La constitution de Pâques hongroise

Pourquoi l’Europe doit s’inquiéter à partir de deux exemples

, par Traduction de Benoît Pélerin, Elisabeth Katalin Grabow

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La constitution de Pâques hongroise

Ça y est, c’est arrivé, le 18 avril – la ”révolution conservatrice”, le “soulèvement par les urnes” a abouti. La Hongrie s’est dotée d’une nouvelle constitution. Après le tôlé de la loi sur les médias dans toute l’Europe, la réaction des Etats européens à ce qu’on appelle la “constitution de Pâques” est attendue.

Avec la nouvelle constitution Vikor Orbán fait de la couronne sacrée le dépositaire du pouvoir.

Une ancienne constitution socialiste ?

Le Fidez, l’actuel parti au pouvoir en Hongrie, parle de l’ancienne constitution comme d’un reliquat du socialisme. Certes celle-ci date de 1949, mais seule l’affirmation “La capitale de la Hongrie est Budapest” est restée après 1989.

Pour le reste la toute jeune opposition d’alors a veillé à ce que toutes les valeurs fondamentales de la démocratie figurent dans la nouvelle constitution. Viktor Orbán, déjà président du Fidesz (alors un syndicat étudiant avant de se transformer en parti politique), a ainsi participé activement à l’élaboration de la constitution de 1989.

La nouvelle constitution sous le feu de la critique

La nouvelle constitution maintenant adoptée – le gouvernement parle de „alaptörvény“ (loi fondamentale) – a de quoi donner des frissons aux spécialistes en droit. La critique la plus lourde, concerne le préambule. Là où les autres constitutions y font figurer les objectifs d’Etat ainsi que des aides à l’interprétation future par la cour constitutionnelle, le „nemzeti hítvallás“, c’est-à-dire la profession de foi nationale, parle de la tradition constitutionnelle millénaire de l’histoire hongroise et de la couronne sacrée comme éléments constitutifs d’une identité.

La couronne sacrée hongroise est bien singulière au niveau mondial. Tandis que dans les autres monarchies la couronne symbolise le pouvoir, en Hongrie elle en est le dépositaire, un objet historico-culturel dépositaire de la souveraineté étatique.

Ce n’est pas tout, en plus des revendications territoriales de la couronne remontant à l’époque du traité du Trianon, la chrétienté est sacrée comme religion nationale dans la profession de foi nationale. Soit dit en passant, du point de vue du droit constitutionnel, il en découle une prééminence de la communauté chrétienne. Le droit garanti à la liberté confessionnelle serait ainsi miné.

L’avortement interdit ?

La critique peut et doit pourtant aussi s’étendre à d’autres points du texte. Partout en Europe, les constitutions donnent des droits. Si restrictions il y a, on les trouvera directement dans les articles. Ainsi par exemple, l’assemblée constitutionnelle de 1948/49 a-t-elle choisi la formulation “régi plus avant par la loi fédérale”. Or même ce genre de restriction manque dans les passages clef de la constitution de Pâques. Deux exemples l’illustrent.

La nouvelle constitution hongroise protège le droit à la vie à partir du moment de la fécondation. Deux interprétations s’offrent ici. L’une positive, et recherchée par le gouvernement : en cas d’avortement volontaire, le droit de la mère à l’autodermination et à l’épanouissement personnel devrait être mis en balance avec celui de l’enfant à naître. Il n’y a rien à opposer jusque là. Ce débat a eu lieu en Allemagne aussi. Au début des années soixante-dix.

La cour constitutionnelle, en tant qu’instance décisionnelle, devrait alors statuer car les lois sur l’avortement ayant cours jusque là se retrouvent contraires à la constitution et ne seraient ainsi plus applicables. La cour constitutionnelle peut à présent faire appel à la profession de foi nationale. Face à l’absence de restriction au droit à la vie il n’y a d’autre choix que de faire jouer deux droits fondamentaux l’un contre l’autre. Le résultat semble évident, le lien solide à la Chrétienté fera de l’avortement un acte illégal.

Trop de pouvoir au président

Un autre point, non moins frappant, concerne le pouvoir accordé au président. On trouve dans la description de ses prérogatives : “le président peut dissoudre le parlement”, sans aucune forme de restriction, ni de condition. Il n’y a ici aucune marge pour l’interprétation, le président se voit reconnaître une plénitude du pouvoir telle qu’on n’en a pas vu depuis la République de Weimar.

Les critiques diront que ces deux exemples n’ont pas été choisis au hasard, mais nous pouvons ici reprendre le philosophe János Kis pour qui “Cette constitution n’ouvre aucunement une nouvelle ère, mais bien un compte à rebours, vers le passé”.

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