L’Europe a besoin d’un véritable plan pour l’avenir, pas d’un autre placebo de dix ans

, par Maja Augustyn, Traduit par Maxime Calligaro

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L'Europe a besoin d'un véritable plan pour l'avenir, pas d'un autre placebo de dix ans

Alors que son terme arrive presque à échéance, l’ambitieuse stratégie de Lisbonne a depuis bien longtemps cessé de faire rêver. Herman van Rompuy a déclaré qu’une stratégie complémentaire pour la période 2010-2020 deviendrai sa priorité. Toutefois, ce ne sera pas chose aisée pour lui que d’organiser la programmation d’un Lisbonne 2.0 plus heureux que son prédécesseur.

En 2000 l’expansion du marché unique était imminent du fait de l’élargissement, le boum attendu du e-business semblait promettre une nouvelle ère pour l’économie mondiale et la position de la communauté européenne au sein de l’OMC avait fait naître l’ambition de diriger le commerce mondial depuis l’axe Bruxelles/Londres.

Dix ans plus tard l’Europe n’est pas devenue, selon la formule consacrée, l’économie de la connaissance la plus dynamique et la plus compétitive du monde. La crise économique mondiale a tué tout espoir d’atteindre les objectifs de Lisbonne en terme d’emploi, de recherche et de développement. Certains diront que la crise est pour beaucoup responsable puisque, jusqu’en 2008, les courbes de croissance et d’emploi dans l’Europe à 27 avaient augmenté et indiquaient que la stratégie, lentement, justifiait son existence. Puis vint le choc. Peut être que la stratégie n’était pas assez bien préparée pour affronter la crise. Sachant qu’après chaque crise rien n’est plus jamais comme avant, que sera la nouvelle stratégie économique européenne ?

Assurer une croissance économique stable et, dans le même temps, maintenir le plein emploi ainsi qu’un haut niveau de sécurité sociale s’avère être plus que jamais une idée difficile à défendre dans le cadre de l’économie mondiale actuelle. Jusqu’à présent ce qui faisait l’attractivité de l’Europe en tant que marché c’était son fort potentiel d’achat dans sa partie Ouest, en tant que place d’investissement c’étaient ses bas salaires et ses faibles coûts de production dans sa partie Est (un fossé que cette dernière s’emploie à faire disparaître au plus vite). Sans assurances gouvernementales il est ardu de conserver l’Europe comme place attractive pour les investisseurs par rapport aux économies émergentes qui continueront à offrir une main d’œuvre moins chère et des coûts de production moins élevés. De nouveaux outils tel que le fonds européen d’ajustement à la mondialisation sont des remèdes à court terme qui n’entraînent pas de résultats soutenables permettant de garder la production en Europe.

De très paradoxales Méthodes Ouvertes de Coordination (MOC

Le septième programme cadre a versé des milliards d’Euros dans des secteurs industriels aléatoires qui ont produit de faibles rendements, moins d’emploi qu’escomptés et qui, souvent, ont englouti l’argent instantanément au lieu de le transformer en bénéfices à long terme.

Qu’est ce que les politiciens européens prévoient de différent cette fois ? Pas de réelles nouveautés comparé à la version 1.0 de la stratégie de Lisbonne : aides, réforme en profondeur du système sociale et du droit social. Il faut remarquer qu’il est de plus en plus mis l’accent sur la méthode ouverte de coordination dans les politiques sociales, d’emploi et industrielles entre États membres mais que, dans le même temps, plus d’interventionnisme est autorisé, au niveau national, dans l’implémentation de la Stratégie. N’ y a-t-il pas contradiction dans les termes ? Comment peut-il y avoir un quelconque sens des responsabilités vis-à-vis des objectifs de la stratégie à l’échelle européenne sans un cadre claire définissant des engagements politiques et économiques viables ?

Ceci ne peut pas fonctionner. Une stratégie ne peut marcher de façon effective qu’avec un véritable centre d’organisation identifié possédant une autorité renforcée sur ses subordonnés. Ce rôle ne peut être joué ni par la Commission, ni par le Conseil dans l’Union telle qu’elle est. Le marché commun et ses quatre libertés se sont révélés être un succès. Sans un pas supplémentaire vers l’intégration le modèle social et économique européen se dirige vers un destin funeste fait de politiques d’aides et redistribution non coordonnées sautant de secteur en secteur dans l’espoir d’une résurrection et détournant l’investissement d’un État membre à un autre. Un plan économique pour l’Europe doit s’attaquer à la source du développement du chômage en Europe, à savoir le détachement de la production et de la consommation.

Besoin d’un nouveau Tindemans ?

C’est un problème pan-européen et il devrait être résolu au niveau de l’Union. Comme d’autres, Guy Verhofstad, ancien premier ministre belge, a déjà envisagé cela. Il a réalisé que l’Union européenne a besoin de faire un pas de plus vers l’intégration et de fusionner toutes les politiques nationales au sein d’une politique économique européenne digne de ce nom. Dans sa déclaration du 8 janvier il a dénoncé l’échec du modèle Lisbonne 1.0 du fait que celui-ci n’offre pas d’instruments de renforcement des objectifs. Sans structure dont la mission serait d’assurer des engagements crédibles et d’en surveiller la correcte exécution, toute nouvelle stratégie ne restera qu’une liste de vœux pieux. Il y a une tendance à l’intégration européenne dans les idées des premiers ministres belges.

Déjà dans les années 70, après que la communauté soit venue à bout de l’impasse de ses ressources propres, M. Tindemans rédigea un rapport qui fut suivi par la mise en place d’élections directes au Parlement européen et par l’acte unique européen ; ceci donna à la communauté une impulsion décisive pour l’achèvement du marché commun. A présent le marché commun a besoin de l’achèvement de la politique économique commune.

Cela ne signifie pas que l’UE doive s’engager en faveur d’une doctrine économique précise et poser des limites strictes à l’intervention économique. Socialisme, néo-libéralisme ou néo-kénésianisme revisité- tout va pourvu que cela soit démocratique et coordonné. Un compétition interne, dans l’UE, entre différents modèles sociaux et fiscaux s’avérait être plus que jamais préjudiciable si elle est couplée avec la compétition mondiale qu’implique la globalisation.

L’Europe n’est pas une tour d’ivoire. Elle fera face continuellement aux puissances émergentes et elle doit agir, face à ces États, comme un État, non comme un simple bloc économique. Une opposition féroce à une harmonisation fiscale et sociale plus poussée de la part de certains États membres a longtemps été basée sur l’idée qu’une faible imposition ainsi qu’un faible niveau de sécurité sociale contribuent à rendre leur propre économie nationale plus compétitive -cela vaut principalement pour les pays du club anglo-saxon et les nouveaux États membres.

Mettre fin à la compétition entre modèles sociaux nationaux

D’un autre coté, les gouvernements des États membres avec le modèle social et fiscal continental défendent leurs standards élevés comme une réussite sans précédents qui méritent d’être conservée. Élus au suffrage national, les gouvernements se cachent derrière le mandat socio-économique de leur électeurs. Peut être que si il y avait un véritable gouvernement européen directement responsable pour ses actions, il serait plus aisé de comprendre ce que les citoyens désirent vraiment au niveau européen et quels sacrifices ils sont prêts à faire, si du moins ils le sont. Peut être que si les partis politiques présentaient des programmes économiques européens les citoyens seraient capables de faire des choix concrets. Peut être que la discussion sur une taxe européenne pourrait prendre un tout autre visage si elle était accompagnée du transfert de certaines politiques au niveau de l’UE et pas simplement d’ajouter une ligne supplémentaire sur la feuille d’impôt annuelle du citoyen.

Qui est là pour rédiger une nouvelle feuille de route pour l’Europe ? Qui est assez courageux pour dire que l’UE ne peut se permettre de fonctionner qu’avec des pièces détachées récupérées de ses succès en matière d’assistance publique ? L’Europe doit comprendre que son bien-être public va de paire avec un coût d’entretien élevé, dans le but de défendre ses standards, et que des efforts communs et des engagements viables doivent être faits et pris.

En définitive, il serait du devoir des citoyens que de faire face aux conséquences de la situation actuelle et de faire un effort en faveur d’un changement puisque c’est à eux d’essayer de préserver leurs emplois, leurs salaires, leurs entreprises, leurs bénéfices. La mission principale des politiciens est de parler « dans l’intérêt du citoyen ». Pourquoi ne pas mettre cela en pratique en proposant un rapport, une loi européenne, une feuille de route potentiellement contraignante ? Quel est le sens d’une Stratégie de Lisbonne version 2.0 si il n’y a pas de direction claire pour une politique économique européenne ?

Illustration : Joaquín Almunia le 14/09/2009 en conférence de presse à Bruxelles, alors qu’il était Commissaire européen aux affaires économiques et monétaires.

Source : Service audiovisuel de la Commission européenne

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