La Coupe du monde de football est aujourd’hui la deuxième compétition sportive du monde, en seuls termes de spectateurs, d’audience télévisée et de bénéfices financiers réalisés. Et, ainsi, elle est désormais non seulement une véritable affaire économique au sens plein et entier du terme mais aussi l’événement sportif le plus populaire mondialement après (voire avant, même...) les Jeux olympiques d’été.
Mais la pratique du football à ce niveau international est aujourd’hui bien plus qu’un spectacle sportif de haut niveau. La Coupe du monde de football étant aussi devenue le lieu de l’expression des identités nationales retrouvées, voire un prétexte à des mises en scène de ’’suprématies’’ nationales et idéologiques.
Et c’est ainsi, qu’avec l’avénement de nos sociétés de consommation de masse, avec l’évolution des mentalités politiques et avec l’évolution géopolitique de notre siècle, toute participation à la Coupe du monde football est devenu en quelque sorte un enjeu de politique nationale et internationale, voire un instrument ponctuel des diplomaties.
Le football, objet politique
Déjà, lorsque -à la fin des années 1920- les dirigeants de la fédération internationale de football « FIFA » (en particulier les français Henri Delaunay et Jules Rimet...) décidèrent d’instaurer - à partir de 1930 - un tournoi international rassemblant tous les quatre ans les meilleures équipes du monde [1], l’apolitisme n’était déjà plus vraiment de mise.
En effet, en considérant ainsi le football -au lendemain de cette effroyable boucherie qu’avait été la Grande Guerre- comme un « propagateur de compréhension et de réconciliation entre les races » [2], Jules Rimet (’’père-fondateur’’ de la Coupe du monde, à l’initiative du projet...) conférait déjà à la Coupe du monde et au football des ambitions politiques humanistes et fédératrices qui dépassaient très largement, et de loin, le seul cadre sportif.
Un esprit ’’politique’’ qui trouvait là son ancrage non seulement dans l’internationalisme de la fin du XIXe siècle mais aussi dans le catholicisme social qui avait très profondément marqué Jules Rimet, lui-même ancien ’’silloniste’’ [3]. Bref, même si ses successeurs ont parfois pu paraître imprégnés d’autres cultures politiques allant du libéralisme britannique à une certaine forme de caudillisme sud-américain (voire...), nul ne conteste plus aujourd’hui l’imbrication étroite du football et de la politique.
Cependant, entre l’omniprésence de Bénito Mussolini pendant "la Coppa del Duce" (en 1934) et le baiser de Jacques Chirac sur le crâne de Fabien Barthez (en 1998), la Coupe du monde de football n’a jamais vraimant pu maintenir "la position de neutralité absolue et intransigeante" qu’avait pourtant voulu respecter la FIFA lors de sa fondation, en mai 1904.
Et c’est ainsi que le football italien des années 1930 est devenu la ’’vitrine’’ du régime fasciste mussolinien alors triomphant [4]. Et, de même, que les succès sportifs de l’équipe tricolore ’’Black-Blancs-Beurs’’ des années 1996-2006 furent mis en avant, en France, pour essayer de démontrer la pertinence d’une conception plus diverse et plus ouverte de la Nation [5]. Et ainsi l’actuel président de la FIFA - le suisse Sepp Blatter - reconnaît lui-même qu’en termes de relations avec la sphère politique, le football a aujourd’hui ’’presque entièrement perdu sa chasteté’’ (sic) [6].
La FIFA : un acteur des relations internationales
Confrontée aux puissances politiques et économiques, la FIFA est en effet aujourd’hui devenue une véritable organisation non gouvernementale dont les objectifs dépassent désormais très largement le seul horizon des stades. Ce nouveau rôle d’acteur des relations internationales ayant d’ailleurs été en quelque sorte ’’officialisé’’ par l’accueil de Kofi Annan au siège de la FIFA, en janvier 2006.
En effet, évoquant là "le rôle du sport dans l’amélioration de l’éducation et de la santé dans les pays les plus pauvres" ou encore l’impact de la Coupe du monde 2010 - bientôt organisée en Afrique du Sud - sur le développement de l’Afrique, le Secrétaire général de l’ONU a déclaré que "Le sport a l’incroyable faculté de catalyser les changements positifs dans ce monde ; je ne connais rien d’autre qui sache unir les peuples comme le football" [7].
Le sport en général (et le football en tout particulier) étant ainsi passés au premier plan des relations internationales, on admettra que cette appropriation politique des Coupes du monde ne relève désormais plus seulement des questions de politique intérieure.
Affrontement pacifique des nations ou ’’continuation de la guerre par d’autres moyens’’, le ’’Mondial’’ suscite passions, rivalités et émulation, mobilisant ainsi opinions publiques et média, Etats et gouvernements.
On comprendra dès lors qu’avec les passions nationales qu’ils soulèvent, le football et sa Coupe du monde soient désormais devenus tout à la fois un sujet politique et un objet d’histoire...
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