La grande famille des partis européens

, par Traduit par Clotilde Nicolas, Joan Marc Simon

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La grande famille des partis européens

Au vu des prochaines élections du Parlement Européen et du profond sommeil dans lequel semblent se trouver les politiques européens, un grand espoir de revitaliser le débat se tient dans le rôle que les partis politiques européens peuvent jouer dans les prochains mois.

Pour la première fois dans la brève histoire des politiques européennes, les partis politiques européens seront autorisés à faire campagne, auront un budget et les formations politiques auront la possibilité de jouer un rôle.

Les partis politiques européens ressemblent cependant encore à d’étranges animaux. En effet, les membres des partis politiques européens sont des partis nationaux, et non pas des individus ; ils ne constituent pas de liste de candidats, chaque formation a ses propres listes ; et, ils ne sont pas les acteurs principaux de la campagne car elle se déroule au niveau national. Par ailleurs, ils n’élaborent habituellement pas de programme commun, et quand ils le font, celui-ci ne peut être mis en œuvre car les élections ne concernent que la chambre basse législative, sans aucun impact sur l’exécutif, le parti vainqueur n’a alors aucune possibilité d’appliquer son programme. Enfin, ils ne détiennent aucun pouvoir sur la direction de l’Union Européenne (UE), même quand ils gagnent les élections, et s’ils en avaient, le système actuel ne le leur reconnaitrait pas…

Tout ceci est encore plus étrange si l’on pense que le Parlement Européen représente les citoyens alors même qu’ils ne peuvent influer directement sur la ligne des partis politiques, définie par les partis nationaux. Les partis politiques européens vont devoir affronter de forts enjeux, où un autre étrange animal de la politique européenne rentre en ligne de compte, perçus par certains comme un fantôme et par d’autres comme une nymphe endormie : la démocratie européenne.

Il est clair que, pour les pères de l’Europe, la « conscience européenne » – comme elle est dénommée dans le Traité de Maastricht – ou le concept de « peuple européen » était vital pour le futur de l’Union Européenne. Le Parlement Européen a ainsi été créé pour personnifier la démocratie européenne, que la seule institution européenne directement élue par les citoyens était censée faire vivre. Dans ce processus de dépassement des états d’esprit nationaux et de construction de la démocratie européenne, les partis politiques avaient été pensés pour jouer un rôle important. A l’heure actuelle, on peut supposer que leur contribution au projet européen reste une page blanche, à écrire rapidement.

Les campagnes pour les élections du Parlement Européen ont toujours été conduites au niveau national, avec des arguments nationaux, ne consacrant qu’une infime part du débat aux véritables problématiques européennes. Or la grande majorité des lois nationales prend source dans le droit européen, où le Parlement Européen joue un rôle majeur. En observant le nombre de lois européennes directement retranscrites dans le droit d’autres pays non européens, il serait possible d’affirmer que les élections du Parlement Européen sont sans nul doute parmi les plus importantes élections au monde.

Mais alors pourquoi une si faible participation ? Est-ce parce que les citoyens ne comprennent pas l’enjeu de cette élection ? Est-ce parce que les partis nationaux sont dénués de pédagogie ? La réponse est probablement plurielle. Mais une chose est sûre, les partis européens peuvent aider à combler le fossé en étant le lien entre l’institution européenne et les citoyens, en abordant avec enthousiasme l’élection du Parlement européen, en redonnant le sens de cette élection, la répartition du pouvoir européen.

Typiquement, n’importe quelle campagne électorale est rythmée par des « visages », des « promesses », des « attentes », de « l’enthousiasme », de « l’espoir » ! Aux Etats-Unis, les élections de novembre dernier nous ont montré l’importance de la personnification de l’espoir. Qui va personnaliser l’espoir européen ?

L’Union Européenne est le premier donateur en faveur de l’aide au développement dans le monde, sa législation environnementale est la plus progressiste, la qualité de vie de ses habitants est enviée partout à travers le monde… Le rêve européen est bien plus réel que le rêve américain ! Et maintenant, où est le marketing ? Qui représente ces acquis ? Qui peut légitimement expliquer aux Européens ainsi qu’aux citoyens du monde ce que l’Union Européenne accompli et pourquoi c’est si important ?

Il est nécessaire de relier les élections du Parlement Européen à une idée politique de l’Union Européenne, qui puisse être mise en œuvre et dont les responsabilités puissent être questionnées tous les 5 ans. Cet idéal européen devrait être lié à un visage, animé par une personne représentant l’espoir. La contribution des partis européens est indispensable au jeu de la concurrence entre figures européennes. S’ils ne veulent pas jouer ce jeu politique et restent otage des intérêts de leurs partis nationaux, le projet européen perdra progressivement toute sa légitimité.

Aujourd’hui la question fondamentale consiste à savoir si la baisse continue de la participation aux élections du Parlement Européen est un problème structurel ou s’il s’agit plutôt d’une tendance temporaire. Si le problème est structurel, la direction du bateau doit être contrôlée si l’on veut éviter de voir le projet couler. Les partis politiques européens jouent un rôle vital dans cette nouvelle direction que l’Union Européenne doit prendre pour démocratiser la composition de son exécutif. Les partis européens ne sont pas d’étranges animaux par nature, mais plutôt car ils ne sont pas des créatures abouties !

Si la démocratie européenne est conçue pour exister, les partis européens doivent poursuivre leur transformation vers des mouvements politiques solides, qui travaillent avec les structures démocratiques et élisent le leader qui personnifiera leur vision de l’Union Européenne et la défendra sur la place publique. Ainsi les citoyens européens auront un choix significatif à faire et la participation augmentera.

Sans cela, nous continuerons à attendre que les citoyens donnent la bonne réponse à une mauvaise question. Et la meilleure réponse à une mauvaise question est parfois le silence : les gens ne viendront plus voter… Les citoyens veulent décider du pouvoir et de la personne qui portera leurs espoirs pour le futur. Les élections du Parlement Européen sont importantes mais le temps est venu pour les partis européens de grandir et de répondre aux attentes des citoyens : un choix entre des programmes politiques et des personnalités politiques.

Illustration : Le Parlement Européen

Source : Service audiovisuel de la Commission européenne

Vos commentaires
  • Le 10 avril 2009 à 10:48, par landruc En réponse à : La grande famille des partis européens

    Entièrement d’accord avec votre analyse. Mais voici une explication (parmi d’autres) à l’abstention. Les citoyens européens n’existent pas à proprement parler, il n’existe que des citoyens « nationaux ». C’est là que réside la grande difficulté de la démocratie en Europe. Comment rendre démocratique un espace qui ne « parle » pas aux citoyens qui le composent, sachant que ces citoyens ont une vision claire de la vie politique dans leur pays mais sont dans le brouillard concernant la vie politique Européenne. J’en veux pour preuve que tout citoyen, dans son pays, sait exactement de quel responsable politique il se sent le plus proche parce q’il sait où se situent chaque hommes politique les uns par rapport aux autres. Au niveau européen, le citoyen est incapable de dire de quel homme politique européen il se sent le plus proche, car il ne sait pas où se situent les hommes politiques européens les uns par rapport aux autres. Pour illustrer mon propos, on peut dire qu’un citoyen européen peut penser que l’europe de De Villiers est plus proche de celle du Labour anglais bien que ce dernier soit officiellement rattaché aux socialistes européens qui, en théorie, sont très éloignés de De Villiers. Au niveau européen il est impossible de connaître qui veut quoi en Europe et je mets au défi quiconque de pouvoir m’indiquer, pour chaque parti politique des 27 pays (cela fait beaucoup de partis…), quelle est l’Europe que ce parti défend. Tant que cet effort de clarté ne sera pas fait, il sera très difficile de dépasser le cadre national et de passer du citoyen « national » au citoyen « européen ».

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