Multilinguisme

L’Europe face au défi linguistique

Pour une solution sérieuse et équitable au problème des langues dans l’Union européenne

, par Karim-Pierre Maalej

L'Europe face au défi linguistique

Il est notoire que les derniers élargissements ont entraîné de grands bouleversements dans la vie quotidienne de l’Union. Les difficultés de poursuivre de la même façon avec des institutions prévues pour six quand on n’y parlait que de charbon et d’acier, alors que nous sommes aujourd’hui 27 autour de la table, avec plus de cinquante sujets à discuter, ont souligné l’ampleur des changements à adopter dans la façon de travailler et de décider. Les mêmes conclusions peuvent être faites au sujet des langues officielles, dont le nombre a augmenté considérablement.

De quatre langues en 1957 (allemand, français, italien et néerlandais), le compte est aujourd’hui porté à 23, dont beaucoup de petites langues peu parlées en-dehors du pays. Cette situation a mené progressivement à la généralisation de l’usage de la langue anglaise comme seule langue de travail, ce qui n’est pas sans poser des problèmes d’expression sur des sujets très techniques. Mais si l’usage de la langue anglaise est compréhensible sur la scène internationale, et que la tendance naturelle est au recours à un anglais dénaturé pour se débrouiller quand on ne connaît pas la langue de l’autre, on attend autre chose de la part des institutions officielles de l’Union européenne. Elles devraient en effet agir activement pour résoudre les problèmes sur le fond, de la meilleure façon possible, et non en cédant à la facilité de coller des rustines.

Des risques réels d’appauvrissement économique et culturel

Ce n’est pourtant pas ce que l’on observe, bien au contraire : loin de freiner ce risque de domination d’une seule langue sur toutes les autres, en recherchant des alternatives viables à la généralisation de l’anglais, elles ont trop souvent accentué cette tendance, allant jusqu’à publier des documents uniquement en anglais et même à proposer un nombre considérable d’offres d’emploi réservées aux locuteurs de langue maternelle anglaise - bafouant ainsi notamment l’article 21-1 de la Charte des droits fondamentaux interdisant toute discrimination fondée sur la langue.

Une telle situation est non seulement antinomique avec les fondements de l’Union, mais égalemet discriminatoire envers les citoyens de langue maternelle autre que l’anglais (soit 85% de la population). Une étude économique - le rapport Grin - a ainsi montré que cette situation crée une distorsion de concurrence en faveur des pays de langue anglaise évaluée à plus de 18 milliards d’euros par année. Elle offre également aux entreprises anglophones étrangères à l’Union un avantage compétitif déterminant sur les propres entreprises de l’Union.

Surtout, il convient de ne pas négliger les effets cognitifs et culturels : de nombreuses recherches en linguistique (de grands noms comme F. Saussure, Pierre Bourdieu, Claude Lévi-Strauss, A. Culioli, entre autres) ont montré qu’une langue n’est pas seulement un support de communication, mais qu’elle agit comme structurant de la pensée et porte en elle-même une représentation du monde. Détrie et al. (2001) rappellent ainsi que « la "réalité" est, dans une grande mesure, inconsciemment construite à partir des habitudes langagières du groupe. Deux langues ne sont jamais suffisamment semblables pour être considérées comme représentant la même réalité sociale. Les mondes où vivent des sociétés différentes sont des mondes distincts, pas simplement le même monde avec d’autres étiquettes. »

La défense de la diversité linguistique n’a donc pas simplement un intérêt économique, mais est surtout un impératif culturel pour la préservation de l’identité culturelle de 17 citoyens de l’Union sur 18.

L’Europe doit faire sien le combat pour la diversité linguistique

En conséquence, il est plus que jamais nécessaire de réaffirmer la défense de l’égalité linguistique des citoyens de l’Union. Cela passe d’abord par le respect de la plus stricte égalité linguistique dans la communication des institutions de l’Union envers les citoyens : il est inadmissible que l’Europe s’adresse à ses citoyens dans une langue qui est étrangère à une large majorité d’entre eux. Il est également souhaitable que des actions favorisant un multilinguisme équitable dans leur fonctionnement interne soient entreprises, par exemple le choix d’autres langues que l’anglais comme langues de travail dans certaines commissions parlementaires. Enfin, l’Union devrait prendre à son compte la défense accrue de la diversité culturelle dans le monde, en protégeant les États membres contre l’hégémonie linguistique et en promouvant une approche multilinguiste au plan mondial.

Mais au-delà de ces actions de base, il est nécessaire de prendre en compte sur le long terme la réalité linguistique et de rechercher des solutions de fond aux problèmes évoqués ci-dessus.

Pour cela, il est indispensable que l’Union européenne finance des études sérieuses et approfondies sur les politiques linguistiques possibles pour l’Europe, leurs coûts et leurs impacts sur la préservation des identités culturelles, et sur l’accès pour chaque citoyen à la diversité linguistique et à la communication internationale.

C’est la seule façon de garantir un respect maximum de l’identité culturelle de chaque citoyen sans sacrifier à l’efficacité nécessaire pour agir ensemble.

Une union démocratique telle que le projet européen la porte, cela ne peut être viable que dans le respect de l’identité de tous ses citoyens.

Illustration : logo des 50 ans de l’Union européenne présentée par la Commission européenne.

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Vos commentaires
  • Le 11 juin 2007 à 17:01, par ? En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    L’espéranto pour une langue véhiculaire neutre ! Pour un partage culturel sans domination culturelle !

  • Le 12 juin 2007 à 03:57, par Une Citoyenne du Monde européenne, francophone et espérantophone En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    Compliments pour cet article qui présente clairement la situation linguistique de l’Union Européenne.

    L’hégémonie de la langue anglaise est en effet un grave danger pour notre identité européenne. Il serait intéressant de développer la notion de « droits linguistiques ».

    Quelles mesures concrètes proposeriez-vous pour rétablir une communication équitable en Europe ?

    Le plurilinguisme prôné par les institutions, chaque citoyen apprenant deux ou trois langues étrangères, n’est guère plus équitable que le « tout anglais », car en pratique, ce seraient toujours les mêmes langues de grande diffusion (anglais, allemand, français, espagnol), qui seraient utilisées, au détriment de toutes les autres. Quand au multilinguisme intégral, chacun apprenant toutes les autres langues de l’Union, il est parfaitement utopique.

    Ne pensez-vous pas que l’adoption d’une langue auxilliaire internationale neutre, telle que l’espéranto, permettrait de rééquilibrer le droit de communiquer, des citoyens européens (que ce soit entre eux ou avec les institutions) ?

    Le problème de la multiplicité des langues officielles se complique à chaque élargissement de l’UE. Il me semble que l’usage d’une langue internationale neutre résoudrait durablement cette question épineuse, quel que soit le nombre de langues en présence, tout en redonnant de l’importance à chacune des langues, aujourd’hui écrasées par l’anglais.

  • Le 12 juin 2007 à 07:50, par Karim-Pierre Maalej En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    L’esperanto pourrait effectivement constituer une réponse à la problématique de la langue de travail. Il ne saurait toutefois constituer la langue de communication de l’Union envers ses citoyens : comme souligné dans l’article, il faut que l’Europe s’adresse aux européens dans leurs langues.

    Quoi qu’il en soit, l’important est d’abord de faire prendre conscience de l’intérêt de traiter sérieusement la question linguistique. Elle est centrale pour la construction européenne. Pour avoir trop négligé l’importance identitaire des liens avec la langue, la Belgique est aujourd’hui menacé d’effondrement. Le gouvernement avait cru qu’en s’adressant à tous les Belges en français il permettrait l’unification définitive du pays : c’est l’exact contraire qui s’est produit. Tiens, j’aurais pu ajouter cet exemple dans mon article.

  • Le 12 juin 2007 à 08:03, par Karim-Pierre Maalej En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    L’espéranto, ou tout autre langue artificielle (je préfère personnellement, et de loin, l’interlingua) présentent un certain nombre d’avantages. Ils présentent aussi bon nombre d’inconvénients, à commencer par une base de locuteurs réduite aux passionnés et à la réticence d’apprendre une langue que personne ne parle.

    Pour autant, vous soulignez correctement les inconvénients des solutions que vous exposez comme des alternatives.

    Je crois qu’il y en a d’autres. L’une des plus intéressantes est l’intercompréhension passive, qui avait été présentée lors d’une conférence organisée en décembre dernier par les Jeunes Européens Universités de Paris. Elle consiste à développer chez chacun de nous la capacité de comprendre une famille de langues que nous ne sommes pas pour autant en mesure de parler. Ainsi, chacun pourrait s’exprimer dans sa propre langue tout en étant compris par les autres.

    On peut aussi songer aux solutions de traduction automatique simultanée. En y mettant les moyens financiers, l’Europe pourrait donner un coup de fouet à la recherche dans ce domaine et aboutr à des pas de géant en linguistique appliquée. Et, par un effet corollaire intéressant, se placer en tête de la compétition internationale dans ce domaine, actuellement dominée par les Américains et les Japonais.

    Il y a certainement encore d’autres solutions possibles, notamment celles qui consistent en un astucieux panachage de diverses techniques. Il faut que l’Europe finance des études sérieuses, crédibles et approfondies en la matière pour avoir toutes les cartes en main.

  • Le 12 juin 2007 à 09:20, par ? En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    On ne fera pas l’Europe sans les européens ... Je n’invente rien, c’est déjà le titre d’un article publié sur ce site. Malheureusement les anglocrates de Bruxelles ont décidé de se passer des européens et traitent tous les non anglophones comme des citoyens de seconde zone. Je suis fort pessimiste sur l’avenir de l’Europe. Je ne vois pas comment, on pourrait changer cela et éviter l’éclatement de cette angloeurope. Il faut vraiment être aveugle pour ne pas se rendre compte que l’Europe actuelle est un géant aux pieds d’argiles comme l’était l’URSS à son époque. Dès qu’ils le peuvent, les peuples dominés que ce soit les pays satellites de l’URSS ou les peuples non anglophones de l’angloeurope finissent toujours pas se révolter et reprendre leur avenir en main. Vive la liberté des peuples d’Europe !

  • Le 12 juin 2007 à 10:01, par skirlet En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    Bravo à Karim-Pierre Maalej et au Taurillon qui a fait encore une fois mieux que les « grands » médias nationaux. Le problème linguistique de l’UE, le problème de la communication, on en parle peu, et pourtant il s’agit de nos identités et de toutes les cultures de l’Union. La Commission devrait nous rendre les comptes pour son laxisme, voire l’encouragement de l’utilisation presque exclusive de l’anglais, et des réelles solutions pour remédier à cet état de choses, hautement injuste et contraire aux accords signés, doivent être proposées au plus vite.

  • Le 12 juin 2007 à 13:10, par ? En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    L’espéranto pour une langue véhiculaire neutre !

    Je ne veux pas être neutre quand je m’exprime, je veux m’exprimer !

    Comme expliqué dans l’article, unlangue est aussi un véhicule culturel. Utiliser l’esperanto reviendrait donc à vider un discours de sa substance car les mots ne suffisent pas à exprimer une idée. Plus que vers le discours c’est vers la compréhension qu’il faut chercher la solution. Parler sa langue maternelle mais comprendre celle des autres grâce à des langue pivots (par ex. je suis francais, j’ai appris le portugais, et grace à cela, je comprends l’espagnol et l’italien et je peux lire le roumain), on pourra considérablement élargir le débat démocratique européen. C’est d’ailleurs la solution retenue par de nombreux spécialistes de la question.

    Solution aussi envisagée par la Commission qui oblige à ses fonctionnaires de maitriser un nombre croissant de langue choisies stratégiquements.

  • Le 12 juin 2007 à 14:48, par ? En réponse à : Diversité linguistique et diversité des solutions

    Face au danger de l’anglo-américain langue unique et aux risques d’éclatement et/ou de colonisation de l’Europe par les USA que cela risque d’entrainer, l’avenir de l’Europe passe par le respect des langues et des cultures de tous les européens.

    Certes il n’y a pas de solution miracle, mais il existe DES solutions, à commencer par la prime au plurilinguisme. Par exemple pour l’enseignement des langues à l’école il ne faut plus plus enseigner une LV1 (de fait l’anglais), puis une LV2, puis une LV3, et noter sur le niveau atteint dans la LV1 avec des points plus ou moins optionnels en LV2/3.

    Il faut enseigner plusieurs langues vivantes, et noter l’épreuve de langue vivante au Bac, en fonction du nombre de langues dans lesquelles l’élève obtient le niveau de base (A2 par exemple). Ainsi un élève ayant le niveau A2 ou plus aurait par exemple 4 pts (2 pts pour le niveau A1), sans point supplémentaire pour les niveaux supérieurs à A2. Ainsi un élève ayant le niveau A2 dans cinq langues vivantes aurait 20/20. Cela inciterait à la vraie diversité linguistique et ouvrirait le chemin à l’intercompréhension passive où chacun parle sa langue et comprend la langue des autres. Certes, l’intercompréhension passive ne résoudrait pas tout. L’espéranto pourrait faire partie des solutions, lorsque l’intercompréhension passive ne suffit pas. Il suffirait que l’espéranto fasse partie des langues enseignées. Mais il faut absolument éviter que l’espéranto devienne LV1 car cela serait trop réducteur. L’espéranto peut apporter un plus, si par exemple il fait partie d’un lot de cinq langues dans lesquelles les élèves doivent obtenir un niveau de base. Ensuite à chacun de perfectionner la ou les langues dans lesquels il a des besoins plus poussés.

    Idem pour postuler dans des emplois européens. Il faut cesser d’exiger un bon niveau en anglais. Il faut demander un niveau de base dans au moins cinq langues afin de faciliter au maximum l’intercompréhension passive. Dans n’importe quelle réunion de travail des institutions européennes, chacun doit pouvoir s’exprimer dans sa langue. Avec l’intercompréhension passive et l’adjonction de l’espéranto dans le paquet de langues, les problèmes de traduction seraient grandement facilités, et le plurilinguisme serait possible sans coût supplémentaire.

    Le respect de la diversité culturelle et linguistique est d’abord une question de volonté et d’ouverture à la DIVERSITE DES SOLUTIONS.

  • Le 12 juin 2007 à 16:51, par krokodilo En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    Bravo au Taurillon et à Karim-Pierre Maalej pour aborder un sujet totalement boycotté par les journaux et télés nationaux.

    Vous concluez en appelant l’UE à financer des études, mais comme vous le rappelez, on a déjà le rapport Grin en France. Et quand les études sont gênantes, elles sont mises au placard. Le rapport sénatorial Legendre avait mis en garde contre la réforme dite de l’initiation « aux » langues à l’école primaire et le risque de tunnel vers l’anglais. Résultat ? Plus de 80% des élèves sont initiés à l’anglais, sans aucun choix des parents (sauf exception comme en Alsace ou parfois une langue régionale). C’est bien connu, quand on veut enterrer un problème on créé une commission, ou on commande un rapport. Donc des études oui, mais sérieuses, avec une vraie volonté de débattre du problème.

    Je ne partage pas votre espoir sur la traduction automatique. Cela fait des décennies qu’on nous promet des progrès majeurs, mais les programmeurs butent sur d’énormes difficultés sémantiques avec les idiomes et autres finesses de la vraie traduction, aussi miser là-dessus c’est encore favoriser l’anglais. Pour l’intercompréhension passive, j’aimerais bien qu’on fasse passer des tests aux soi-disant experts qui voient l’avenir dans cette théorie, car ce n’est que ça : une théorie ! Comprennent-ils une conversation en portugais, en espagnol, en italien à vitesse courante entre natifs ? S’il ne s’agit que de vaguement se faire comprendre en agitant les mains et en parlant par mots clés, c’est déjà ce qu’on essaie de faire, jadis on appelait ça baragouiner. Je préfère parler d’intermalentendu passif !

    Vu récemment, un entretien de Leonard Orban, commissaire au plurilinguisme, sur un site espagnol : « La presencia masiva del inglés en la mayoría de los documentos oficiales ("más del 70 por ciento en total") no preocupa al comisario de origen rumano, ya que se trata simplemente "de un procedimiento habitual", y aprovechó para recordar que no siempre será posible la traducción "por motivos de eficiencia".(…) Orban también se mostró contrario al doblaje en las películas. "Deberían ser subtituladas, no sólo para fomentar el aprendizaje de idiomas, sino los valores artísticos de la propia cinta", concluyó. » http://noticias.hispavista.com/cultura/20070608140004/

    Si j’ai bien compris, il veut supprimer le doublage des films, mais par contre que 70% des documents restent en anglais, il trouve ça normal ! Il ne faut pas se faire d’illusion sur la commission européenne : ils roulent pour l’anglais. Erasmus mundus favorise l’hégémonie de l’anglais en science, car 80% des programmes éligibles sont en anglais ! Donc des programmes universitaires anglophones en France subventionnés indirectement par nous-même. Et French 24, est une chaîne d’infos en anglais payée par les français. Ouvrons les yeux.

  • Le 12 juin 2007 à 21:47, par skirlet En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    Personnellement, l’intercompréhension passive ne me convainc pas. Ce n’est qu’une étape dans l’enseignement d’une langue, avant l’expression. Et pour y arriver, il faut beaucoup de temps... déjà les bacheliers ne comprennent pas bien le discours en anglais après avoir consacré plusieurs années à l’étude de la langue, alors espérer que ce niveau pourrait être rapidement acquis pour plusieurs langues simultanément... Je rappelle que les travaux sur l’intercompréhension passive durent déjà depuis 15 ans, et pour l’instant aucune méthode n’a été créée (et j’ai cherché !). De plus, ayant pratiqué une intercompréhension passive dans mon pays d’origine, je peux dire que l’efficacité est limitée. Au niveau basique elle peut rendre de menus services (il vaut mieux qu’un Français et un Italien essaient de se comprendre, même très mal, en utilisant leurs langues respectives que l’anglais), mais pas plus.

    Quant à la traduction automatique, on l’aura le jour où on arrivera à créer l’intelligence artificielle, pas avant. Pourquoi pas après tout, mais il ne faut pas rester passifs en se disant « d’ici là, utilisons l’anglais » :-)

    L’interlingua, hélas, favorise uniquement les latins, et n’oublions pas que l’Europe n’est pas exclusivement latine.

    Je suis parfaitement d’accord que les institutions doivent communiquer avec les citoyens dans leurs propres langues, et je trouve les propos du commissaire européen Orban très choquantes - il trouve normal que la plupart des documents sont en anglais et ne promet même pas à remédier à cet état des choses ! Autant dire que le multilinguisme dont parle la Commission n’est que de la poudre aux yeux.

    Par contre, un citoyen ordinaire ne peut pas payer une flopée de traducteurs, il lui faut un moyen pour communiquer avec les autres. Tant que les citoyens ne communiquent pas, il n’y aura pas d’Europe. Et là l’espéranto peut rendre de nombreux services. Non, il ne faut pas que ce soit LV1, ce n’est d’ailleurs pas nécessaire - en un an ou deux, le niveau est suffisant et un élève pourra passer à l’apprentissage des langues « naturelles », bien plus longues à apprendre... Mais il disposera de bonnes bases (voir effet propédeutique de l’espéranto). Il va sans dire qu’il faut élargir l’offre linguistique dans les établissements scolaires qui est actuellement très pauvre. Et surtout - dans chaque pays la langue du pays doit suffire dans tous les domaines, aucun ne doit pas être l’apanage d’une langue étrangère.

    « Quoi qu’il en soit, l’important est d’abord de faire prendre conscience de l’intérêt de traiter sérieusement la question linguistique. Elle est centrale pour la construction européenne. »

    Tout montre que les institutions comptent construire l’Europe autour de l’identité britannique, et il est facile de prévoir l’éclatement de l’Europe, si la tendence s’accentue. L’exemple de la Belgique est très intéressant.

    « Je ne veux pas être neutre quand je m’exprime, je veux m’exprimer ! »

    L’espéranto est neutre politiquement, il permet une communication équitable, mais il sait exprimer toutes les nuances de pensée et des sentiments, calmes ou violents, aucun problème de ce côté-là :-)

    « Utiliser l’esperanto reviendrait donc à vider un discours de sa substance car les mots ne suffisent pas à exprimer une idée. » Et avec quoi exprimez-vous vos idées ? Un complément de gestes, signes de fumée et danses rituelles peut être utilisé, mais avec les mots c’est plus efficace, vu que la télépathie, solutions certes séduisante, n’est pas encore au point :-)

    « par ex. je suis francais, j’ai appris le portugais, et grace à cela, je comprends l’espagnol et l’italien et je peux lire le roumain »

    Et avec les non-latins, comment allez-vous faire ? Dans une réunion avec les représentants des 27 pays, comment proposez-vous communiquer (comme l’a montré une panne du système de traduction, les participants se sont tournés vers l’anglais... hélas et hélas).

    « C’est d’ailleurs la solution retenue par de nombreux spécialistes de la question. »

    Peut-on avoir des précisions, svp ?

    « Solution aussi envisagée par la Commission qui oblige à ses fonctionnaires de maîtriser un nombre croissant de langue choisies stratégiquement. »

    Stratégiquement - c’est comment ? Par ailleurs, je pense que les fonctionnaires doivent être choisis non selon le nombre de langues maîtrisées (ce ne sont pas des linguistes ou des traducteurs) mais selon leurs compétences professionnelles.

  • Le 13 juin 2007 à 00:27, par Jérémie En réponse à : Benda : « (...) devront adopter une langue commune qui se superpose à leurs langues nationales (...) »

    Si l’on veut construire une Europe politique poussée, il faudra plus qu’une vague intercompréhension passive entre les citoyens si tant est que ceux-ci aient appris les bonnes langues !

    Julien Benda disait déjà en 1933 : « Les habitants de l’Europe devront, s’ils veulent s’unir, adopter une langue commune, qui se superpose à leurs langues nationales, comme, dans chacune de leurs nations, la langue nationale s’est superposée aux parlers locaux... »

    Si la langue commune en question est l’anglais (et elle l’est « de facto » dans bien des cas), alors on construira une Europe anglaise (et américaine) ; si c’est le français, une Europe française, etc. C’est pourquoi, en toute logique et parce que nous voulons une Union européenne, il faut une langue européenne. Et il serait temps de rélféchir sérieusement à l’Espéranto, notamment.

    Quand il a fallu une monnaie unique pour l’Europe, nous n’avons pas choisi le dollar, alors que c’était bien la monnaie internationale de référence, mais nous nous sommes dotés d’une monnaie pleinement européenne, notre monnaie. Pour la langue commune (qui ne supprime donc évidemment pas les langues nationales, à l’inverse de la monnaie !), le raisonnement est le même, mais visiblement peu de gens ont le courage de le faire.

  • Le 13 juin 2007 à 00:33, par Emmanuel Vallens En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    Il me semble que le nombre de langues maîtrisées fait partie intégrante des compétences professionnelles des fonctionnaires européens. Comment croire que l’on puisse être un bon fonctionnaire européen, travaillant dans l’intérêt de toute l’Europe, si on ne maîtrise qu’une ou deux langues, et qu’on est donc incapable d’être pleinement ouvert aux cultures, modes de pensée, traditions, sensibilités de plusieurs nations ?

    Donc, oui, parler de nombreuses langues est un avantage et un critère de sélection des fonctionnaires.

    Les concours européens du grade administrateur n’exigent d’un point de vue juridique la maîtrise que de deux langues, langue maternelle comprise. Mais une fois le stade du concours passé, les fiches de poste des emplois ouverts précisent de manière quasi systématique « langue de travail de l’unité : français et anglais », « bonne maîtrise du français et de l’anglais souhaitée », « la maîtrise de l’allemand ou d’une langue d’un des nouveaux Etats membres est un avantage » etc.

    Par ailleurs, la progression indiciaire dans la fonction publique communautaire ainsi que le passage à un grade supérieur dépend du nombre de langues pratiquées et du niveau linguisitique atteint dans chacune.

  • Le 13 juin 2007 à 00:43, par Emmanuel Vallens En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    Mettrai-je les pieds dans le plats en estimant que l’attribution des financements européens aux organisations de la société civile eurpopéenne comme les Jeunes Européens, l’UEF ou la JEF-Europe devrait dépendre du degré de multilinguisme de ces organisations ?

    Par exemple, pas de subvention de fonctionnement pour une OING qui prétend avoir une action pan-européenne mais ne dispose que d’un site en anglais et pratique le monolinguisme en son sein. Pas de subvention pour un projet transnational dont les événements (site internet, programmes, langue de travail des conférences et séminaires, outils promotionnels) seraient en une seule langue, et montant de la subvention proportionné au nombre de langues utilisées.

    Ah, c’est sûr, ça motiverait ! Et en plus, ça simplifierait la procédure de sélection des demandes de subventions, en écumant pas mal... Evidemment, j’imagine mal la JEF soutenir une telle idée et donner les verges pour se faire battre...

  • Le 13 juin 2007 à 04:08, par valéry En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    Ce serait une atteinte grave à la liberté d’association... Si un grand nombre d’ONG choisissent au niveau international une langue de travail commune c’est bien parce que la plupart des membres préfèrent consacrer leurs efforts au travail de l’organisation plutôt qu’à des traductions.

    C’est grâce à quelques bénévoles que l’on ne remerciera jamais assez que certains articles sont traduits dans plusieurs langues sur ce site. C’est envisageable car l’on accepte ici l’idée que les éditions linguistiques du site sont différentes (avec donc un rédacteur en chef par langue).

    Une telle solution est inenvisageable sur le site d’une organisation qu’il faudrait traduire intégralement - y compris les mises à jour - pour offrir la même information à tous. En ce qui concerne nos organisations on renvoie simplement vers les sites des sections nationales mais il y a du progrès à faire - notamment en utilisant par exemple les fils RSS pour partager des informations entre les différents sites.

    Café Babel qui a choisit de publier une seule édition simultanément en plusieurs langues le fait au prix d’un manque de souplesse et de réactivité face à l’actualité. Ici, on publie un papier dès qu’il est prêt, la traduction pouvant attendre quelques jours ou semaines voire ne jamais être réalisée.

    Le multilinguisme sur les sites webs pose de nouveaux problèmes. Les solutions généralement retenue consistent :

     1- à proposer une page de pré-accueil avec le choix de la langue (c’est lourd) ;
     2- à proposer une langue par défaut et des liens pour les autres langues (c’est donc en anglais)
     3- à utiliser des moyens techniques compliqués pour orienter l’utilisateur vers la bonne version en fonction de la langue de son navigateur quitte à lui permettre de se réorienter ensuite (on n tombe pas toujours juste)
     4- rare : on mélange les langues (comme sur la page d’accueil international du Taurillon : ça passait en deux-trois langues, ça commence à devenir lourd avec quatre langues).

    Je réfléchis à un mix des 3 et 4 (on est orienté vers une page avec les news dans la langue du navigateur de l’internaute mais on affiche les nouveautés des autres éditions linguistiques dans une deuxième colonne). Pour l’instant ça dépasse mes compétences techniques.

    En toute hypothèse on aboutit à un cloisonnement des commentaires : le débat peut être vif en français (langue la plus pratiquée par nos visiteurs), sans qu’il soit répercuté ni même visible de ceux qui consultent l’édition d’origine de l’article. Sans compter que l’auteur de celui-ci peut ne parler aucune des langues du site (ce qui fait que j’ai dû désactiver la notification des commentaires aux auteurs).

  • Le 13 juin 2007 à 16:53, par Wàng En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    Un grand merci pour cet article ! La lutte contre l’anglomanie ambiante me tient beaucoup à coeur ! ;-)

    Wàng

  • Le 13 juin 2007 à 23:22, par ? En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    L’espéranto n’a pas du tout pour vocation à être un substitut à l’apprentissage des autres langues. Même si l’Europe établissait l’espéranto comme langue véhiculaire, il faudrait qu’elle continue sa politique de multilinguisme, avec notamment l’obligation de l’apprentissage de deux langues européennes en secondaire. Je rappelle qu’à ce propos, l’espéranto a une valeur propédeutique maintes fois constatées par des études, qui permet d’apprendre plus vite les autres langues. En plus, dans cette hypotèse (où l’on apprendrait l’espéranto sans aucune douleur à l’école primaire), chacun pourrait choisir en secondaire deux langues culturelles sans l’obligation de prendre l’anglais. Quelqu’un parlait plus haut de la Belgique, c’est un bon exemple d’un multilinguisme raté. Les wallons préfèrent apprendre l’anglais que le flamand en deuxième langue, malgré la nécessité d’un dialogue et d’un échange entre flamands et wallons afin de conserver l’identité du pays. Tant que l’anglais sera la langue véhiculaire (et il en faut une ! le plurilinguisme ne peut pas répondre à la demande d’une langue de travail, de voyage, d’échange), on écopera des injustices de l’impérialisme linguistique évoqués dans l’article, mais aussi l’apprentissage des autres langues en sera freinée, en dépit de facteurs géographiques et culturels comme la proximité de pays.

  • Le 14 juin 2007 à 01:15, par skirlet En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    Je suis plutôt d’accord avec « un eurocrate en puissance qui n’a rien d’anglocrate »... Il ne s’agit pas d’interdir la création des associtations ni de leur imposer les langues d’utilisation ; par contre, pourquoi financer les projets ou les associations qui ne font pas un effort d’avoir plusieurs versions linguistiques ?

    (En plus, même sur le site de la Commission il y a des sections entières exclusivement en anglais, c’est vraiment n’importe quoi).

  • Le 19 juin 2007 à 17:10, par KPM En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    La différence entre le Taurillon et la JEF, c’est que le Taurillon n’écrit pas qu’en anglais...

    Tu soulignes à juste titre la rigidité causée par la politique de multilinguisme intégral de Café Babel. Toutefois, le Taurillon parvient sans aucun problème à assurer un pluralisme linguistique qui fonctionne très bien, sans s’imposer de tout traduire en toutes les langues : simplement, chacun écrit en sa langue et on traduit, en fonction des moyens, ce qu’on estime pertinent de traduire.

    J’ajouterai en outre que le site de la JEF n’a pas particulièrement besoin d’être réactif puisqu’l présente des textes institutionnels et des positions décidées longtemps à l’avance. Rares sont les pages qui sont mises en ligne en urgence, sans préméditation. Ce que Café Babel peut, pourquoi la JEF ne le pourrait-il pas ? En réalité, c’est une simple question de (mauvaise) volonté.

    Le délai incroyable pour traduire le site de la campagne sur le référendum pan-européen en témoigne : il s’agit d’une campagne prévue de longue date, avec très peu de texte à traduire et de nombreux volontaires pour le faire. Nous avions donc les moyens d’assurer très facilement un plurilinguisme dans au moins quatre ou cinq langues, et pourtant il n’y avait rien d’autre en ligne que de l’anglais le jour du lancement de la campagne. Rien n’explique cette négligence, sinon peut-être un certain mépris pour la diversité linguistique, reléguée au rang de folklore ou d’intérêt mineur. Il est regrettable que la question ne soit pas prise au sérieux par la JEF.

  • Le 19 juin 2007 à 17:15, par KPM En réponse à : Diversité linguistique et diversité des solutions

    Je trouve cette réflexion très intéressante. Oui, les solutions favorisant l’apprentissage d’un grand nombre de langues devraient être particulièrement privilégiées.

  • Le 8 août 2007 à 17:53, par Esperantulo En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    Article très intéressant concernant le probleme de la communication dans l’UE.

    Le probleme majeur de l’anglais à tout bout de champ comme langue internationale que se soit personnel, en communication de recherche ou économique.

    Et le probleme du multilinguisme irrésolvable avec plus de 20 langues en europe. Oui c’est bien de faire la promotion des langues en en apprenant 2, mais comment choisir ; deux cas se presentent alors.

    Soit on dit que toutes les langues se valent et alors la possibilité de combinaisons possible entre interlocuteurs est énorme, comment un francais parlant angalis et espagnol va faire pour parler avec un italien parlant allemant et grec ?, pour la réponse on reste la tête dans le sable.

    Soit on valorise plus certaines langues que d’autres donc le principe d’égalité disparait et donc le fondement même de l’europe avec, dans ce cas quelles langues choisir ? personne ne serat d’accord et on se retrouverat avec une europe à deux vitesse celle de ceux qui auront peut d’éffort à fournir et les autres qui devrons bosser encore plus pour arriver au même niveau. ha mais j’oubliais on est déjà dans ce cas et on en voit les résultats, avec une accentuation vers une seule langue malgré les efford pour faire du multulinguisme.

    Mais il existe une autre solution le quadrilinguisme apprendre l’espéranto comme moyen de communication interpays et apprendre deux autres langues sans préférence et donc garantir l’égalité des langues. mais on pourrait se dire que cela va faire de trop à nos banbins 4 langues et bien nom car l’avantage de l’esperanto est qu’il permet d’amméliorer l’apprentissage des langues qui le suivent, par exemple 1 an d’eo plus un an d’anglais est égale à 2 ans d’anglais seules. qui plus est plus on avance dans l’étude de l’eo et plus la capacité de pratique dans la langue est exponentielle contrairement à l’anglais ou il existe des périodes de stagnations ou de ralentissements. donc l’eo est plus que rentable, il est economisant.

    mais bon tant que nos eurodéputés ne sortirons pas de leur tour d’ivoire, nous ne pourrons pas faire avance grand chose sur ce theme là qui est un des fondements importants de l’europe pourtant

  • Le 24 septembre 2007 à 10:36, par David Latapie En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    « la langue n’est pas seulement un support de communication, mais qu’elle agit comme structurant de la pensée et porte en elle-même une représentation du monde. Détrie et al. (2001) »

    Laurent Lafforgue (Médaille Fields — Nobel de mathématiques — 2002) ne disait pas autre chose quand il suggérait que l’importance de la France dans les mathématiques pouvait au moins pour partie ’expliquer par le fait que cette discipline est l’une des rares ou le français est une langue de tout premier plan (source : Bloc-notes de Didier Nordon dans « Pour la science »).

  • Le 24 septembre 2007 à 13:44, par David Latapie En réponse à : L’Europe face au défi linguistique

    Lire aussi sur letemps.ch, « La langue et la pensée ». Le journal « s’interroge sur l’obligation faite aux chercheurs de penser en anglais en Europe et de la disparition de 3 500 langues dans le monde d’ici à la fin du siècle. » (source : Le Monde)

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