A l’heure du centenaire français sur la Loi de 1905 :

Laïcité en Europe, Laïcité et Europe :

Vers l’édification d’un espace de tolérance, de respect mutuel et de libertés communes.

, par Fabien Cazenave

Laïcité en Europe, Laïcité et Europe :

À l’heure où on commémore, en France, ces jours-ci, le centenaire de la Loi de 1905 de « séparation des Eglises et de l’État », peut-être est-il temps de faire le point sur cette question au niveau européen...

Si nous étions en 1905 en France, il nous serait sans doute bien difficile d’imaginer que la loi sur la Laïcité venant alors d’être adoptée par la Chambre des députés serait célébrée, 100 ans plus tard et de concert, par les Républicains, les Francs-Maçons... et les Chrétiens !

À l’heure où certaines voix s’élèvent aujourd’hui, en France, pour adapter cette loi au fait que les Musulmans ne possèdent pas de lieux de cultes dignes de ce nom (et afin que l’État vienne les aider à les construire...), peut-être est-il temps de faire un point sur ce qu’est la Laïcité au niveau européen.

Laïcité et Laïcisation

Selon un spécialiste reconnu sur ces questions comme M. Jean Baubérot [1], la Laïcité (terme apparu en France) repose sur 3 piliers : « l’égalité des religions et des convictions », la « non domination de la Religion sur l’État » et le « respect de la liberté de conscience » (et de sa pratique).

Or, aujourd’hui, la plupart des États européens adopte des éléments de laïcisation.

Ainsi nous sommes passés du système de la Religion d’État à un système d’entente entre les Etats et les religions, comme c’est aujourd’hui le cas en Italie, en Espagne ou en Suède.

Un principe juridique européen en construction

Ce principe se construit aussi à un niveau juridique : notamment avec la « Cour européenne des droits de l’homme » (CEDH).

Pareillement, la « Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (adoptée en 1950) protège, dans son article 9, les droits de l’homme sur la « liberté de pensée, de conscience et de religion » (ce qui implique la liberté de « changer » et de « manifester » sa « religion ou sa conviction »).

Néanmoins, cette même Convention européenne précise de façon limitative les « restrictions » qui peuvent être apportées à la manifestation de la religion ou de la conviction.

Cela doit être « prévues par la loi » et constituer des « mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publique, ou à la protection des droits et des libertés d’autrui ».

Et cette Convention n’est pas seulement là une déclaration de principes : elle permet aussi un recours vis-à-vis des États qui ne la respecteraient pas.

Ce qu’en disent les traités communautaires

Cette question apparaît pour la première fois dans les traités communautaires à l’occasion de la signature du Traité d’Amsterdam (signé par les « Quinze », en octobre 1997) : un texte qui estimait que le statut des religions et des organisations religieuses non-confessionnelles faisait, hors compétences communautaires, partie du strict « droit national ».

Néanmoins, les récentes discussions sur le « Traité constitutionnel pour l’Europe » ont cependant parfois été vives pour savoir s’il fallait ou non, dans son préambule, y faire référence aux « racines chrétiennes de l’Europe » (position soutenue notamment par l’Espagne et la Pologne).

Cependant et par ailleurs on notera que la « Cour européenne des droits de l’homme » a donné, d’une manière générale, une jurisprudence progressive induisant ainsi une sorte de « laïcité des conséquences » :

Sans empêcher l’existence d’une religion officielle, elle interdit que celle-ci ne contrevienne au « pluralisme - chèrement conquis au cours des siècles », « consubstantiel » à une « société démocratique » et « bien précieux », non seulement pour les croyants mais aussi pour « les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents » [2].

La Laïcité : ou comment dépasser les frontières religieuses, pour la paix.

L’établissement global de ce respect de chacun dans ses croyances, par le biais de la sécularisation de la Société (dans une séparation de fait) ou de principes laïcs (imposés par la loi), a ainsi été l’un des facteurs de Paix dans une Europe souvent déchirée par les conflits religieux.

Le dépassement des frontières religieuses correspond ainsi à un mouvement commun en Europe.

Et, pareillement, remarquons que c’est bien le dépassement des frontières nationales qui, depuis le début de l’aventure européenne, assure cette même Paix sur notre continent.

Et gageons que l’aboutissement de l’Europe politique en sera le ciment.

Notes

[1[Jean Beaubérot (blog : http://jeanbauberotlaicite.blogspirit.com/ ).
 Titulaire de la Chaire « Histoire et Sociologie de la Laïcité », à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE).
 Fondateur et ancien Directeur du Groupe de Sociologie des Religions et de la Laïcité, au CNRS et à l’EPHE.
 Membre de la Commission indépendante sur l’application du principe de Laïcité dans la République dite « Commission Stasi » (en juillet-décembre 2003).

[2Arrêt « Kokkinakis contre Grèce » du 25 mai 1993, CrEDH

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