La candidature Serbe, Comment l’Europe peut réagir face à l’entrée des Balkans ?

, par Pieter de Jaegher, Traduit de l’anglais par les JE-Lille

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La candidature Serbe, Comment l'Europe peut réagir face à l'entrée des Balkans ?

La demande d’adhésion de la Serbie déposée le 22 novembre 2009 marque un nouveau pas dans l’élargissement de l’Union Européenne (UE).

Un pas de géant pour certains, pas seulement pour les pays actuels de l’UE mais notamment pour les Balkans. Cependant la candidature du pays et sa probable adhésion dans l’UE soulève de nombreuses questions face à l’action de l’UE pour cette région.

Tout d’abord, les bonnes nouvelles. La démarche serbe mènera les Balkans dans le 21eme siècle et dans l’Europe. Depuis la fin de l’ère Milosevic le pays à réussit en seulement 9 ans à atteindre une maturité politique et économique malgré la guerre sanglante des années 90. Une fois encore cette évolution illustre l’influence de l’UE sur ses voisins et que son processus d’intégration reste un projet de paix.

La paix reste un point essentiel car la Serbie n’est pas le seul pays des Balkans à déposer sa candidature pour une éventuelle adhésion, d’autres pays de la région possèdent déjà le statut de candidat, comme la Croatie ou l’ancienne république Yougoslave de Macédoine (ARYM) notamment.

L’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et le Kosovo ont déjà signé un pacte de stabilité ave l’UE et possèdent implicitement un statut de candidat. La Slovénie fut le premier pays des Balkans à rentrer dans l’UE en 2004 et adopta l’euro en 2007. Ce projet est important pour l’UE, cette dernière pouvant marquer sa force en espérant améliorer la situation des Balkans après l’échec de son intervention durant la guerre. Cet échec ne doit pas être réitéré, l’UE à déjà montrée qu’elle peut réconcilier des pays possédant une histoire sanglante et doit reproduire ce processus.

L’Union Européenne a un rôle majeur à jouer dans la réconciliation des Balkans

En devenant membre de l’UE les pays pourront ouvrir leurs frontières en ne dépendant plus uniquement des relations avec les pays voisins et en permettant une nouvelle ouverture sur le monde. Une nouvelle politique concernant les visas pour la Serbie, le Monténégro et l’ARYM doit être la suite logique d’une telle ouverture. « Vivre sous son clocher », cette expression néerlandaise affirme qu’une personne ne s’appuyant et ne vivant que sur ses propres coutumes ne possédera pas une ouverture sur le monde suffisante, une analyse qui peut être transposée au conflit Yougoslave. L’UE peut proposer un autre avenir à ces pays.

Face à ce problème l’Union Européenne doit agir, elle ne peut rester telle une autruche à attendre que les problèmes se résolvent d’eux même et adopter des mesures permettant d’améliorer les relations entre ces pays où le spectre sanglant peut ressurgir à n’importe quel moment.

La Serbie peut également devenir un atout pour l’UE sur la scène internationale. Elle possède déjà des liens étroits avec la Russie. Les deux pays partageant une religion et une culture similaire ainsi qu’une histoire commune. Cela serait certainement un grand avantage pour l’UE, la Russie étant appelée à devenir un partenaire d’importance croissante pour l’Europe dans le futur.

La paix semble encore fragile

Cependant de nombreux problèmes subsistent, les relations entre les différents pays sont toujours très tendues et la paix semble encore fragile dans les Balkans. La position serbe lors de la prise d’indépendance du Kosovo en 2008 montre que le conflit n’est toujours pas résolu. Il est à noter l’équilibre fragile en Bosnie-Herzégovine entre les différents groupes ethniques serbes, croates et bosniaques. Il faut préciser qu’il existe toujours un haut représentant dans ce pays qui surveille l’application et le respect des accords de paix de Dayton. Cette fragilité s’illustre parfaitement du fait qu’il n’existe toujours pas de voie ferré entre Sarajevo et Belgrade [1]. L’adhésion de ces pays pourrait paralyser l’UE où les griefs de chacun surgiraient lors des prises de décisions et conduirait l’UE dans une impasse.

Les avantages d’une possible meilleure relation avec la Russie en cas d’adhésion de la Serbie peuvent aussi être renversés. A travers un allié au sein même de l’UE, la Russie pourrait étendre son influence sur l’ensemble continent européen. Cependant nous ne devons pas exagérer ce risque. D’autres pays européens tels que l’Italie et l’Allemagne possèdent déjà de liens très étroits avec la Russie.

L’animosité dans les Balkans n’est pas le seul point à évoquer. En Serbie des criminels de guerre sont toujours recherchés, voir protégés. Ce point important a provoqué l’hostilité de la Belgique et des Pays Bas face à la signature du pacte de stabilité avec la Serbie. Avant toute adhésion le pays doit poursuivre les criminels et juger ceux ci, le processus de réconciliation n’étant envisageable qu’après cette mesure.

De plus l’UE être particulièrement attentive à ne pas admettre des pays ayant une situation politique et économique instable. La situation de la Roumanie ou de la Bulgarie, où la fraude et la corruption sont toujours des sujets de grande préoccupation, doit être à tout prix évitée. De même pour la Grèce, qui souffre encore de grandes difficultés internes malgré son appartenance prolongée dans l’UE.

L’UE est-elle prête à un nouvel élargissement et est-il réellement sage de prendre en charge en son sein des Etats en souffrance possédant des difficultés financières et institutionnelles, abstraction faite de la Croatie ? Une nouvelle série d’élargissement ne risque-t-elle pas de saper plus encore les institutions politiques et le processus décisionnel de l’UE ?

Bien sur la candidature ne représente qu’une première étape et l’ensemble des Balkans ne peut prétendre à rentrer actuellement dans l’UE. Mais il est important de commencer à réfléchir aux problèmes qui referont surface le moment venu. La Turquie en est l’exemple parfait. Ces pays sont appelés à rejoindre l’UE un jour ou l’autre. Il serait dangereux de les laisser sur le banc de touche et d’enfermer cette région en la coupant du reste du monde. Cette candidature doit donc être applaudie et considérée comme un grand moment de la construction européenne marquant la fin d’une page sanglante de l’histoire.

Illustration : Frontière serbe, côté hongrois

Source : www.flickr.com

Notes

[1Depuis la rédaction de cet article, la voie ferrée entre Sarajevo et Belgrade a été rétablie, comme en témoigne cet article paru sur le New-York Times.

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