Les États-Unis sont un pays d’immigrés. Chaque citoyen a des ancêtres venant d’Afrique, d’Europe ou d’Amérique Latine. On n’entendra jamais, « Je suis américain » mais : « Ma famille est italienne » ou « mon grand-père vient d’Allemagne ». Même lorsque les Américains sont a l’étranger, ils disent « Je suis du Maine, » ou « Je viens du Texas ». Malgré tous leurs héritages différents, les citoyens des États-Unis sont américains, même s’ils ne le mettent pas en avant. C’est une identité unifiée qui est comprise par les citoyens comme un secret commun. Les citoyens peuvent célébrer leurs ancêtres différents et partager l’identité américaine commune qui les rend égaux.
Etre du Maine avant d’être américain : le difficile renoncement de sa puissance pour l’organisation collective
Après la guerre révolutionnaire, des hommes d’État tels Thomas Jefferson et James Madison ont tenté de concevoir un gouvernement prototypique. Nombreuses furent les oppositions refusant la création de ce gouvernement. Les Etats contrôlaient le commerce et l’impôt, et ne voulaient pas d’un transfert à la fédération. Le système en place était pourtant largement chaotique : pour être mieux organisés, les Etats doivent nécessairement abandonner leur souveraineté à l’administration centrale.
Mais l’histoire abonde d’exemples témoignant la difficulté des puissances à accepter l’abandon d’une partie de ce qui leur donne leur force. Les habitants du Massachusetts étaient fiers de venir de leur Etat ; ceux de Vermont, de même. Il est aisé de comprendre l’importance de l’identité de « citoyen de l’État », dont a hérité le peuple américain moderne.
Le "creuset" américain, source d’inspiration pour un "melting pot" européen !
L’identité « américaine » n’est pas celle qui prévaut aux yeux d’une majorité des citoyens. Le peuple américain estime que son identité de « citoyen de l’état » est plus importante encore que celle de la nation. Il y a 50 Etats différents aux États-Unis. Chacun a ses citoyens, et sa propre « personnalité » ou « caractère ». Chaque État est différent et peut avoir l’air d’un pays étranger. Il est très facile d’oublier que l’on habite aux États-Unis, en raison des différences entre Etats.
Ce phénomène est facilité par la structure gouvernementale des États-Unis : bien qu’il y ait un gouvernement central à Washington D.C., chaque Etat a son propre gouvernement. Chacun a ses propres pouvoirs judiciaires, législatifs et exécutifs. Mais le pouvoir du gouvernement central est l’autorité suprême, comme écrit dans la clause de suprématie de la constitution.
Les citoyens de chaque État sont différents : ceux qui viennent de Californie ne sont pas du tout semblables à ceux qui viennent d’Ohio et du Massachusetts. Est-il vraiment possible d’être le citoyen d’un État ainsi qu’un citoyen des États-Unis ? Tout à fait.
Les cultures des États sont certes assez différentes. Mais chaque citoyen, quel que soit son Etat d’origine, est américain. Il est possible de rester un fier « Vermonter » ou « Hoosier » tout en parcourant les États. Un « Yankee » rencontrant des amis de New York en Louisiane n’hésitera jamais sur la partie de citoyenneté les liant tous.
Certains américains estiment leur identité de citoyen d’État plus importante, mais personne ne nie ni ne méprise son identité d’Américain. Avec la présence d’un gouvernement commun, une culture commune existe aux États-Unis. C’est un pays composé d’une population diversifiée, unifiée dans une culture singulière.
Il y existe un parallèle entre les États-Unis et l’Union européenne. Un système quasi-fédéraliste existe dans l’UE, tout comme aux États-Unis. Chaque pays a sa propre administration et une culture bien spécifique. Mais chaque pays cède un certain pouvoir aux institutions de l’UE afin de mieux s’organiser.
Tout comme aux États-Unis, les peuples de tous les pays n’ont pas perdu leurs traditions ou leur culture, faussement entendu comme une résultante nécessaire de l’unification politique et économique. Qu’elle soit de l’Est ou de l’Ouest, l’Europe ne cesse pas d’être européenne !
L’apprentissage de la culture commune par l’éducation
L’Europe est un continent avec de nombreuses cultures, mais une histoire commune. Comme aux États-Unis, où l’on est capable de concilier identité de l’État et identité nationale, un Européen peut adopter une identité européenne commune et être un citoyen de son pays. On peut être français et se sentir européen comme être du Vermont et se sentir américain.
Mais les citoyens de l’Europe ne sont pas rassemblés devant l’identité européenne. Pourquoi ? L’Union européenne est perçue comme une union économique et aussi politique, mais sans rapprochement culturel, sans véritable enseignement de l’Europe à l’école.
Si l’Europe ne fait pas l’objet d’un enseignement systématique à l’école, si les personnes âgées ne considèrent souvent pas l’Europe comme ayant eu un impact assez significatif dans leur vie pour altérer leur identité nationale, si des majorités de citoyens préfèrent encore s’identifier à leur langue et leurs politiciens, voire leur culture, c’est avec des programmes comme Erasmus que de nouvelles générations véritablement européennes réalisent aujourd’hui leur immense patrimoine commun.
1. Le 14 avril 2011 à 08:14, par Aymeric L. En réponse à : L’identité européenne : mythe ou réalité ?
Très bon article !
2. Le 14 avril 2011 à 13:01, par HERBINET En réponse à : L’identité européenne : mythe ou réalité ?
Le point de départ de la plupart des débats sur l’identité européenne repose sur l’idée qu’une communauté politique a besoin d’un ensemble de valeurs et de références communes afin de garantir sa cohérence, de guider ses actions et de doter ces dernières d’une légitimité. La question est donc de mettre en avant les aspects identitaires qui lient les Européens entre eux afin de bâtir une culture politique commune et d’ancrer les différentes identités nationales au cadre européen. D’une part, les études montrent que le ciment n’unit que théoriquement les européens entre eux, puisque qu’un repli sur l’identité nationale, régionale est un fait avéré. D’autre part, la participation politique relativement faible et l’attachement peu profond à l’U.E. posent un problème de légitimité à cette dernière.
Pierre-Franck Herbinet
3. Le 14 avril 2011 à 13:07, par HERBINET En réponse à : L’identité européenne : mythe ou réalité ?
« De l’Atlantique à l’Oural », sommes-nous « Unis dans la diversité » ? Dans l’évolution de l’humanité, le concept d’Europe est tout à fait récent. Avec la chute du communisme en Europe de l’Est et la fondation de l’"Union européenne" en 1992 avec le Traité de Maastricht (donnant à la communauté européenne de nouvelles compétences), l’U.E. repose sur "des principes de liberté, de démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et de l’Etat de droit". L’U.E. a le devoir de promouvoir la diversité de ses cultures, tout en "mettant en évidence l’héritage culturel commun". Concernant la construction juridique de cet espace supranational sans équivalent, cela suppose un sentiment d’appartenance à un territoire, une identité commune, des valeurs approchantes. Les incertitudes entourant le projet européen résultent, selon Dominique Strauss-Kahn, d’une crise de légitimité et de l’absence d’identification populaire. Les travaux de Sylvie Goulard mettent l’accent sur la nécessité de poursuivre l’intégration européenne tout en invitant à un débat public accru sur les enjeux européens. L’Europe doit se faire à l’avenir en impliquant beaucoup plus les Européens, en les préparant à être des citoyens informés et actifs : à cette fin, les échanges, l’enseignement des langues sont essentiels. Elle appelle aussi à prendre au sérieux les doutes exprimés par les populations face à une entreprise européenne dont elles comprennent mal le sens. Ayant pris en compte les analyses de Sylvie Goulard, surtout il ne faut pas éviter le débat : « de l’Atlantique à l’Oural », sommes-nous déjà « Unis dans la diversité » ? Le peuple européen existe-t-il ? Ou bien, est-ce au Fédéralisme de faire naître l’identité européenne (à grand renfort de traités incompris par les citoyens) ? Dont acte. Faire émerger une identité européenne. Les libéraux et les républicains défendent une culture politique commune reposant sur des principes universels de démocratie, de droits humains, de l’état de droit exprimés dans le cadre d’une sphère publique commune. Selon eux, l’identité européenne se formera à partir de pratiques politiques et civiques communes, des organisations de la société civile et d’institutions européennes fortes. Selon ce point de vue, "Unie dans la diversité" signifie que les citoyens partagent les mêmes valeurs politiques et civiques, tout en ayant des pratiques culturelles différentes. Les constructivistes pensent qu’une ’identité européenne’ pourrait naître de la coopération et des échanges intenses au niveau civique, politique et culturel. Les identités étant en constante évolution, "l’identité européenne" comprendrait de multiples significations et serait constamment redéfinie à travers la relation à l’autre. "Unie dans la diversité" signifie la participation à des pratiques politiques et culturelles communes. Identité européenne et question religieuse. Les représentants de l’église catholique ont été parmi les acteurs les plus importants dans les débats sur l’identité européenne. Dans un message adressé aux membres du Parti Populaire Européen (PPE) le 30 mars 2006, le Pape Benoît XVI a déclaré que l’Europe devait mettre en valeur ses racines chrétiennes et renforcer son sentiment d’appartenance à une civilisation commune afin de mieux relever les défis à venir. Selon la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE), une référence explicite à Dieu ou au christianisme "aurait constitué un signal fort vers l’idée d’identité européenne". Les droits et valeurs universels, comme la démocratie ou l’état de droit, se sont développés à partir de l’héritage chrétien.
L’Union européenne doit contribuer « à l’épanouissement des cultures des Etats membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage culturel commun » (article 128 du traité de Maastricht).
Pierre-Franck HERBINET
4. Le 14 avril 2011 à 16:50, par Grégoire En réponse à : L’identité européenne : mythe ou réalité ?
Very good indeed !
5. Le 14 avril 2011 à 19:14, par Yves G En réponse à : L’identité européenne : mythe ou réalité ?
Oui, mais il y a une grande différence entre les US et l’Europe : Il y a chez eux une communauté de langue , ce qui forge peu à peu depuis 250 ans au moins une communauté de culture (Littérature, histoire, musique, etc.). En outre, la situation religieuse est un patchwork de religions différentes, géographiquement mélangées, mais en grande majorité chrétiennes. On peut changer d’Etat, sans être vraiment dépaysé, ce qui est loin d’être le cas en Europe. Il faudra plusieurs génération pour progresser significativement sur ce terrain en Europe.
6. Le 24 avril 2011 à 19:10, par Thomas En réponse à : L’identité européenne : mythe ou réalité ?
Langue. Yves a raison de souligner la différence de la langue. Il n’y a pas de langue commune aux européens et c’est un obstacle majeur. Majeur mais pas insurmontable puisque les Indiens n’ont pas de langue commune (l’anglais n’est parlé « que » par les 400 millions d’indiens les plus éduqués).
Nation. Autre différence majeur, le Vermont n’est pas la France. La Nation est une construction éminemment européenne. Aucun Etat Américain n’a de véritable histoire. Des dizaines d’Etat-Nation d’Europe ont une histoire centenaire voire millénaire (Danemark, Suède, France, Espagne, Portugal, Grèce, Pologne, etc...).
Identité Européenne. L’identité européenne existe déjà même si nous n’en avons pas conscience. Elle est présente dans chacune des identités nationales européennes. Cette identité européenne est constituée de la démocratie, de la liberté individuelle, de l’amour de la Raison, de l’idée que les européens ont un message universel à porter au monde et de la volonté de ne pas confondre fait religieux et fait politique.
Comme le disait Malraux, nous ne ferons pas l’Europe CONTRE les Nations, nous ferons SUR les nations, AVEC les nations. D’où la pertinence de la Fédération d’Etat-Nations prônée par Delors ;-)
7. Le 29 avril 2011 à 13:54, par HERBINET En réponse à : L’identité européenne : mythe ou réalité ?
L’apprentissage de la culture européenne par l’économie intracommunautaire. Décryptage. L’essence de la prospérité de l’Union est fondée sur le rapprochement de ses économies. Pour rapprocher culturellement ses entreprises issues de cultures hétérogènes, l’Europe, base du droit domestique du droit des affaires, se dote du statut « SOCIETAS EUROPAEA ». La Société Européenne (SE) est effectivement un statut adapté aux enjeux communautaires au sein de l’espace économique de la « vieille » Europe. Né en 2001, intégré dans le droit national français entre 2005 et 2007, le statut répond à trois besoins prioritaires : l’image transfrontalière, la croissance et les relations sociales. Nul besoin d’être un grand groupe, « SOCIETAS EUROPAEA » s’adresse aux PME désirant trouver un moteur de croissance. Le statut dégage une intégration favorable lors des appels d’offres communautaires et il uniformise les règles, par exemple pour les contrats de travail et les contrats de distribution.
Pierre-Franck HERBINET
8. Le 20 mai 2013 à 15:21, par Ryan En réponse à : L’identité européenne : mythe ou réalité ?
Certes, mais cependant il faut se dire que les premiers états pré-américains, les 13 Colonies, ont décidé de commun accord de faire indépendance et de créer une Nation unie, et les Etats sont en majorité nés au sein même de cette Fédération, ils ont par conséquent, quelque soit leur culture spécifique à l’etat, toujours existé au sein des USA, leur existence a toujours été lié aux USA. En Europe, les différents pays ont des siècles entiers de culture spécifique et de rivalité vis-à-vis de leurs voisins derrière eux, et dans les années 90, une certaine union européenne décide de les lier, dans un but purement économique au départ. Les peuples de l’Europe n’ont pas réllement choisi, mais les dirigeants, pour des raisons économiques. Evidemment, il reste le fantasme de créer des Etats Unis d’Europe depuis Churchill, par évidente jalousie envers la force identitaire de l’oncle Sam, qu’on essaie désormais d’inculquer au sein des population européennes. Bien sûr, ce serait véritablement pratique qu’il existe une identité Européenne, mais cela prendra énormément de temps, et il est encore ridicule d’oser comparer l’Europe aux Etats Unis d’Amérique aujourd’hui. Malgré la nuance de l’article, les américains restent énormément fier de leur pays, et malgré les tensions entre Etats ou visons, ils sont définitivement unis quand le pays traverse une crise. Même lorsqu’il y a une contestation, ce n’est pas contre leur pays, mais pour leur pays, à leurs yeux. Aujourd’hui, je vois assez peu de gens en Europe qui sont prêt à risquer leur vie pour l’Europe...Leur pays, éventuellement, mais pas l’Europe, qui reste quelque chose d’abstrait, ou pire, d’autoritaire (au sens économique)...La propagande paneuropéenne n’est pas encore efficace (ce n’est pas péjoratif !), mais cela dit, cela est peut-être à mettre en lien avec la crise actuelle, qui entache l’image que l’europe tente de se donner...
Suivre les commentaires : |