L’impôt européen en question

, par Sophie Gérardin

L'impôt européen en question

L’idée de mettre en place un impôt à l’échelle européenne n’est pas nouvelle et revient régulièrement sur le devant de l’actualité. Avec le vote du budget européen en décembre dernier, la question a de nouveau été posée, mais n’est toujours pas tranchée. Les partisans de cette idée y voient une ressource supplémentaire pour l’Union européenne (et surtout, un moyen de relégitimer l’Europe). Mais les opposants à ce projet craignent, au contraire, que la création d’un impôt européen ne soit perçue comme une charge de plus. Explications.

Poursuite de l’élargissement, développement de la recherche et de la formation, soutien à l’innovation et aux politiques de cohésion... Le budget européen couvrant la période de 2007 à 2013 ne manque ni de projets, ni d’ambition !

Pour le financer, l’Union européenne (UE) dispose actuellement de trois recettes principales basées sur : les ressources propres traditionnelles (droits de douane, droits agricoles et cotisations sur le sucre), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et le revenu national brut (RNB).

Mais face aux défis de l’élargissement et de la mondialisation, nombre d’observateurs se demandent si ces recettes suffiront encore à couvrir toutes les dépenses et à maintenir le niveau de compétitivité de l’UE sur le marché mondial. Pourquoi alors ne pas créer un impôt européen ?

Le « Mouvement européen » (dont font partie les « Jeunes Européens »), s’est peu exprimé sur la question. Mais, l’association semble à priori, favorable à la création d’un impôt européen et ce pour plusieurs raisons. L’Union disposerait alors ainsi de davantage de ressources propres et serait plus autonome vis-à-vis des États membres. Un tel système mettrait aussi fin aux petites querelles et aux égoïsmes nationaux et permettrait de savoir enfin qui peut donner plus et qui peut donner moins.

Quant à sa mise en œuvre, toutes les hypothèses restent ouvertes.

Impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu ?

Dès les années 1970, le Parlement européen a évoqué l’instauration d’un impôt européen sur les sociétés. Cette solution permettrait d’augmenter considérablement les recettes de l’UE, ferait progresser l’intégration économique et uniformiserait les différents taux d’imposition décidés par les États membres. Mais elle semble techniquement difficile à réaliser, en l’absence de base harmonisée entre les États. De plus, cet impôt serait complètement dépendant de la conjoncture économique, ce qui empêcherait l’UE de recevoir des recettes fixes.

Reste alors la solution d’un impôt sur le revenu des citoyens européens. La Commission européenne n’y est pas opposée puisqu’elle précise sur son site qu’« à son avis, une ressource fiscale visible, payable par les citoyens de l’UE et/ou les opérateurs économiques, pourrait remplacer en partie les contributions RNB [1]. » Les citoyens seraient ainsi davantage associés au financement de l’UE et participeraient à son fonctionnement. Mais, le risque de voir rejeter ce nouvel impôt par ceux-ci est réel car ils pourraient y voir une contrainte et une charge de plus.

Alain Lamassoure, eurodéputé membre du Mouvement européen, a récemment pris position en faveur de l’impôt européen et propose d’« instaurer une taxe commune sur les recettes créées par le développement des échanges [2]. » Concrètement, il suffirait -par exemple- que sur le coût des SMS soit prélevée une petite part qui irait alimenter le budget de l’Union (ainsi que, plus largement, pour tout autre échange effectué sur le marché européen).

Pour être parfaitement légitime, cet impôt spécifique devrait ensuite être affecté exclusivement à une ou à des compétences précises de l’UE (telles que la sécurité ou les réseaux de transport...). En contrepartie, les impôts nationaux diminueraient, les compétences communautaires ne dépendant plus des Etats membres.

Cependant, les obstacles à la création d’un tel impôt restent de taille. En effet à l’heure actuelle, pour entrer en vigueur, un tel impôt européen devrait être adopté à l’unanimité de l’ensemble des Etats membres. Sa mise en place ne semble donc pas pour demain. Et le débat promet d’être vif...

 Photo : (cc) b.e.n.

Notes

[2« Quel modèle pour l’Europe sociale ? », conférence organisée par le Mouvement européen, le 10 décembre 2005

Vos commentaires
  • Le 13 février 2006 à 09:00, par Didier En réponse à : L’impôt européen en question

    La fiscalité européenne est un vaste sujet mais ne mettons pas la charue avant les boeufs ! La fiscalité est un moyen, pas une fin en soi. Bien sûr, à terme, on ne peut pas être contre votre idée,mais ne serait il pas plus logique de commencer par un droit européen des sociétés, un droit social européen, des institutions qui nous permettent de vivre ensemble et de fixer les caps ?

    Les sujets que vous évoquez (recherche, formation, etc .. ) sont effectivement prioriatires. Que chaque Etat membre augmente sa contribution au budget, voilà ce qui pourrait être un signe fort. Créer un impôt euripéen dans les conditions actuelles ne ferait que provoquer des réactions anti-européennes. Il y en a bien assez comme cela en ce moment.

  • Le 13 février 2006 à 13:18, par Emmanuel En réponse à : Re : L’impôt européen en question

    Le problème, c’est qu’on ne pourra pas éternellement vivre avec un budget réduit à la portion congrue, reposant essentiellement sur la ressource PNB. Tant que l’UE ne reposera pas sur un système de ressources propres (droits de douane, partie de la TVA, impôt européen sur les entreprises polluantes, écotaxe sur les transports routiers, par exemple), on vivra éternellement avec les conflits comme ceux qu’on a vécu en décembre, où chaque Etat ne pense qu’à lui, qu’à ce qu’il donne et à ce qu’il reçoit, sans jamais se placer dans une démarche de solidarité...

    Maintenant, c’est vrai que créer comme ça un impôt européen sur le revenu risquerait d’être mal perçu, même si cette création était gagée par une baisse équivalente des impôts nationaux.

    Ce qu’il faudrait, c’est au moins une directive qui oblige les Etats membres à indiquer sur la feuille d’imposition de chacun combien d’euros, sur ce qu’ils paient, vont à l’Union européenne via les contributions des Etats. Ainsi, dans un premier temps, les citoyens se rendraient compte que l’UE leur coûte finalement beaucoup moins cher que ce qu’ils croient souvent, ce qui pourrait les mettre dans de meilleures dispositions à son égard...

    En tous les cas, la situation actuelle est intenable.

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