La Pologne aux manettes : six mois de gestion de l’Union en pleine crise

, par Dominika Rutkowska

La Pologne aux manettes : six mois de gestion de l'Union en pleine crise
Mikolaj Dowgielewicz, Ministre des Affaires étrangères polonais Services audiovisuels de la Commission européenne

La Pologne vient de finir sa Présidence du Conseil de l’Union européenne. Ce pays qui a retrouvé son indépendance en 1989 et qui a regagné alors sa place en Europe, dont elle s’est toujours sentie membre malgré 50 ans passés sous le régime communiste, a pris cette tâche au sérieux.

Note globale : 20/20 ?

Selon de nombreux responsables européens, la présidence a été menée à bien. Certains reportages présentés à la télévision polonaise parlent d’une note de 20/20 établie par divers eurodéputés et responsables nationaux. Selon Martin Schultz, le futur Président du Parlement européen, c’était la présidence la plus réussie qu’il ait vu durant sa carrière européenne.

En effet, les valeurs ajoutées sont nombreuses : très bonne préparation du déroulement des réunions, experts compétents, souvent jeunes, effort pour une Union européenne unie et… l’enthousiasme ! La Pologne a entamé sa présidence en envoyant un signal important, celui de l’optimisme dont la vieille et fatiguée Europe avait besoin.

A Varsovie, de nombreux fonctionnaires ont travaillé longtemps en amont sur cette présidence, sur l’implication, la détermination et le coût de ce travail. Certaines personnes ont poussé à l’extrême en mettant leur vie personnelle entre parenthèses pour six mois.

Mikolaj Dowgielewicz, Ministre polonais des Affaires européennes se réjouit que la Présidence ait su montrer la Pologne en tant que pays dynamique ayant une économie moderne.

De plus, beaucoup d’Européens ont remarqué l’enthousiasme que la Pologne souhaitait apporter dès le 1er juillet dernier. Selon le Ministre, ce message est resté d’actualité jusqu’au 31 décembre 2011.

Une présidence difficile dans une crise menée depuis Berlin et Paris

A la veille de la présidence, la Pologne voulait se concentrer sur les priorités suivantes :
 l’intégration européenne en tant que source de croissance,
 une Europe sûre,
 une Europe qui tire profit de l’ouverture,
 la relance de l’Europe de la Défense,
 la sécurité énergétique,
 l’ouverture à l’Est de l’Union européenne (mener à son terme le processus d’adhésion de la Croatie),
 le Partenariat Oriental pour renforcer les relations économiques et politiques avec les 6 pays de l’ex-URSS (l’Ukraine, la Moldavie, le Belarus, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie).

Le programme s’annonçait donc chargé et a été accompagné d’un souffle à l’Est apportant de l’énergie. Cependant, l’actualité européenne brûlante et la crise de la zone Euro ont obligé la Pologne à modifier le programme. Nombreux sont ceux qui critiquent la place du duo « Merkozy » qui, en quelque sorte, a « effacé » les 27 afin de mener une politique européenne depuis Paris et Berlin et a éclipsé la Pologne qui ne fait pas partie de la zone Euro. La présidence a donc été forcée de s’installer au deuxième plan à cause de la crise et de ses acteurs plus importants. La voix de la Pologne n’a pas été suffisamment entendue et certains dossiers, comme ceux de la sécurité énergétique ou encore de la défense, n’ont quasiment pas avancé.

Une seule fois, le message polonais a fait écho dans les capitales européennes, malheureusement passé assez inaperçu en France. Radosław (Radek) Sikorski, le Ministre polonais des Affaires étrangères, a prononcé à Berlin le 28 novembre dernier un discours qui selon Jacques Rupnik « est peut-être le plus grand discours d’un chef de diplomatie d’Europe centrale ces derniers 20 ans ». Dans son discours intitulé “Poland and the future of the European Union”, M. Sikorski a plaidé pour une UE plus intégrée et a notamment annoncé que la Pologne allait rejoindre la zone Euro. Redoutant que l’éclatement de la zone euro n’entraîne "une crise avec des proportions apocalyptiques", M. Sikorski a déclaré que ce dont il avait le plus peur n’était pas "la puissance de l’Allemagne" mais "l’inaction de l’Allemagne". Il a donc appelé l’Allemagne à faire « plus d’efforts » car l’UE a besoin d’elle. En effet, c’est la première fois qu’un homme politique polonais ait fait un appel pareil, un vrai manifeste d’une politique europhile de la Pologne et de sa confiance en l’Union.

Les résultats de la Présidence et le point de vue des Polonais

Au cours des deniers six mois, 100 actes législatifs de l’UE ont été menés à terme. Quelques succès méritent d’être rappelés :
 l’accord sur un brevet unique européen
 le renforcement du Fonds européen de stabilité financière
 l’achèvement des travaux sur le paquet relatif à la gouvernance économique ("six pack")
 le lancement des travaux destinés à mettre au point un traité intergouvernemental pour une Union économique renforcée
 la signature du traité d’adhésion avec la Croatie ainsi que la progression rapide des négociations d’adhésion avec l’Islande tout en soutenant l’avancée des candidatures serbe et monténégrine. Malgré le contexte difficile, un certain nombre des dossiers a progressé.

Que pensent les Polonais de tout cela ? Les questions européennes sont-elles au coeur de leurs préoccupations ? Ces sondages sont bien connus et souvent cités par les responsables politiques polonais : une grande majorité des Polonais (77%) trouve que le pays a profité de son adhésion à l’UE. Ce résultat est contrasté par rapport à l’opinion moyenne dans l’UE (55%). Par ailleurs, les citoyens polonais se montrent également satisfaits de l’appartenance à l’UE (62%), alors que le résultat moyen européen s’élève à 49%.

Cependant, les Polonais avouent de ne pas être très au point sur le fonctionnement de la présidence du Conseil de l’UE. Selon le sondage de TNS OBOP uniquement 23% des citoyens ont entendu parler de la présidence avant son lancement ! En répondant à la question sur la présidence, 17% ont décrit leur connaissance comme avancée alors que 46% une connaissance mineure. La conclusion suivante se forme : les Polonais ont un sentiment de satisfaction pour l’UE malgré un manque d’intérêt pour les questions européennes.

Le Polonais lambda a d’autant plus eu du mal à entendre parler de l’UE en automne dernier. Les élections législatives et sénatoriales qui ont eu lieu le 9 octobre 2011 ont provoqué quelques conflits sur la scène nationale polonaise attirant l’attention des médias. Les Polonais ne sont sentis impliqués dans l’aventure européenne de ces derniers dix mois.

La Pologne a quitté les manettes le 1er janvier 2012 en laissant la place aux Danois. L’agenda sera dominé par la crise dans la zone euro et le renforcement de la discipline budgétaire des pays membres. La reconstruction de la confiance des citoyens s’avère aussi primordiale.

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