Le MES et l’UE : soigner le mal par le mal

, par Joann Plusalainet, Loïc Charpentier

Le MES et l'UE : soigner le mal par le mal
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Le 16 et 17 décembre 2010 à la suite de la crise grecque, les chefs d’Etats des entités de l’Union européenne ont décidé de créer Le MES : Mécanisme européen de Stabilité soit l’Union des dettes. Cette institution intergouvernementale, rattachée à l’UE a pour but de mettre fin aux spéculations sur les dettes des Etats membres.

Un mécanisme solidaire de lutte contre la spéculation

Ce dispositif de gestion de crises financières consolide et fusionne désormais le Fonds européen de stabilité financière (limité à la zone euro) et le Mécanisme européen de stabilité financière (limité à l’Union européenne) qui avaient été mis en place en réponse à la crise de la dette publique. Voté au Parlement le 23 mars 2011 et soumis à ratification le 21 février 2012 ; il a été mis en place le 27 septembre 2012. Effectif depuis le 08 octobre 2012, il se compose d’un conseil des gouverneurs composé des ministres des finances des pays membres de la zone euro et d’un directeur général. Situé à Luxembourg, son statut est celui d’une "Institution financière internationale" (issue d’un traité intergouvernemental) indépendante de l’Union européenne mais néanmoins placée dans le sillon de l’Union puisque Herman Van Rompuy la préside. De ce fait, tous les États membres dont la monnaie est l’euro font partie du MES dont les droits de vote sont proportionnels à la contribution au capital. Ainsi l’Allemagne est titulaire de 27% des votes, l’Italie d’environ 17%.

Le MES a pour mission de créer un fonds commun de créances et de lever des fonds sur les marchés financiers afin d’aider, sous conditions des États en difficulté, en partie par la réduction des taux d’intérêt pour leurs emprunts et de participer à des sauvetages de banques privées. Aujourd’hui, ce mécanisme est principalement mis en place pour la Grèce, l’Irlande, les pays de la péninsule ibérique ainsi que l’Italie. Pour cela, il dispose d’une capacité initiale de prêt de 700 milliards qui se divise en capital libéré d’un montant de 80 milliards ; c’est l’apport immédiat des pays membres au fond, et de 620 milliards de capital appelable qui est un apport facultatif des pays en cas de besoin. Etant doté de la personnalité juridique, le fond a la possibilité d’emprunter sur les marchés financiers à hauteur de 500 milliards.

Concrètement, en cas de difficulté d’un État membre de la zone euro, 80 milliards d’euros pourront être immédiatement versés pour le renflouer. Si cela nécessite plus, le MES pourra emprunter sur les marchés ou bien faire appel aux Etats membres par solidarité. La France deuxième contributeur prévoit de doter le Mécanisme de stabilité financière à hauteur de 20% au total (140 milliards d’euros), dont 16 milliards d’euros sur le capital "libéré".

Aujourd’hui après sa création, le Mécanisme européen de stabilité, dont le directeur général est Klaus Regling pour les cinq ans à venir, fait l’objet de critiques de la part d’une partie de la classe politique européenne.

Un mécanisme critiqué plus qu’apprécié

En effet, certaines voix se sont élevées contre le MES. En Allemagne des membres de partis mineurs (CSU et parti libéral-démocrate) de la coalition gouvernementale s’opposent au traité. Quant à l’éditeur de Wirtschaft aktuell, Eike Hamer, il s’y oppose car pour lui les Etats membres voient leur souveraineté « abolie » rendant l’application des principes démocratiques illusoires.

Mais ce traité reste adoubé en majorité par les partis gouvernementaux européens malgré quelques réserves comme Catherine Trautmann, ancienne Ministre de la Culture et maire de Strasbourg, s’exprimant sur le site du parti socialiste européen. Elle considère que l’Union européenne n’est pas allée assez loin dans les outils du MES, considérant qu’il fallait délivrer, en partie, une licence bancaire. D’ailleurs, Daniel Cohn-Bendit parlait lui d’un pas vers la mise en place d’obligations européennes dans l’édition du 20 février 2012 du journal Libération.

Au niveau européen, l’économiste en chef de la BCE estimait, en 2011, que la crise de la dette et les mises en place de mécanismes de solidarité conduiraient à la création d’ « un ministère des finances européen ».

Un appauvrissement dictatorial

On peut donc affirmer aujourd’hui que ce mécanisme reste insuffisant et imparfait. D’une part, il conduit à une création d’entité nouvelle et inclassable dont les conséquences sont inconnues faute de parallèle et d’autre part, il renforce l’appauvrissement de certains Etats.

En effet, le MES fut créé par un traité intergouvernemental ne permettant pas la création d’un contrôle démocratique de ses activités si ce n’est par le conseil des gouverneurs, mandataire des gouvernements nationaux. Aucun Parlement des Etats membres, encore moins celui de l’Union européenne, a un droit de regard sur les actions menées par l’institution que ce soit sur les marchés ou bien de l’utilisation des fonds versés par les Etats.

De plus, les décisions sont prises au sein du conseil des gouverneurs à la proportion des fonds apportés. Il est nécessaire d’avoir 85% des voix pour qu’une décision soit prise . Or, cela confère un droit de veto à trois pays : l’Allemagne, la France et l’Italie ; ceci au détriment des autres Etats contributeurs.

A cela s’ajoute normalement une effectivité quasi « automatique » des sanctions prévues par le traité de Maastricht de 1992. Ainsi, les juges européens pourront infliger une amende jusqu’à 0.1% du PIB du pays et 0.5% par le Conseil. Or, ici, on vient à soigner le mal par le mal en enfonçant le pays un peu plus dans des déboires financiers, ce qui est illogique même pour un non érudit en économie.

Enfin, le MES est un organisme qui vient en aide aux pays aux abois sous réserve de conditions : une politique d’austérité rigoureuse notamment. Cette dernière entraîne mathématiquement un appauvrissement soit par les salaires, comme c’est le cas en Grèce aujourd’hui, soit par la dévaluation de la monnaie ce qui risque d’arriver à la Grèce au final, en cas de sortie de la zone euro. En d’autres termes, la politique d’austérité des prestations sociales demandée aux pays ne peut avoir d’effets positifs car elle ne permet pas un choc de compétitivité tout en maintenant un pouvoir d’achat au sein du pays. Ce dernier est décapité par la baisse des salaires et la hausse des taxes sur les prix, comme en Espagne.

Le résultat est sans appel ; une récession violente, un pouvoir d’achat « en miette » et un avenir plus noir que rose. Aujourd’hui, la politique menée réduit à néant les progrès économiques faits par les pays ces 20 dernières années et entraîne une rupture au sein du peuple européen malgré cette avancée fédéraliste.

Cette avancée fédéraliste, que constitue le MES, est donc imparfaite. Bien qu’il lutte contre la spéculation, le mécanisme est avant tout peu démocratique par sa construction institutionnelle et renforce les effets de pauvreté. Il serait temps de passer réellement à une union politique avec une construction institutionnelle démocratique basée sur une solidarité.

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