Le dirigeant du Parti progressiste serbe (droite nationaliste) a finalement été élu. Il a fallu cinq élections présidentielles (2000, 2003, 2004, 2008, 2012) pour que Tomislav Nikolic remporte ce scrutin. Il a été battu deux fois par Boris Tadic, qui était au pouvoir depuis 2004. A la très grande surprise, la troisième a été la bonne. Les sondages annonçaient une troisième victoire du Président sortant avec 58% des intentions de vote. Avec un taux de participation très faible de 46%, le nouveau Président a réuni 50,21% des scrutins.
Tomislav Nikolic est connu pour ses discours sur la « Grande Serbie » et adopta une position anti-européenne dans un premier temps. Pour lui, la présence de l’Union européenne dans les enjeux nationaux mine l’indépendance du pays ainsi que sa souveraineté.
Cependant, depuis 2008, son discours a évolué. Il s’accorde à dire que la Serbie doit continuer le processus d’élargissement à l’Union européenne. Toutefois, il n’accepte pas la déclaration d’indépendance du Kosovo prononcée le 24 février 2008. Cette élection, nous permet de revenir sur les enjeux de la campagne ainsi que sur la signification de ce scrutin.
La grande surprise : le Kosovo au second rang
Le grand sujet des dernières élections présidentielles était le statut de l’ancienne province serbe. En effet, en quelques mois, l’élection présidentielle et la proclamation d’indépendance avaient lieu. Sur ce sujet, le Président Tadic avait un discours qui faisait appel à la négociation tandis que Tomislav Nikolic s’opposait à l’indépendance de la province. Lors des élections de 2008, la victoire de Tadic a été courte, seulement de 50,31%.
Dans cette campagne, le statut de la province n’a pas été un sujet central. Cependant, avec cette élection, les négociations entre l’Union européenne et la Serbie vont probablement être perturbées. Pour le nouveau Président, cette région reste partie intégrante de la Serbie, même si le règlement du statut du Kosovo ne représente pas une condition additionnelle pour l’entrée de la Serbie à l’Union européenne, certains pays européens, dont notamment les Pays-Bas et l’Allemagne, ont clairement affiché leur soutien à Pristina. Ce positionnement qui, implicitement, conditionne l’entrée de la Serbie dans l’UE, c’est Berlin qui avait refusé en décembre 2011 le statut officiel de candidat à la Serbie en pointant les relations entre la Serbie et le Kosovo.
Depuis mars 2011, les négociations entre Belgrade et Pristina ont lieu à Bruxelles. Depuis, de nombreux accords ont eu lieu entre les deux entités, notamment sur les douanes ou sur la reconnaissance universitaire. Le dossier du Kosovo n’est toujours pas clos, avec les débordements de cet été et par cette élection, les négociations semblent être fortement compromises. De plus, dans la province, lors du premier tour les électeurs serbes ont plébiscité les formations nationalistes.
Le vote « anti-Tadic »
A l’image de l’élection française, ce vote a été un résultat anti-Tadic. Plusieurs facteurs semblent le souligner.
La différence du taux d’abstention entre le premier et second tour témoigne de cela. Au premier tour, 63% des Serbes s’étaient déplacés, au second, seulement 49%. C’est un désaccord des Serbes car dans l’entre deux tour, Boris Tadic avait eu le soutien des libéraux, centristes et autres formations sociaux démocrates, ce report de voix devait lui assurer une victoire confortable. Mais de très nombreux intellectuels avaient dénoncé le « système Tadic » qui contrôle tous les pouvoirs : exécutif, législatif et même judiciaire.
L’économie a été le sujet principal de l’élection. Le Président sortant ne possédait pas un bilan très reluisant. Le pays possède une croissance timide (2%), après une année 2009 en récession (de 3.5%). De plus, avec une inflation de 7% le gouvernement n’a pas réussi à rassurer les investisseurs étrangers.
Mais la grande défaite du gouvernement Tadic, reste un taux de chômage grandissant. Il atteint aujourd’hui 24% dans la population active serbe.
Sans humour, les chancelleries européennes doivent avoir la gueule de bois. Le Président sortant avait réussi à normaliser les relations avec l’ensemble de ses voisins et à intégrer son pays dans le giron européen. Cette victoire de Tomislav Nikolic risque de fortement compliquer les relations avec le Kosovo et d’opérer une réorientation des priorités serbes. Lors de la campagne, le nouveau Président estimait que l’élargissement de l’Union européenne n’était pas à l’ordre du jour pour Bruxelles, ainsi, il fallait que la Serbie s’occupe d’abord de ses propres objectifs.
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