Le Premier ministre portugais, José Sócrates, a annoncé à la fin du Conseil européen de Bruxelles, présidé par la chancelière allemande, Angela Merkel, que la Présidence portugaise de l’UE, qui commencerait le prochain 1er juillet, convoquera une conférence intergouvernementale (CIG), avec début les 23-24 juillet, ayant pour but de rédiger le futur Traité européen. José Sócrates a ajouté qu’il souhaite que le Traité puisse être adopté en Octobre, lors du sommet de Lisbonne, qui réunira les Chefs d’État et de Gouvernement.
Il est particulièrement intéressant d’examiner quelles sont les victoires remportées par les partisans d’un nationalisme européen, les nonistes français et les partisans d’une Europe politique.
1. Les souverainistes ont marqué des points
Les concessions qui leur sont accordées sont nombreuses. Le concept constitutionnel, qui consistait à abroger tous les traités actuels pour les remplacer par un texte unique appelé "Constitution", est abandonné : le traité modificatif introduira dans les traités actuels, qui restent en vigueur, les innovations découlant des travaux de la CIG de 2004.
Le terme "Constitution" ne sera pas utilisé, le "ministre des affaires étrangères de l’Union" sera appelé haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et les termes "loi" et "loi-cadre" seront abandonnés au profit du maintien des termes actuels de "règlements", "directives" et "décisions".
De même, les traités modifiés ne contiendront aucun article mentionnant les symboles de l’UE tels que le drapeau, l’hymne ou la devise. En ce qui concerne la primauté du droit de l’UE, la CIG adoptera une déclaration rappelant la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE.
L’article sur la primauté du droit de l’Union ne sera pas repris mais la CIG adoptera la déclaration suivante : « La Conférence rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’UE, les traités et le droit adopté par l’Union sur la base des traités priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence ».
2. Les partisans d’une Europe politique ont sauvegardé les principaux acquis institutionnels du traité constitutionnel européen
Le Traité simplifié reprend les principaux changements institutionnels proposés par le projet de constitution européenne. Il prévoit :
– La mise en place d’une Présidence stable du Conseil européen (pour 2 ans et demi)
– Un haut représentant de l’Union pour la politique étrangère et la sécurité, et
– De nouvelles compositions du Parlement et de la Commission dans une Union élargie.
Le futur "haut représentant" présidera de façon permanente les réunions ministérielles et occupera également le poste de vice-président de la Commission, fusionnant les fonctions du Haut représentant, Javier Solana, et celles de la commissaire chargée des relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner. Le haut représentant de la politique étrangère sera soutenu par un service d’action extérieure composé de diplomates européens et nationaux.
3. Les nonistes (ceux qui ont appelé à voter « non » au traité constitutionnel européen) n’ont pas tout perdu
Le texte de la Charte sur les droits fondamentaux ne figurera pas dans les traités. La Charte des droits fondamentaux reste juridiquement contraignante pour l’Union, ses institutions, agences et organes, ainsi que pour les États membres mais uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Elle ne s’appliquera pas au Royaume-Uni. La Grande-Bretagne a aussi obtenu une dérogation sur l’extension du vote à la majorité qualifiée dans certains aspects de la justice et les affaires intérieures (JAI). Sur suggestion française, la présidence allemande a accepté de faire disparaître la référence à la « concurrence libre et non faussée » qui figurait dans les objectifs de l’Union. Dans le compromis Merkel, nous avons : « L’Union européenne offre un espace de marché intérieur ». Rassurez-vous, la politique de concurrence en tant que telle (articles 81 et suivant) n’est pas heureusement modifiée d’un iota.
Suite à une exigence de la Pologne, le système de vote à la double majorité, tel qu’agréé lors de la CIG de 2004, prendra effet le 1er novembre 2014 (au lieu du 1er novembre 2009), et jusqu’à cette date, l’actuel système de vote à la majorité qualifiée continuera de s’appliquer. Par la suite, pendant une période transitoire allant jusqu’au 31 mars 2017, lorsqu’une décision doit être adoptée à la majorité qualifiée, un membre du Conseil peut demander que la décision soit prise à la majorité qualifiée.
La présidence allemande a fourni à son homologue portugaise des éléments très solides pour procéder à la rédaction du traité simplifié très compliqué. Espérons que la conférence intergouvernementale respecte rigoureusement ce mandat.
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