Le monopole des courants « modérés » sur la cause européenne
Le malheur de la cause européenne en France est d’être – c’est bien connu – méprisée par le « peuple », comparée à un projet élitiste et technocratique, accusée de ne pas tenir compte des opinions et attentes de la population française…
Des changements institutionnels allant dans le sens d’une « démocratisation » de l’Europe, comme l’élection au suffrage universel du président du Conseil de l’UE, amenuiseraient sans doute l’hostilité des Français à l’égard de l’idée de fédéralisme européen. Une autre manière pour cette idée de gagner radicalement en popularité serait, tout simplement, d’être associée à des principes, des valeurs, des projets politiques dans lesquels une majorité des Français se reconnaissent.
Il est intéressant de noter que, dans le milieu partisan, les expressions les plus profondément pro-européennes émanent essentiellement de mouvances politiques parmi les moins appréciées au sein de l’électorat. Grosso modo, les mouvances politiques les plus europhiles se situent autour du centre de l’échiquier politique et proposent un corpus idéologique libéral, progressiste, « humaniste ». À l’UMP, il s’agit de l’aile gauche du parti s’incarnant dans des personnalités comme NKM ou Alain Juppé ; à gauche, de la social-démocratie modérée que représente Michel Rocard ou Pierre Moscovici. Par ailleurs, l’Europe est au cœur du projet politique du parti de centre-droit de Jean-Louis Borloo UDI. Les écologistes, bien ancrés à gauche tout en étant très favorables à l’intégration européenne, forment il est vrai une exception à cette combinaison centrisme/engouement pour l’UE.
Les idées portées par ce vaste ensemble modéré, qui va du centre-gauche au centre-droit et dans lequel se concentrent les hommes et femmes politiques pro-européens, au vu des sondages de ces dernières années, ne semblent guère faire l’unanimité en France que sur les bancs de SciencesPo…
La tendance « conservatrice » de l’opinion publique française... et européenne
A droite, cette frange centriste, libérale et progressiste s’est vue balayée par les adhérents UMP lors du vote de ceux-ci, en novembre dernier, sur les motions devant déterminer la ligne idéologique du parti. La motion de NKM, « la Boîte a idée », qui se voulait l’antithèse de celle de « la Droite forte » très « droitière », a fini dernière, sa rivale première. Ainsi, la droite « décomplexée » sur les questions d’immigration, de sécurité et d’ordre est aujourd’hui sans ambiguïté celle que réclame la base de l’ancienne majorité présidentielle. À gauche, si le phénomène est moins net, une fragilisation de l’aile modérée peut également être observée. Le vote sur les motions du PS a vu arriver en seconde place – après la motion d’Harlem Désir officiellement soutenue par la quasi-totalité des ténors du parti – celle menée par Emmanuel Maurel, soit la plus à gauche.
Aux élections présidentielles françaises de 2012, les candidats « antisystème » ont atteint des scores considérables : Marine Le Pen, chantre des frontières nationales et contemptrice de la mondialisation, 17,90% des voies ; Jean-Luc Mélenchon, croisé anti-austérité favorable au protectionnisme, 11,10% (en comparaison, Marie-George Buffet avait obtenu 1,93% en 2007).
La « droitisation » de l’UMP, la popularité croissante de l’aile gauche du PS, le succès des candidats « extrêmes » aux présidentielles : tout cela semble témoigner d’une même inquiétude des Français à l’égard de la mondialisation – économique, financière, humaine –, d’une même exigence de frontières, d’un même besoin de protection de la part de la puissance étatique. Une forme de conservatisme récente et transpartisane.
Une kyrielle de sondages a confirmé, régulièrement, cette poussée « conservatrice » : Selon un sondage Ifop de 2011, commenté dans le Huffington Post, « les Français rejettent largement le libre-échange total, l’ouverture totale des frontières, et soutiennent massivement des protections aux frontières » : entre 57% et 84% des Français (selon les sujets : emploi, niveau des salaires, prix, déficit public...) verraient des conséquences négatives dans l’ouverture importante des frontières en France et en Europe ; 65% voudraient augmenter les taxes sur les produits importés de pays à bas coûts.
La même année, 54% des Français, selon un sondage mené par l’Ipsos, considéraient que l’immigration « produit des effets négatifs » sur leur pays, contre 14% seulement « des effets positifs » ; en 2011 toujours, une enquête réalisée par TNS Sofres montrait que 50% des Français voyaient dans la mondialisation une menace, et seulement 40% une opportunité ; au début de 2013, enfin, un sondage a rappelé la tendance générale au « repli » des Français sur des questions comme l’immigration et ses conséquences d’ordre culturel.
Ce phénomène n’est pas particulier à la population française. Les opinions publiques des autres pays membres de l’UE manifestent une crainte assez similaire vis-à-vis de la mondialisation sous ses diverses formes. Si une présentation exhaustive des opinions publiques de chaque Etat membre n’est ici pas possible, nous pouvons citer les données éloquentes de quelques sondages récents :
- 72% des Belges jugent l’immigration globalement « négative », contre 64% des Britanniques, 56% des Italiens ou encore 54% des Allemands.
- Plus de 60% des Espagnols, Italiens et Allemands souhaiteraient une augmentation des taxes sur les produits importés de pays extra-communautaires comme la Chine ou l’Inde.
- 69% des Allemands, 62% des Britanniques, 61% des Italiens et 60% des Polonais souhaitent voir leur Etat lutter contre les OPA conduites par des entreprises étrangères sur des entreprises nationales.
Popularité du fédéralisme européen ou valeurs centristes : il faut choisir !
La population française (voire l’ensemble des populations européennes) apparait donc, aujourd’hui, très conservatrice sur un certain nombre de sujets concernant la mondialisation et le rôle protecteur de l’Etat à son encontre – des sujets à propos desquels les centristes, c’est-à-dire les principaux pro-européens, prônent une approche d’ouverture, de laissez-faire, de « tolérance ». De sorte que la cause européenne peut sembler d’autant plus repoussante aux yeux d’une grande part des Français qu’elle se trouve jointe à des positions sur le libre-échange ou la libre circulation mondiale des individus qui ne sont pas les leurs.
Quant aux écologistes d’EELV – qui constituent sans doute l’autre force politique pro-intégration européenne majeure dans notre pays – leur soutien à l’entrée de la Turquie dans l’UE [1] les rend encore moins capables de porter un idéal européen de masse que les centristes [2].
L’idée d’Europe fédérale, en d’autres termes, me semble condamnée si elle reste aussi nettement liée à des mouvances politiques allant purement et simplement à contre-courant de l’opinion publique française et des opinions publiques des Etats membres de l’UE. Au contraire, un discours qui dépeindrait une Europe fédérale "protectrice", "forteresse", aux frontières extérieures stables et fermes - sans être, pour autant, une Europe "identitaire" ou d’extrême droite - aurait selon moi toutes les chances d’être apprécié hors des cercles limités d’étudiants de grandes écoles...
Les pro-européens ne peuvent, tout à la fois, s’attrister de la méfiance du peuple français à l’égard de l’ambition fédérale, et perpétuer la confusion entre celle-ci et les valeurs centristes-« humanistes » abhorrées par la majorité des citoyens.
1. Le 21 février 2013 à 08:17, par Valéry En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
Le fédéralisme européen ne présuppose aucune politique particulière dans ces domaines particuliers.
Le décalage perçu entre politiques publiques menées au niveau de l’Union et les attentes d’une partie de l’opinion sont plus dû au fait que les institutions actuelles de l’Union fonctionnent sur un mode diplomatique plus que sur un mode politique. Cette situation, ou gouvernements de droite conservatrice et gouvernements progressistes doivent trouver des consensus, allié au mode de scrutin proportionnel pour l’élection du Parlement européen se combinent pour aboutir à des politiques publiques susceptibles de rassembler une large majorité et donc moins clivantes que celles évoquées dans l’article.
Le fait que les rares partisans du fédéralisme européen soient aussi le plus souvent réticent vis à vis de politiques anti-migratoires ou excessivement protectionnistes me semble à cet égard anecdotique. Ce n’est pas comme s’ils étaient au pouvoir de toute manière.
Ceci dit il me semble qu’en termes de valeurs l’adhésion à l’Union européenne relève d’une vision du monde plus ouverte que celle qui prône le repli sur soi. Les partisans d’une politique xénophobe ne sont pas moins xénophobes quand on parle d’Européens que d’extra-Européens, ils sont seulement plus poli (sauf s’ils sont de l’Est : Roms roumains, plombiers polonais, et naturellement les Lituaniens chers à Mélenchon). Des chercheurs du Cevipof ont construit une échelle du libéralisme culturel qui précisément combine les attitudes sur ces différents sujets comme facteur explicatif du vote.
Mais je serais pour ma part ravi si les réacs nationalistes xénophobes prônaient tout comme quelques-uns des progressistes le fédéralisme européen : ce ci voudraient dire qu’ils ont au moins compris que l’Europe est l’échelle appropriée pour traiter du faux problème qui les préoccupe et que seule une Europe politique peut décider de politiques publiques allant dans leur sens. Hélas ça n’arrivera pas.
2. Le 21 février 2013 à 08:23, par Valéry En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
Ce qui est désolant dans cet article est surtout qu’il semble confondre allègrement les europeistes de l’establishment au pouvoir avec les partisans de l’Europe fédérale à laquelle n’adhèrent pourtant strictement aucune des personnalités cités.
Les réformes radicales de l’Union que nous prônons permettraient à la majorité politique issue des élections européennes d’orienter plus significativement les politiques publiques définies au niveau de l’Union. Il reste ensuite à ce que les tenants de politiques conservatrices remportent seuls les élections ce qui est loin d’être acquis.
3. Le 21 février 2013 à 12:22, par Jordan BEL En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
Vous vouliez surement dire « élection au suffrage universel du président du Conseil européen » plutôt que « le Conseil de l’UE ».
4. Le 21 février 2013 à 12:34, par Stephanell En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
Vous semblez avoir décidé tout seul que la majorité des Francais « voire des Européens » sont contre la mondialisation et contre l’immigration.
Je voudrais juste vous rappeler que « score élevé » ne signifie pas « gagner une élection ».
Nous n’avons pas élu Jean-Marie Le Pen à la présidence, ni sa fille.
Le Front de Gauche n’a jamais gagné une seule élection européenne ni même nationale.
La version buissonniste du président Sarkozy a été écartée par les Francais au profit d’un candidat au charisme relatif issu d’un parti à la popularité très relative.
Et on pourrait rallonger la liste comme cela en passant en revue l’ensemble des pays européens, si vous le souhaitez ?
Le Pen et Mélenchon, c’est 30% des voix. Pourquoi une telle obstination à vouloir satisfaire dans les moindres détails 30% d’électeurs ? Certes, les adhérents UMP sont sur cette ligne, mais les adhérents UMP ne sont pas le peuple. Peut-être qu’ils se gourrent, non ?
Vous dites que les Francais veulent des taxes à l’importation ? Demandez-leur s’ils sont prêts à payer leurs matériel hifi ou leurs vêtement au double du prix actuel ? Vous dites qu’ils veulent l’immigration zéro ? Demandez-leur s’ils veulent occuper eux-mêmes tous ces postes de cuisto, manut, agent de tri des déchets, ouvrier dans la fabrication de parpaings actuellement assurés par des immigrés. En l’occurrence non, il n’y a pas de candidats « bleu blanc rouge » pour ce type de postes.
Oui, il y a une tentation de repli face à la mondialisation, mais ce repli est plein de contradictions, au point que je vois mal comment en faire l’alpha et l’oméga du projet européen. La solution à la demande de repli doit être réfléchie, pas déterminée par la dictature des sondages. Et dans tous les cas, c’est au personnes qui ont été élues de prendre les décisions, pas à celles que vous voudriez voir élues.
5. Le 21 février 2013 à 15:40, par Chloé En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
Je suis extrèmement génée par le titre de cet article qui parle d’Europe « forteresse » - c’est-à-dire une référence à l’immigration et aux politiques migratoires européennes - alors que l’article n’en parle presque pas. L’article est plutôt une analyse de l’opinion publique et de ce que les pro-Européens, selon l’auteur, devrait défendre. Il semblerait intéressant qu’il se présente comme tel dans son titre.
En effet, je trouve que ce titre nuit à l’image d’ouverture de ce webzine par le contenu qu’il suggère.
Par ailleurs, je ne suis pas sûre de demeurer pro-Européenne si les valeurs envisagées par l’auteur deviennent celles défendues pour l’Europe par les partis français.
6. Le 21 février 2013 à 16:18, par Sébastien En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
Je trouve que cet article ne mérite pas du tout la volée de bois vert qu’il reçoit. Je ne suis pas particulièrement favorable à une politique de fermeture des frontières européennes (ni d’ailleurs radicalement défavorable : tout est une question de degré et tout prête à discussion) mais je trouve l’analyse de l’auteur (que, je précise, je ne connais pas du tout) stimulante intellectuellement, et elle incite au questionnement. Si les sondages ne sont pas la voix du peuple, nier les craintes qu’ils font apparaître ne les fera pas disparaître. Et dire que « les français » (c’est toujours très audacieux de vouloir attribuer une opinion ou une pensée à une masse aussi multiple) ont tort de craindre la mondialisation n’empêchera pas cette crainte (je doute un peu, en revanche, qu’elle soit si partagée par nos voisins européens). Les faits sont têtus, et en tout cas imperméables au « wishful thinking ». Il est au moins intéressant de « situer » politiquement les contours et les frontières de l’anti-européisme et du pro-européisme.
7. Le 21 février 2013 à 17:12, par Thomas Eustache En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
– à Valéry : "Ce qui est désolant dans cet article est surtout qu’il semble confondre allègrement les europeistes de l’establishment au pouvoir avec les partisans de l’Europe fédérale à laquelle n’adhèrent pourtant strictement aucune des personnalités cités" : j’ai décrit les personnalités citées comme "pro-européennes", non fédéralistes. Effectivement, j’ai traité des personnalités politiques qui ont une chance de peser politiquement. Le propos était de regretter que l’on ne trouve des personnalités politiques pro-européennes d’envergure qu’au centre.
– à Stephanell : "Vous semblez avoir décidé tout seul que la majorité des Francais « voire des Européens » sont contre la mondialisation et contre l’immigration" : je ne décide rien du tout ! J’ai pourtant présenté des sondages qui témoignent d’une tendance très nette, indépendamment des votes partisans...
– à Chloé : "Je suis extrèmement génée par le titre de cet article qui parle d’Europe « forteresse » - c’est-à-dire une référence à l’immigration et aux politiques migratoires européennes - alors que l’article n’en parle presque pas." : ce terme de forteresse renvoie ici à la fois à la dimension commerciale et migratoire ; je cite trois sondages sur ce dernier sujet et je parle du succès de la "Droite forte" et de Marine Le Pen qui sont évidemment à lier à celui-ci. "En effet, je trouve que ce titre nuit à l’image d’ouverture de ce webzine par le contenu qu’il suggère." : l’idéal d’intégration européenne n’appartient ni au centre, ni à la gauche ; la vocation de ce "webzine" est de donner la parole aux pro-Européens "de tout poil", n’est-ce pas ?
8. Le 21 février 2013 à 20:06, par John-Marco En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
Bonjour à tous,
La problématique de cet article est très intéressante, même si je ne partage pas toutes les conclusions.
Je me sens personnellement fédéraliste, c’est à dire partisan d’un État, d’une République européenne unifiée mais je n’adhère en aucun cas aux dogmes néolibéraux. J’ai d’ailleurs très clairement voté NON en 2005 au projet de Constitution européenne à cause précisément de sa nature économique ultra-libérale. Cela alors que je suis fermement convaincu du fédéralisme européen.
L’élément central, à mon sens, serait la convocation d’une assemblée constituante européenne élue par les peuples européens au suffrage universel direct avec le pouvoir de remettre à plat l’ensemble des traités constitutifs de l’Union européenne. C’est aux peuples européens de décider de leur destin commun, et non à des « technocrates » non-élus.
Maintenant en tant que fédéraliste européen voici ma vision de ce que devrait être l’Europe fédérale, la République européenne :
Au niveau institutionnel une des premières réformes serait de supprimer le Conseil européen, de transformer la Commission en Gouvernement européen dont le Président (devant Président de la République européenne) serait élu par le Parlement européen. Le nombre de ministres (ex-commissaires) ne devant pas être déterminé en fonction du des Etats et de leur nombre, mais en fonction de compétence et du projet politique portée par la majoritée. Le Président doit pourvoir être renversé par le Parlement Européen grâce à une motion de censure constructive (c’est à dire devant obligatoirement mentionner le nom d’un Président alternatif) comme le pratique l’Allemagne aujourd’hui.
Le parlement devrait être monocaméral et élu pour moitié au scrutin de liste proportionnel sur une circonscription européenne unique (permettant un réel débat européen et l’émergence de vraies listes et vrais partis européens), élu pour les 3/8e en fonction de listes nationales et enfin élu pour les 1/8e en fonction de listes régionales.
Le grand chantier européen doit être de niveler vers le haut et non vers le bas comme c’est le cas avec des directives types Bolkestein. Il est nécessaire d’adopter un Salaire minimum européen axé sur le salaire minimum le plus élevé existant dans l’UE. Cela permettant d’établir l’égalité des niveau de vie en Europe en tirant vers le haut. C’est à dire établir le principe de la clause de l’européen le plus socialement favorisé.
Ce serait aussi arrêter avec le principe de concurrence absurde et très idéologique que Bruxelles affiche aujourd’hui comme horizon indépassable. Au contraire il est nécessaire de fusionner l’ensemble des services publics nationaux en un service public européen unique. Plusieurs domaines doivent relever de monopoles publics européens comme l’énergie (notamment à cause des risques écologiques qui peuvent exister), la santé (soins et production de médicaments), l’éducation, les transports de passagers et l’ensemble des banques.
La Constitution devrait garantir en outre des principes comme l’interdiction de l’obsolescence programmée et de la spéculation.
Il serait aussi intéressant de faire usage de l’Espéranto comme d’une langue véhiculaire européenne. Une langue de travail facile à apprendre (quelques mois suffisent, pas d’exceptions) que l’on pourrait enseigner dès la maternelle. Les européens pourraient aisément se comprendre les uns les autres et sur une base égale, ce qui n’est pas le cas avec l’anglais. On pourrait même pratiquer un double affichage langue nationale/Espéranto sur les panneaux indicateurs. Bien sûr en aucun cas l’Espéranto ne devrait avoir vocation à remplacer les langues nationales, tout comme il faut protéger les langues régionales et locales formant toutes des richesses culturelles de l’Europe.
Une Europe unie serait une force face à la mondialisation. Elle pourrait plus facilement mener une politique hors des sentiers libéraux au vu de son poids et de sa puissance, contrairement à des États isolés.
Pour ce qui est de l’immigration celle-ci est due à plusieurs facteurs. On peut citer le pillage du tiers monde par les États du nord, en particulier de l’Afrique, la longue période de colonisation qui a retardé le développement (selon sa voie propre) de ce continent, le maintien d’une dette odieuse et l’appui répété à des régimes dictatoriaux comme une ingérence permanente dans la politique de ces Etats. Les populations en difficultés cherchent naturellement à migrer là où la vie semble plus facile. Ce n’est pas une immigration par adhésion à une autre culture, mais plutôt une immigration inéluctable car perçue comme une question de survie (se nourrir soi, et parfois sa famille restée au pays). L’arrêt des relations de sujétions impérialistes de l’Europe vers l’Afrique, et une politique sociale forte en Europe même permettrait à la fois aux gens désireux de contribuer à l’essor de leur pays de le faire (en Afrique) et de ne plus percevoir les populations immigrées comme une menace économique en Europe (réduisant de même le racisme qui en découle). Avec des conditions économiques favorables, certains « immigrés » feront le choix du retour à la terre des ancêtres par nostalgie, pour retrouver de la famille etc. Cela ne devant en aucun cas être forcé. Le vivre ensemble devant aussi être une valeur centrale de l’Europe...
On peut, comme moi, être parfaitement fédéraliste européen mais être globalement contre les politiques menées actuellement par l’Europe de Bruxelles et les Etats membres.
9. Le 21 février 2013 à 21:06, par Stephanell En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
Bon, dans ce cas, prenons le problème dans l’autre sens :
Vous sous-entendez que l’Europe est une passoire, que les valeurs libérales (« centristes ») déterminent le contenu de ses politiques. Je pense pour ma part qu’elle est déjà une forteresse, et que les valeurs libérales n’ont pas le poids que vous leur prêtez.
Pour ce qui est de l’immigration, l’UE a mis en place un fichage généralisés des ressortissants de pays tiers entrant sur le territoire européen. Toutes les données font l’objet d’un partage systématique. Les Etats érigent des barrières en Grèce, à Ceuta et Melilla, des patrouilles sont organisées en Méditerranée grâce à l’Agence Frontex, et on s’efforce d’externaliseer la gestion des flux migratoires à l’extérieur de l’Europe, en la confiant à des Etats moins regardants du point de vue des droits de l’homme, qui n’hésiteront pas à décourager les candidats à l’exil par tous les moyens. Le fait qu’un gouvernement de gauche se soit converti aux principes d’une politique migratoire de droite est quand même un signe clair.
Pour ce qui est de la mondialisation, l’Etat français est impliqué dans chaque fermeture d’usine, chaque fermeture de plus de 50 salariés fait l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi. La part du secteur public dans le PIB ne fait qu’augmenter d’année en année. L’Europe n’a jamais remis en cause ce fonctionnement.
Et la manière très française de penser la mondialisation influence aussi la politique européenne :
– fort renforcement des mesures de défense commerciale à l’égard de la Chine depuis 2009,
– projet de lutte contre la concurrence extérieure en matière de marchés publics,
– projet de taxe sur les transactions financières, de taxe carbone aux frontières,
– dillution totale du projet de directive Bolkestein, dont on peine encore à voir les effets concrets alors qu’en 2010 beaucoup prédisaient encore « une casse » dans les services publics.
– sanctuarisation de l’agriculture française, de l’exception culturelle française, etc.
J’ai du mal à voir comment l’UE pourrait mieux / plus répondre à cette crainte de la mondialisation, qui, je le répète, et pleine de contradictions.
Concrètement, l’Europe peut faire quoi de mieux ou de plus ?
L’UE / la France doivent-elles donner raison à ceux qui pensent que le problème, c’est les autres, que nous ne devons pas nous aussi nous remettre en cause ?
10. Le 22 février 2013 à 00:21, par Thomas Eustache En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
à Stephanell : « Vous sous-entendez que l’Europe est une passoire, que les valeurs libérales ( »centristes« ) déterminent le contenu de ses politiques. » Pas exactement. Je ne cherche pas à montrer par cet article que les institutions européennes favorisent ces valeurs-là ou assurent leur mise en œuvre ; effectivement, l’immigration extra-européenne vers l’espace Schengen est aujourd’hui strictement contrôlée et très limitée. Concernant le protectionnisme économique, je n’ai guère de connaissances là-dessus, en conséquent je veux bien vous croire.
Mon propos était de montrer que, pour l’électeur, la cause européenne est associée, du fait des discours des partis politiques, à des valeurs qui sont rarement les siennes - indépendamment, donc, de ce que l’UE elle-même réalise, ce que l’électeur connait rarement. Le citoyen français reçoit un discours pro-européen de la part de libéraux centristes, et des discours anti-européens du Front de Gauche et du FN qui décrivent l’Europe comme le cheval de Troie de la mondialisation... Il lui est en conséquent facile, même si cela ne correspond pas vraiment à la réalité, d’assimiler l’UE à la mondialisation, et donc d’éprouver de la méfiance à son égard. Ironiquement (puisque les institutions européennes s’évertuent à montrer une image toute autre d’elles-mêmes), je crois que l’UE gagnerait globalement en popularité si des personnalités ou mouvements politiques mettaient en exergue le caractère « forteresse » de celle-ci.
11. Le 22 février 2013 à 02:56, par Xavier En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
Ne pas confondre l’UE et le projet fédéraliste européen.
Si les Français sont contre ce dernier, c’est tout simplement parce qu’ils n’imaginent pas un seul instant que le fédéralisme puisse être l’inverse de ce qu’ils connaissent : la France, pays centralisé et méprisant ses cultures régionales.
Ils pensent que l’Europe sera à l’image de la France et, donc, leur culture devenant régionale, sera à son tour méprisée et leurs droits bafoués.
Ils n’imaginent pas qu’il soit possible d’avoir une Europe respectant sa diversité et le principe de subsidiarité.
Ce principe.... malheureusement honteusement bafoué par l’UE !
12. Le 23 février 2013 à 20:42, par chris En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
Cela devient de plus en plus insupportable de voir des gens bien pensants alignés allègrement les positions du Front de Gauche et celles du Front national. Contrairement au FN, le Front de Gauche n’est pas anti-européen. il est contre la construction européenne libérale actuelle. Il appelle à une certaine forme de protectionnisme mais aux frontières de l’UE avec la mise en place de visas sociaux et environnentaux. il refuse le dogme de la concurrence au coeur des Traités avec les conséquences que l’on voit aujourd’hui. Il souhaite une Europe ou plutôt une Union européenne qui protège les plus faibles et qui soit ouverte sur le monde, capable de solidarité. Bref tout le contraire de ce qui se fait aujourd’hui. Assez de caricatures, lisez les textes. C’est insupportable sur un site qui se prétend ouvert
13. Le 26 février 2013 à 04:44, par Xavier En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
Chris,
Lisons. :)
http://www.frontnational.com/le-projet-de-marine-le-pen/politique-etrangere/europe/ « une association libre d’Etats européens partageant la même vision et les mêmes intérêts sur des sujets tels que l’immigration ou les règles devant régir les échanges extérieurs et la circulation des capitaux ; »
– évidemment ces règles ne sont pas la liberté, ni le libre-échange........
Bizarrement ça rejoint la position du Front de Gauche que tu nous résumes : « Il appelle à une certaine forme de protectionnisme mais aux frontières de l’UE avec la mise en place de visas sociaux et environnentaux. il refuse le dogme de la concurrence au coeur des Traités avec les conséquences que l’on voit aujourd’hui. »
La seule différence est que le FN délèguerait beaucoup moins à l’UE que le Front de Gauche. Mais le Front de Gauche ne délèguerait à l’UE qu’à condition que ce soit compatible avec son idéologie liberticide. Idéologie toute aussi liberticide que celle que FN.
Logique, le fond est d’une troublante similitude dès lors qu’on arrive à aller au-delà des différences de vocabulaire.
Enlèves donc ce vocabulaire altermondialiste et marxisant du FdG et tu as sensiblement le même discours que celui du Front National !
Normal, les bases idéologiques, nauséabondes, sont les mêmes.
Je ne sais pas si les personnes qui alignent FN et FdG sont des bien pensants, mais ceux qui pensent que le FdG vaut mieux que le FN sont d’une naïveté ahurissante.
Ne vous fiez donc pas aux étiquettes et aux postures. Allez jusqu’aux racines, regardez les bases idéologiques et ce qu’elles ont éventuellement systématiquement produit.
14. Le 1er mars 2013 à 15:36, par Laurent En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
La remarque de Chloé est intéressante en ce qu’elle démontre - si besoin en était - qu’on nous vend un contenu avec le contenant : le fédéralisme, la subsidiarité, etc.. + le libéralisme économique, la moins-disance sociale, le relativisme culturel et le laxisme (plus ou moins) généralisé.
Comme le note l’auteur de l’article, les gens en-dehors des petits cercles européistes convaincus rejettent le bébé avec l’eau du bain : c’est bien le projet politique libéral et anti-identitaire de cette Europe qu’ils rejettent plus que ses structures pourtant souvent trop opaques et distantes.
15. Le 4 mars 2013 à 16:15, par Loïc En réponse à : « L’Europe forteresse » : seule chance pour la cause européenne ?
À Xavier : C’est amusant tout de même de proposer de lire les textes, sans le faire correctement. Le programme du FN est tel qu’il est, mais vous ne citez par le programme du FDG sur l’UE, qui pourtant se trouve ici : http://www.pcf.fr/18216 . Ce que j’y trouve n’est pas vraiment compatible avec le projet du FN, surtout quand il s’agit d’harmoniser les protections sociales par le haut, au niveau européen, ou encore quand il est question de créer un salaire minimum européen. Notons aussi que le FN veut pourfendre l’euro, quand le FDG ne souhaite pas s’en séparer.
Et quand vous parlez de idéologie liberticide, je ne vois vraiment pas où dans le programme il y est fait référence. Pour rappel, le FDG n’est pas le PCUS, si vous croyez encore cela alors c’est vous qui êtes « d’une naïveté ahurissante ».
À l’auteur : Je me permets de citer le programme sur un point qui est on ne peut plus en lien avec le sujet de l’article : l’Europe forteresse.
« [La France] agira également pour que les politiques d’Europe “forteresse” et de stigmatisation des étrangers non communautaires soient abandonnées, et les accords de Schengen renégociés au profit d’une action résolue en faveur de politiques nouvelles de migrations internationales et de codéveloppement, en particulier avec les pays du pourtour méditerranéen. L’égalité femme-homme sera une valeur fondamentale de l’Union européenne, la “Directive de l’Européenne la plus favorisée” sera mise en place. »
On est très loin de cette prétendue Europe forteresse désirée par les « extrêmes », et de la « forme de conservatisme récente et transpartisane ». Ceci montre que l’auteur n’a pas lu le programme, ou n’en fait pas cas.
À Tous : Enfin, serait-il possible de cesser d’affirmer que le projet européen de la gauche radicale est anti-européen ? C’est là encore un concept idéologique qui associe l’UE au libéralisme et à la mondialisation, concept qui n’est pas utilisé par ceux que l’on croit. Ce n’est pas un hasard si le FDG défend l’idée d’Europe sociale. L’UE, et par extension l’Europe Fédérale, est un mode de fonctionnement politique, pas une idéologie en soi. Tout comme « capitalisme » n’est pas mécaniquement synonyme de démocratie (n’est-ce pas Xavier ?), « Union Européenne » ne signifie pas libéralisme. Le FDG est anti-libéral, pas anti-UE. Doit-on rappeler que l’UE a déjà les moyens législatifs de mettre en action des politiques sociales et non-libérales, et que la différence se fait par une absence de volonté politique en ce sens ?
En revanche, là où cet article, et la réponse qui lui a été faite, sont pertinents, c’est qu’ils mettent en avant le fait qu’aucun parti n’est prêt à sortir le mot « fédéralisme » sans avoir l’impression de dire un gros mot. Pour être membre du PCF, je suis moi-même attristé que mon parti refuse de franchir le pas en employant ce mot. Pourtant, le fédéralisme n’est pas à mon sens incompatible avec les concepts de solidarité, de progressisme et de démocratie que je défends, au contraire il en serait un moyen efficace de diffusion. Je trouve donc dommage que les partis, même pro-européens, ne fassent pas le choix de proposer un fédéralisme concret, démocratique, transparent et social dans leurs programmes. C’est à mon sens là que serait la vraie innovation, et je pense que si on l’explique bien, le rejet par la population européenne ne serait pas forcément total…
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