Une mouvance animée par de brillants jeunes intellectuels - parmi lesquels Emmanuel Mounier et Alexandre Marc - qui avaient la volonté de situer leur « engagement » politique en marge des mouvements d’idées déjà établis. Mais qu’est-ce que le personnalisme ?
Emmanuel Mounier, philosophe français et fondateur de la revue Esprit, écrivait en 1947 à propos du personnalisme :
« Le meilleur sort qui puisse arriver au personnalisme, c’est qu’ayant réveillé chez assez d’hommes le sens total de l’homme, il disparaisse sans laisser de traces, tant il se confondra avec l’allure quotidienne des jours. »
Paul Ricoeur lui répondait en 1992, dans la préface à ces Ecrits : « Meurt le personnalisme, renaît la personne »... Est ce à dire que nous sommes rentrés dans l’ère personnaliste ?
Comprendre le personnalisme
Il s’agit tout d’abord de comprendre ce qu’est le personnalisme. Les deux livres proposés ici offrent deux visions complémentaires. La première politique et philosophique, les « Écrits sur le personnalisme » regroupant trois textes fondamentaux de la pensée personnaliste : « Le Manifeste au service du personnalisme », « Anarchie et personnalisme » et « Qu’est-ce que le personnalisme ? »
Le second ouvrage de Loubet del Bayle offrant une étude historique unique sur les différents mouvements de la jeunesse française dans les années trente, se concentrant essentiellement sur les liens entre les revues et mouvements « Esprit » (E. Mounier), « Ordre Nouveau » (A. Marc) et « Jeune Droite » (Jean de Fabrègues).
Un panorama des positionnements intellectuels de la jeunesse dans les années trente
Si ce dernier ouvrage offre une présentation historique incomparable il faut avouer que la tentative de démontrer l’existence d’un front uni de la jeunesse française ou du moins des liens idéologiques et politiques entre les différents mouvements nuit à l’efficacité de la présentation des idées politiques de ces différents groupes.
Néanmoins, l’analyse de la question du nationalisme, de l’identité patriotique, le refus commun du "désordre établi" et du parlementarisme permet de comprendre comment une partie de ces groupes se retrouveront dans la bataille fédéraliste de l’après guerre avec comme chef de file Marc pour l’action politique et Mounier pour le positionnement philosophique.
« Ecrits sur le personnalisme », un recueil fondamental
« Écrits sur le personnalisme » est dans cette perspective un recueil fondamental. Mounier explique les fondements de sa philosophie, le souci de l’homme et le respect de la personne. Refusant les pensées politiques traditionnelles, empreintes de matérialisme ou de spiritualisme exacerbé, Mounier, poursuivant l’œuvre de Proudhon et de Charles Péguy, recherche l’équilibre qui caractérise la personne humaine et qui devrait caractériser l’ensemble de l’organisation sociale.
Loin d’être une pensée exclusive ou totalitaire le personnalisme est avant tout un positionnement, une méthode d’observation de la société, un "changement de plan" comme aimait le répéter Marc. Issu du socialisme libertaire, mais proche, comme essaye de le démontrer Loubet Del Bayle de certains mouvements de rénovation de la droite française post-maurrassienne, il est impossible aujourd’hui de situer le personnalisme d’un point de vue politique. "Ni droite, ni gauche", ce slogan en vogue dans les années trente ne semble pas être dépassé.
Des références intellectuelles incontournables pour les bâtisseurs de l’identité européenne.
Bien qu’il soit possible aujourd’hui de rechercher l’influence du personnalisme sur les mesures politiques nationales (Service volontaire, Smic, revenu minimum, décentralisation...) on ne peut pas dire que le personnalisme, se méfiant des partis et des structures étatiques, ait influencé de façon définitive les politiques nationales, ni les différents partis qui se partagent le pouvoir.
Au niveau européen, par contre, le personnalisme est bien vivant.
Il continue d’être un des modèles philosophiques de la construction européenne. Défendant un fédéralisme intégral, c’est à dire pas uniquement horizontal, mais également vertical (c’est à dire entre les différents "corps" ou communautés qui composent la société), le personnalisme de Mounier et le fédéralisme de Marc ressurgissent en tant que références intellectuelles chez de nombreux penseurs et bâtisseurs de l’identité européenne.
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