Elargissement

La Bulgarie, aux portes de l’Europe

Elle n’en n’aura jamais été aussi près, ni aussi prête...

, par Ronan Blaise

La Bulgarie, aux portes de l'Europe

Ce mardi 26 septembre, la Commission européenne vient (après les atermoiements de septembre 2005 et de mai 2006) de rendre enfin son avis définitif quant à l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne.

Une adhésion confirmée pour janvier 2007, mais assortie de conditions d’une sévérité sans précédant (déjà officiellement formulées et répétées en septembre 2005 et mai 2006...).

Ainsi, placée sous la surveillance très stricte des instances communautaires, la Bulgarie devait, doit et devra (alors que la Roumanie voisine n’est menacée ’’que’’ de clauses de sauvegarde dans le seul domaine de l’agriculture...) continuer à prendre des mesures d’urgences dans une série de domaines bien précis (six en tout).

En premier lieu : la lutte contre la corruption (endémique dans toute la société, notamment au plus haut niveau), contre le crime organisé et contre le blanchiment d’argent. Et en second lieu dans trois autres domaines : la justice, la gestion des fonds communautaires et la sécurité alimentaire.

Six domaines à propos desquels la Bulgarie se verra imposer des restrictions et des obligations (mais aucune sanction), devant même - à ce sujet - continuer à faire l’objet d’un ’’suivi’’ étroit de la part des Autorités communautaires : un nouveau rapport d’évaluation de la situation étant programmé pour mars 2007.

La Bulgarie, telle qu’elle est, aux portes de l’Union

Aujourd’hui la Bulgarie offre le visage d’un pays très pauvre, peut-être même le visage du pays le plus pauvre de la future Union à 27 : avec notamment un taux de chômage autour de 10% et avec le SMIG le plus faible (i. e : 82 euros mensuels) de tous les pays membres de l’UE ou aujourd’hui candidats à l’adhésion.

C’est pourquoi adhérer à l’UE est devenue - depuis au moins sept ans - l’idée fixe des gouvernants de tous bords de ce pays, qu’ils soient de gauche comme de droite, à s’être succédé au pouvoir depuis au moins 1999. Si bien que l’on peut même se dire que c’est uniquement grâce à cet objectif qu’ex-communistes, monarchistes et partis de la minorité musulmane ont pu parfois s’entendre et continuer à travailler ensemble.

Talons d’achille de la candidature bulgare : les problèmes liés à l’Etat de droit, au fonctionnement de la justice, au crime organisé et à la corruption endémique que connait malheureusement ce pays. C’est pourquoi, d’ici au rapport d’évaluation de mars 2007, la Bulgarie est ’’invitée’’ à ’’modifier sa Constitution afin de supprimer toute ambiguïté sur l’indépendance de sa justice’’ (sic).

Toujours est-il que - même si elles sont aujourd’hui loin d’avoir ingurgité les dizaines de milliers de pages de la législation communautaire, la Bulgarie et la Roumanie ont finalement récemment été reconnues aptes à rejoindre l’Union européenne dès le 1er janvier prochain.

Entrer dans l’UE : une question de développement économique

Un verdict prononcé ce 26 septembre dernier par une Commission européenne qui n’a pas jugé souhaitable de repousser plus longtemps cette échéance. Préférant, pour toutes garanties, proposer de mettre en place des ’’mesures d’accompagnement’’ plutôt que des ’’clauses de sauvegarde’’ ou de ’’contrôles’’ (termes initialement envisagés mais finalement jugé trop abrupts et contre-productifs...).

En effet, le gouvernement bulgare compte profiter de son adhésion à l’UE pour attirer des fonds communautaires et des prêts étrangers privés supplémentaires [1] pour financer la modernisation de ses infrastructures et de nombreux projets écologiques, bref : son développement économique.

Ainsi les actuels dirigeants bulgares aujourd’hui au pouvoir espèrent bien voir leur pays se développer rapidement et se transformer dans la décennie à venir en un immense chantier de constructions. Et ce, grâce à l’UE et grâce à - entre autres choses - à ses fonds de cohésion territoriale,

Ainsi l’industrie des loisirs de Bulgarie, ’’pays des roses et aux plages de sable fin sur les bords de la mer noire’’ (et secteur représentant déjà environ 15% du PIB bulgare et employant aujourd’hui déjà près d’un demi-million de personnes), semble avoir un avenir radieux devant elle.

Problèmes agricoles

En revanche, l’agriculture bulgare doit – elle – s’attendre à de sérieux problèmes. En effet, Bruxelles a déjà fait savoir que les paysans bulgares devront limiter leur production de vin. Et les usines de transformation agro-alimentaire (notamment dans le domaine bien spécifique de la boucherie) risquent elles aussi de connaître le même sort faute de satisfaire aux critères drastiques formulés par l’UE.

Des restrictions liées à la sécurité alimentaire qui - dit-on à Bruxelles - ne sont guère différentes de celles imposées aux Dix derniers nouveaux entrants de mai 2004. Ainsi, pour éviter toute transmission de peste porcine, les cochons roumains ne pourront pas être immédiatement commercialisés dans l’UE et certains produits laitiers se verront interdits d’exportation vers l’UE.

Mais c’est aussi pour d’autres raisons que l’agriculture des deux pays néo-entrants de janvier 2007 seront mises sous surveillance. En effet, Bruxelles redoute que - faute d’une cartographie claire et précise de leurs champs - plusieurs agriculteurs ne soient tentés de frauder en sollicitant des fonds de la PAC pour de mêmes parcelles de terrain.

Des soupçons de fraudes qui pourraient inciter la Commission européenne a, en dernière extrémité, réduire les sommes allouées aux campagnes bulgares et roumaines : une menace qui - si ces craintes n’étaient pas dissipées dans les prochains mois - pourrait être prochaine mise à exécution, mais sans doute pas avant l’automne 2007.

Autres difficultés prévisibles

Mais les principales difficultés risquent de venir ailleurs : peut-être d’une population bulgare qui aura fourni beaucoup d’efforts et fait beaucoup de sacrifices en vue d’entrer dans l’UE lors des dix dernières années et qui, en définitive, se serait sentie humiliée par les injonctions répétées de Bruxelles. Et par ses menaces passées de report d’adhésion, de sanctions financières, de restrictions de la coopération judiciaire européenne voire d’exclusion pure et simple des futures instances communautaires communes.

Au moins l’opinion publique bulgare voudra-t-elle bien admettre qu’elle n’aura finalement pas été contrainte à reporter sa candidature d’adhésion, comme cela le fut même un moment envisagé (ce qui, tout le monde en convient en Bulgarie, aurait eut pour conséquence de ralentir les actuelles réformes en cours, voire de porter un coup à la stabilité politique du pays...). Tout du moins touche-t-elle aujourd’hui presque au but : entrer dans l’UE, dans la dignité [2].

Mais les difficultés risquent aussi de venir sans doute aussi de la part des opinions publiques des pays (déjà) membres de l’UE et dont on peut imaginer qu’elles ne comprennent aujourd’hui pas bien ce nouvel élargissement mené par leurs dirigeants actuels non seulement à marche forcée mais surtout sans pédagogie ni explication claire à son égard. Etant donné que l’idée européenne repose principalement sur le vivre ensemble et que celui-ci ne se décrète pas...

Une impression de malaise à l’égard de l’idée même de tout élargissement futur qui pourrait s’amplifier s’il s’avère exact que la Commission européenne aurait minimisé les lacunes existant aujourd’hui dans les dossiers des deux nouveaux pays adhérants (et aurait sciemment usé abusivement de termes accommodants...) pour ne pas donner l’impression à l’opinion publique qu’elle aurait accepté d’ouvrir les portes de l’UE à deux pays qui n’auraient finalement pas vraiment été prêts à y entrer...

Enfin, facteur agravant, juste souligner que tout cela se déroulera très probablement sans même que l’on ait cependant préalablement réglé le douloureux problème de l’actuellement introuvable réforme des institutions de l’Union.

Etant donné que l’Europe communautaire qui fonctionnait déjà mal à quinze fonctionne aujourd’hui d’autant moins bien à vingt-cinq et (sauf changement organisationnel préalable via une réforme en profondeur des institutions...) fonctionnera sans nul doute avec d’autant plus de difficultés à vingt-sept. Et ce, au grand détriment de tous...

- Illustration :

Le visuel d’ouverture de cet article est une photographie du Parlement bulgare (à Sofia), document tiré de l’Encyclopédie en ligne wikipédia.

- Sources :

Cet article est le résultat d’une synthèse d’informations tirés de la presse bulgare, documents publiés dans de nombreuses éditions de l’hebdomadaire français « Courrier International » (ici : numéros 826 et 828 des 31 août et 14 septembre 2006, pages 12 et 18).

Notes

[1Lesquels investissements étrangers en Bulgarie ont - en 2005 - atteint la coquette somme record de 2,3 millions de dollars : comme l’a récemment expliqué Roumen Ovtcharov, ministre de l’Economie et de l’Energie, exprimant là son espérance de les voir dépasser la somme de 3,5 milliards de dollars pour 2006.

[2Cf. Propos tenus par le premier ministre bulgare Sergueï Stanichev, le 7 septembre dernier, lors d’une visite officielle effectuée à Bruxelles auprès des autorités communautaires.

Vos commentaires
  • Le 23 novembre 2006 à 22:19, par elena vesselinova En réponse à : La Bulgarie, aux portes de l’Europe

    Jai lu cet article tres attentivement et je suis daccord avec la plupart dinformation. Cest vrais que la Bulgarie est peut-etre le pays le plus pauvre en Europe entiere, mais en meme temps les bulgares paient les plus petits impots directs.Dapres les ecomistes,leconomie bulgare travaille seulement a 75% de sa capacite et pour cette raison elle a des belles perspectives pour son avenir. Finalement, la Bulgarie est peut-etre lunique pays dans la region qui suit une politique de tolerance religieuse et le gouvernement bulgare respecte les droits des minorites ethniques. Pour cela, je crois que dans quelques annees ma patrie peut faire une grande suprises a ses partenaires dans lUE

  • Le 27 novembre 2006 à 12:30, par troptophe En réponse à : La Bulgarie, aux portes de l’Europe

    Bonjour, Français marié à une Bulgare, j’ai bien évidemment suivi ce dossier au fil des mois et analysé l’évolution de la situation !! Le probléme principal et récurant de ce pays reste et restera la coruption à tous les niveaux....personne n’y changera rien....les habitudes et les réflexes de toute une population depuis des années.......peut-êre dans une ou deux génération !! Pour moi, c’est une catastrophe économique et culturelle pour le peuple Bulgare.....mais pas pour le pouvoir en place,encore une fois,l’histoire se répete !! Christophe MUSSOTTE

  • Le 12 mars 2008 à 15:08, par bulgare qui étudie en france En réponse à : La Bulgarie, aux portes de l’Europe

    Enfin, il faut arrêter de mettre toujours en parallèle la Bulgarie et la corruption. La corruption existe en Bulgarie. Ce n’est pas faux ! Mais je n’ai jamais vu une corruption aussi terrible qu’en France !!! En Bulgarie au moins on peut toujours s’arranger d’une facon ou d’une autre. Alors qu’en France c’est « VIVE L’HYPOCRISIE » ! On est soit disons pas corrompu, alors que derrière ton dos on règle toute sorte d’affaires ! C’est également « VIVE LE PISTON ». Croyez-moi c’est bien pire qu’en Bulgarie. Et arrêtons enfins de chercher les problèmes des autres quand on n’a pas encore reglé les nôtres...

  • Le 12 mars 2008 à 15:57, par Fabien Cazenave En réponse à : La Bulgarie, aux portes de l’Europe

    Salut, effectivement, la France n’a pas de leçons à donner. Le problème de la corruption en Bulgarie existe et a été une source d’inquiétudes. Il me semble que l’action menée par les gouvernements successifs portent ses fruits. Espérons que cela continuera.

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