. Le commandant de l’opération, chargé des orientations stratégiques à terre, est un Anglais, le Major Général Buster Howes, assisté d’un commandant adjoint allemand, le contre-amiral Thomas Ernst. Le commandant de la force, embarqué sur un navire « amiral » dans la zone d’opération, est un Français : le contre amiral Philippe Coindreau, à bord de la frégate anti sous-marine De Grasse. Ce dernier a succédé cet été (cf. photo) au contre amiral Jan Thörnquvist, de la marine royale suédoise, qui dirigeait la force depuis le destroyer HSMS Karlskrona.

Ainsi, au printemps 2010, après une détection par un avion de patouille maritime italien, un amiral suédois ordonnait-il à une frégate française et à un navire hollandais de se disposer pour intercepter de concert les groupes pirates.

C’est, dans les faits et dans l’action, l’Europe de la défense.

Illustration : passation de commandement entre le contre-amiral Thörnquist et le contre-amiral Coindreau

Source : eunavfor.eu

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