Etats Généraux de l’Europe 2008

« L’Europe n’est pas un espace géographique ni culturel défini par avance »

Interview de Michel Colardelle, directeur du Musée de Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

, par Fabien Cazenave

« L'Europe n'est pas un espace géographique ni culturel défini par avance »

A l’occasion des États Généraux de l’Europe du 21 juin 2008 à Lyon, le Taurillon interroge Michel Colardelle, directeur du Musée de Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM).

Le Taurillon : Vous êtes directeur du Musée de Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM). Quel est son objet ?

Michel Colardelle : Objet du MuCEM : présenter au plus large public les témoins de la vie quotidienne des sociétés de l’espace euro-méditerranéen, dans le but de faire percevoir leur profonde parenté culturelle en même temps que leur diversité formelle et leur dynamique. L’espace pris en compte est large (de l’Atlantique à l’Oural et de la Scandinavie au Sahel), la période considérée va de la naissance des monothéismes au présent le plus immédiat. Le patrimoine est à la fois matériel (objets, œuvres d’art...) et immatériel (musiques, langues, littérature orale...), et comporte de véritables chefs d’œuvre de création populaire. Un tel musée poursuit des objectifs de diffusion des connaissances (histoire, archéologie, anthropologie sociale et culturelle).

Il vise aussi à favoriser la tolérance, source de citoyenneté, et l’acceptation des différences dans la cité cosmopolite moderne, fortement touchée par le creusement des inégalités et l’ampleur des mouvements migratoires. Il sera un lieu de réparation (valorisation de toutes les formes culturelles, y compris celles des populations exogènes) et de débat (relativité des valeurs, universalité des mécanismes d’élaboration culturelle...), mettant ainsi en perspective historique et critique les réflexes identitaires à l’œuvre aujourd’hui, et évidemment porteurs de dangers.

Le Taurillon : Vous allez participer aux EGE le 21 juin à Lyon sur la thématique « citoyenneté et culture ». En quoi avons-nous déjà des éléments d’une culture européenne commune ?

Michel Colardelle : La question d’une « identité culturelle européenne » est discutable. Les identités sont multiples, diverses, et ne se recoupent pas nécessairement, bien au contraire : par exemple la cartographie des langues, des religions, des modes de parenté, des formes économiques etc. ne permettent de fonder aucun ensemble cohérent et original. L’Europe, projet politique, résultat d’une histoire complexe, n’est pas un espace géographique ni culturel défini par avance.

En revanche, des traits communs historiques et sociaux peuvent être discernés dans l’ensemble de l’espace euro-méditerranéen. Mais il n’existe, de toute manière, aucune « frontière » aux civilisations, dont les démarcations sont par nature poreuses.

Le Taurillon : Le budget alloué à l’expression culturelle reste à 0,03 % du budget global européen. Qu’en pensez-vous ?

Michel Colardelle : Tant que la culture demeurera la laissée pour compte des politiques publiques, la société restera traversée par des courants conflictuels de haute dangerosité. Dans les systèmes démocratiques, le dialogue qui exprime les différences et se substitue à la violence ne peut qu’être fondé sur la disposition d’un bagage commun de connaissances qui justifient un sentiment de parenté ouvrant au dialogue et à la solidarité. Sans cela, c’est par la force - donc par la violence, qui tôt ou tard entraîne d’autres violences - que la cohésion est maintenue...

L’Union européenne est avant tout un projet de paix, dont le moyen est la liberté économique, donc l’échange. La culture, c’est à la fois ce qui permet l’échange - disposer d’un langage commun, langue bien sûr mais aussi autres formes de représentation des valeurs - et ce qui en est issu - les cultures se construisant, comme tout ce qui est vivant, par contact, emprunt, rejet, mélange. L’Union se doit donc, ce d’autant qu’elle a elle-même favorisé la libre circulation des personnes, et que sa richesse comme sa faible démographie la désignent comme terre d’immigration, de développer une politique culturelle ambitieuse, et de mobiliser par conséquent des crédits suffisants.

Le Taurillon : Est-ce que la société civile peut permettre l’émergence d’un espace public européen ?

Michel Colardelle : La société civile est seule en capacité de faire émerger un espace public européen. Les forces institutionnelles et officielles peuvent le favoriser ou le contrer, mais n’en sont et n’en seront pas les moteurs.

Au sein de la société civile, ce sont les forces les plus vives - associations, syndicats, jeunesse etc. - qui, par le jeu des déséquilibres auxquels elles sont les plus sensibles, jouent déjà le premier rôle. La jeunesse en particulier, plus facilement ouverte à l’international et moins contrainte dans des structures mentales rigides, est essentielle.

États Généraux de l’Europe le 21 juin à Lyon

Un évènement de la société civile, festif et populaire

Les États Généraux de l’Europe (EGE) sont conçus avant tout comme un lieu de débats ouverts et accessibles au grand public sur les enjeux européens. Ils sont organisés par la société civile, en toute indépendance, dans une approche pluraliste, en coopération avec les autorités publiques nationales et locales. Organisés sur une journée, les EGE se décomposent essentiellement en trois types d’activités :

• 2 plénières :

 Plénière d’ouverture : de grandes figures européennes lanceront cette grande journée de débats en évoquant la citoyenneté européenne sous ses différentes déclinaisons : économique et sociale, politique et culturelle. Avec notamment : Giorgio Napolitano, Président de la République d’Italie ; Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d’État chargé des Affaires européennes ; Jacques Delors, ancien Président de la Commission européenne ; François Chérèque, Secrétaire Général de la CFDT, Elie Barnavi, Historien.
 Plénière de clôture : des députés européens de tous pays et des responsables français, seront interpellés par les trois représentants des associations organisatrices (Europanova, le Mouvement Européen - France et Notre Europe) pour réagir aux questions posées pendant la journée dans le cadre des ateliers-débats. A un an des élections européennes, les députés européens mettront en lumière la pluralité des sensibilités et des positions présentes au Parlement européen. Avec notamment : Daniel Cohn-Bendit, Martine Roure, Alain Lamassoure, Pat Cox, etc.

• 18 ateliers-débats autour des trois thèmes suivants :

 les outils de la démocratie en Europe (le droit de vote, la représentativité des citoyens, l’échange des idées par internet…)
 les échanges humains en Europe (la mobilité des jeunes, le sport, la santé, la culture, …)
 les responsabilités de l’Europe (la mondialisation, le développement durable, la responsabilité sociale des entreprises, les migrations…).

Ces tables rondes ont été conçues pour donne l’occasion à tous de s’exprimer et dialoguer avec des responsables européens, locaux, des syndicalistes, des chefs d’entreprises, des journalistes, des écrivains de tous horizons, sur l’Europe ! Seront notamment parmi nous : Michel Barnier, Jacques Barrot, Tommaso Padoa-Schioppa, Elisabeth Guigou, Bronislaw Geremek, Gérard Onesta, Bernard Soulage, Mercedes Bresso, Jean Besson, Didier Jouve, Thierry Philip, Jean-Michel Aulas, etc.

• Des activités ludiques seront proposées tout au long de la journée :

 Des activités pour les plus jeunes permettront aux parents de faire découvrir l’Europe à leurs enfants. Un spectacle pour enfant et des jeux « européens » seront prévus pour eux !
 Le café littéraire sera l’occasion de rencontrer les auteurs de livres consacrés à l’Europe avec la présence de Jean-Noël Jeanneney, ancien président de la Bibliothèque Nationale de France, de Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre Belge, de Daniel Henri auteur du manuel d’histoire franco-allemand, etc.
 Le village européen rassemblera tous les partenaires de l’évènement.
 La simulation des travaux du Parlement européen. Pour fêter les 50 ans du Parlement européen, la « simulation » rassemblera près de 500 jeunes citoyens de 15 à 22 ans, de la région mais également d’Italie. Ils débattront et voteront une résolution sur « la participation des citoyens européens au développement durable ». La résolution, sera remise à Didier Jouve, Vice Président de la Région Rhône-Alpes, comme une des contributions à l’élaboration d’une vision partagée de Rhône - Alpes au 21ème siècle. Elle sera également remise symboliquement aux Députés européens.

Les associations impliquées dans l’organisation :

Action fédéraliste - Socialisme et Liberté, AFCCRE, Association Européenne Des Enseignants, Agence de l’Education par le Sport, Association réalités et relations internationales, Banlieues d’Europe, Bouge ta ville, bouge l’Europe !, Bruegel, cafebabel.com, FONDA/CAFECS, CCMSA, Cercle des Européens, Centre des Jeunes Dirigeants, CFDT, CGI, Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon, CIDEM, CIMADE, Commission européenne, Commission pour l’étude des Communautés Européennes, Communauté urbaine Grand Lyon, Confrontations Europe, Conseil Général du Rhône, Conseil Général des Jeunes du Rhône, Conseil régional Rhône-Alpes, Conseil syndical interrégional Alpes Arc alémanique, Débarquement jeunes, Decitre, EAPN France, EUCIS-LLL, EUNIC, Euractiv.fr, European Coalition for Corporate Justice, Europe Direct Rhône-Alpes, Europe et mondialisation, Europe et Société, Euros du Village, Fédération des centres sociaux, Fondapol, Fondation Armée du Salut, Fondation Robert Schuman, Forum civique européen, French American Foundation, GENEPI, GISTI, GL Events, Goethe Institut – Lyon, Groupe des Belles feuilles, Imagine ton futur, Institut ASPEN France, Institut de la Protection Sociale Européenne, Jeunes Européens – France, Jeunes Décideurs Europe Young leaders, Jeunesse Ouvrière Chrétienne, L’Europe à la Une, Ligue de l’enseignement, Ligue Européenne de Coopération économique, Maison de l’Europe, Movimento Federalista Europeo – Italie, Ministère des Affaires étrangères / Secrétariat d’Etat aux Affaires européennes, Mouvement rural de jeunesse chrétienne, Musée de l’Europe, Musée des confluences, Mutualité Sociale Agricole, Nouvelle Europe, Parlement européen, Parlement européen des jeunes, Plateforme sociale européenne, Pole européen de Lyon et Rhône-Alpes-Réalités européennes du présent, Sauvons l’Europe, Secours catholique, Sport et Citoyenneté, Taurillon, Terra Nova, Touteleurope.fr, UEF - Rhône-Alpes, Union pour une Europe Fédérale, UNIOPSS, URIOPSS Rhône-Alpes, UNSA, Ville de Lyon / Communauté urbaine.

Illustration :
 logo du MuCEM.
 photographie de Michel Colardelle.

Vos commentaires
  • Le 20 juin 2008 à 14:16, par Ronan En réponse à : « L’Europe n’est pas un espace géographique ni culturel défini par avance »

    La question d’une « identité culturelle européenne » est discutable. Les identités sont multiples, diverses, et ne se recoupent pas nécessairement, bien au contraire : par exemple la cartographie des langues, des religions, des modes de parenté, des formes économiques etc. ne permettent de fonder aucun ensemble cohérent et original. L’Europe, projet politique, résultat d’une histoire complexe, n’est pas un espace géographique ni culturel défini par avance.

    Excellent !!! Enfin quelqu’un qui le dise !!! Enfin sortir du préchi-précha identitaire !!! Bis, bis !!! On en redemande !!!

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