Le paquet énergie-climat : quel bilan ?

, par Camille Lepinay

Le paquet énergie-climat : quel bilan ?

Le 12 décembre, le Conseil européen est parvenu à un accord entre les Etats membres sur le paquet énergie-climat. Le 17 décembre, le Parlement européen adoptait l’accord en plénière. Ce vote marque l’aboutissement de onze mois de négociations (un record de rapidité pour l’UE !) depuis la présentation du projet de la Commission le 23 janvier 2008. Quel bilan peut-on en dresser ?

Alors que les négociations internationales ont commencé à Poznan pour un accord post-Kyoto, l’Union européenne a adopté un plan ambitieux pour faire face au réchauffement climatique et se place en leader mondial. Ce paquet [1] fixe les moyens permettant d’atteindre les fameux objectifs dits « 3x20 » fixées par le Conseil européen de mars 2007, sous Présidence allemande, pour 2020 : réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre, amélioration de l’efficacité énergétique de 20%, augmentation à 20% de la part des renouvelable. De plus, en cas d’accord international, l’objectif de réduction des émissions de CO2 passera à 30%.

L’adoption d’un paquet législatif ambitieux

Le paquet adopté comprend :
  une directive améliorant et étendant à de nouvelles industries le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (système ETS) ;
  une décision sur le partage des efforts des Etats membres fixant des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre ;
  une directive promouvant l’équipement des centrales énergétique en système de captage en sous-sol du CO2 ;
  une directive fixant des objectifs nationaux pour le développement des énergies renouvelables ;
  un règlement et une directive visant à réduire les émissions des voitures et à améliorer la qualité des carburants. On peut souligner que les objectifs par pays proposés par la Commission, pour le développement des énergies renouvelables et la diminution des émissions de gaz à effet de serre, ont été adoptés sans modification. De plus, l’objectif contesté de 10% de biocarburants a été aménagé pour comprendre tous les carburants renouvelables (dont l’hydrogène ou l’électricité notamment) et favoriser les biocarburants de la deuxième génération jugés plus écologiques.

Un paquet dilué ?

Cependant, le paquet adopté est critiqué par les Verts et les organisations écologiques qui accusent la Présidence française d’avoir accepté, au nom de l’impératif du compromis avant fin 2008, de nombreuses dérogations demandées par les Etats membres et les lobbys industriels [2]. Les demandes de certaines industries ont aussi été relayées par certains Etats notamment l’Allemagne, l’Italie ou la Pologne, dans un contexte de difficultés économiques.

Ainsi, pour de nombreux secteurs, 80% des permis à polluer du nouveau système ETS seront distribués gratuitement (au lieu de 70% dans la proposition de la Commission), la part étant progressivement diminuée pour établir un véritable système d’enchère d’ici 2025 (au lieu de 2020). De plus, certaines industries considérées comme « à risque », vis-à-vis de la concurrence internationale, pourront bénéficier de permis gratuits [3]. Selon Claude Turmes, député européen Vert, « avec les critères retenus, 96 % des industries n’auront pas à payer leurs quotas » [4] . De plus, l’objectif de réduction des émissions des voitures à 120g/km d’ici 2020 a aussi été assoupli pour une réduction progressive d’ici 2015 [5] .

Les Etats ont aussi obtenu des clauses de flexibilité pour leurs objectifs de réduction des gaz à effets de serre et d’énergies renouvelables. En particulier, les Etats pourront « compenser » leurs émissions en achetant des crédits issus de projets réalisés dans des pays tiers au titre du Mécanisme de développement propre (MDP) des Nations unies, même si cette compensation ne pourrait pas couvrir plus de 50% des réductions. De plus, les nouveaux Etats membres, Pologne et Hongrie en tête, qui menaçaient d’opposer leurs vétos, ont obtenu gain de cause.

Tout d’abord leurs compagnies électriques ne devront payer que 30% des quotas en 2013 au lieu de 100%. De plus, le mécanisme de solidarité financière, qui prévoyait que 10% du prix de vente des quotas soit reversé aux 19 anciens et nouveaux Etats membres, a été augmenté de 2% supplémentaire qui seront alloués aux 9 nouveaux Etats membres. Enfin, l’Italie a obtenu sa clause de révision en 2014 des objectifs nationaux d’énergies renouvelables.

Le rôle du Parlement européen

La marginalisation du Parlement européen, pourtant colégislateur avec le Conseil des ministres, pourrait aussi être critiquée. Effectivement, l’accord unanime du Conseil européen (et non d’ailleurs du Conseil des ministres) a été décisif, et a été repris tel quel par le Parlement européen. Ce dernier avait sans succès tenté un moment de faire passer le vote en première lecture avant le Conseil européen.

Cependant, il faut souligner à la fois l’impact des rapports adoptés par la Commission environnement du Parlement et le rôle important des rapporteurs du Parlement européen qui ont négocié avec le Conseil (et la Présidence française) dans de nombreuses réunions informelles. Le Conseil a du tenir compte de la position du Parlement. Ainsi, l’accord sur la directive sur les énergies renouvelables date du 9 décembre [6]. De plus, alors que le Conseil ne souhaitait allouer que 100 à 200 millions d’euros pour les mécanismes de stockage de CO2, le chiffre final de 300 millions est assez proche des 350 millions proposés par la Commission Environnement du Parlement.

Enfin, plusieurs avancées par rapport à la proposition de la Commission sont à porter au crédit du Parlement européen comme par exemple des mesures correctrices si les Etats membre dépassent leurs quotas d’émissions de CO2 [7] .

Le « paquet » adopté est naturellement un compromis entre divers intérêts, mais l’esprit initial du projet, défini sous Présidence allemande en mars 2007, a été conservé. Il ne reste plus qu’à le mettre en œuvre ! On peut saluer les efforts de la Présidence française pour parvenir à l’accord en première lecture dans les délais. Le Parlement européen a quant à lui joué son rôle de colégislateur, même de façon informelle, rappelant son poids décisif sur les grands enjeux communautaires. Ce petit rappel tombe à pic, à quelques mois des élections européennes.

Illustration

Source : Service presse de la Commission Européenne Titre : « Energie renouvelable », 27/11/2006

Notes

[1Pour le détail du compromis, voir la note de cadrage du Parlement européen consultable en version synthétique .

[2Voir notamment Daniel Cohn-Bendit, Yannick Jadot et Jean-Paul Besset, « Débandade sur le climat », Le Monde, 18.12.08. Cependant certaines affirmations semblent exagérées si on compare avec la note de cadrage du Parlement européen.

[3Pour le détail des concessions à l’industrie, voir Julie Majerczak et Jean Quatremer, « A chaque signataire sa dérogation », Libération, 13/12/2008.

[4Cité par Julie Majerczak et Jean Quatremer, Climat : un accord européen tempéré, Libération, 13/12/2008.

Vos commentaires
  • Le 26 décembre 2008 à 06:26, par Martina Latina En réponse à : Le paquet énergie-climat : quel bilan ?

    Merci pour cet article clair et concis : car les Eurocitoyens peuvent et doivent contribuer par leur réflexion, par leur vote, par leur action même indirecte ou modeste, à l’approche des problèmes communs comme de leur solution communautaire, et d’abord parlementaire - à commencer en effet par les prochaines élections européennes qui permettront d’y travailler à l’échelle et à la cadence nécessaires. A nous donc de prendre à bras-le-corps également chaque jour, en citoyens responsables et capables de nous organiser, le « paquet » représentant le capital naturel, aussi fragile qu’admirable, à léguer aux générations suivantes - bien entendu à l’instar d’EUROPE traversant la tempête et la nuit pour livrer ses trésors, pour délivrer un continent de l’obscurité, pour fonder enfin l’EUROPE, sur une échine mi-taurine, mi divine... Au TAURILLON de jouer !

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