Les européennes handicapées par le scrutin proportionnel

, par Aurélien Caron

Les européennes handicapées par le scrutin proportionnel

1976 n’a pas le même écho que 1957, date du traité de Rome ou 1992 pour Maastricht et pourtant cette année est fondamentale dans l’histoire de l’Europe politique car elle ouvre la voie à l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct.

Des élections européennes au suffrage universel direct :

En effet, c’est à partir de l’acte du 20 septembre 1976 que les représentants des différents Etats membres décidèrent que le Parlement européen, aujourd’hui organe incontournable des instances européennes, serait élu au suffrage universel direct. Les premières élections de ce type eurent lieu trois années plus tard, en 1979, et pour la première fois, les citoyens européens dans leur totalité furent appelés à voter le même jour, pour une même consultation dans le but de choisir des représentants communs.

On a depuis pour habitude de dire que le Parlement européen émane directement du peuple de l’Union, le Conseil de l’Union européenne représentant quant à lui les Etats membres. Grâce à cette réforme, les députés européens qui étaient jusqu’à cette date choisis par les Parlements nationaux, qui plus est en leur sein, cumulant ainsi une double fonction de représentation, se virent attribués une plus grande légitimité et un contact direct avec leurs électeurs.

Le problème de la participation :

Arrêtons nous un instant et laissons parler les chiffres (qui ne concernent que la France), 1979 (60.7%), 1984 (56.7%), 1989 (48.7%), 1994 (52.7%), 1999 (46.8%). Ces deux suites de nombre, l’une étant croissante (ce sont des dates et le temps n’a pas encore eu la bonne idée de faire une pause). L’autre décroissante est réellement angoissante. Les pourcentages désignant bien les taux de participation aux élections européennes depuis 1979.

Or, un taux de participation est un indicateur on ne peut plus important lorsque des observateurs ont le projet de mesurer l’intérêt que des citoyens portent à des élections et par voix de conséquence à la politique et aux affaires concernant l’ensemble de la collectivité. En 1999, moins d’un électeur sur deux s’est déplacé aux urnes ; moins d’un électeur sur deux ne s’est pas exprimé et n’a donc pas donné son opinion concernant des sujets aussi importants que la politique environnementale, énergétique, le développement régional, la monnaie, l’économie.

Pourtant, c’est l’Union européenne, par l’intermédiaire des représentants de la population qui détient une grande partie du pouvoir de décision sur de tels sujets. Quelle première conclusion tirer ? L’Europe politique nous a donné des signaux d’alarme depuis déjà quelques années, ce manque de confiance ou d’intérêt ayant éclaté au grand jour au moment des refus concernant le projet de Constitution pour l’Europe (en France et aux Pays-Bas) ainsi que l’échec plus récent du référendum en Irlande. Une question nous vient alors instinctivement à l’esprit, pourquoi, pourquoi l’Europe politique ne déchaîne-t-elle pas les passions ?

Des réponses apportées par la classe politique, une réforme du mode de scrutin :

Plusieurs réponses semblent être envisageables. Sur le banc des accusés, les journalistes et le manque d’information et de médiatisation de ce scrutin. Oui, il y a sans aucun doute une part de responsabilité mais ce n’est pas tout. Le gouvernement français s’est interrogé lui aussi sur le sujet et un rapport du Sénat est paru en 1998 [1]. Les parlementaires français ont mis en cause un autre facteur auquel l’on n’aurait pas forcément pensé tout de suite, le mode de scrutin.

Depuis les élections de 1979, la France élisait ses eurodéputés par un système de représentation proportionnel [2] dans une circonscription unique, celle du territoire national. Les partis présentaient alors des listes de plus de 70 voire même parfois 80 noms.

Le principal reproche fait à cette loi électorale était la distance énorme entre l’électeur et le représentant. Les députés n’avaient pas de zone du territoire attitrée, il était difficile de s’identifier à une personnalité comme nous le faisons par exemple lors des élections législatives. Le rapport pesait le pour et le contre des différents modes de scrutin possible.

La création des eurocirconscriptions en 2003 n’a pas fait rebondir la participation

Il a finalement était convenu de conserver le scrutin proportionnel, considéré comme le plus juste. Tous les courants même les plus minoritaires ayant une chance d’être représentés, l’électeur est certain que son suffrage aura un impact au moment du résultat. Une réforme est donc adoptée en 2003, la France se voit découpée en 8 circonscriptions européennes regroupant un ensemble de régions : 7 circonscriptions en France métropolitaine, 1 pour les DOM-TOM. Chaque euro-circonscription a un nombre de siège à pourvoir proportionnellement au nombre d’habitants.

Au lieu de présenter des listes nationales, les partis se voient dans l’obligation de présenter des listes de circonscription (12 sièges à pourvoir dans la circonscription Nord-Ouest, ils présentent une liste de 12 noms), l’électeur pouvant ainsi élire son représentant européen de manière plus personnelle. Fort de cette modification, les autorités s’attendent à un regain d’intérêt pour les élections européennes de 2004. Encore une fois, le désenchantement est au rendez-vous avec un taux de participation record, mais dans le mauvais sens du terme, 43.1%. Pire, Bruno Cautrès, chercheur en science politique à Sciences Po Paris confie lors d’une interview à Toute l’Europe.fr que pour les élections européennes de 2009, en espérant qu’il se trompe, il ne "s’attends pas à des miracles }". Pourquoi ?

Proportionnelle et marchandage

La réponse pourrait simplement se situer dans la forme même du scrutin et du principe de la représentation proportionnelle. Ce type de représentation qui est devenu la règle au sein de tous les pays membres, en raison de sa grande équité, ne présente pas que des bons côtés. Pire, elle peut même se révéler néfaste. Cinq mois déjà avant les élections du 7 juin 2009, les différents partis marchandent pour obtenir des sièges. On voit le Nouveau Centre d’Hervé Morin réclamer au minimum 3 sièges à l’UMP, au sein du parti socialiste le très fort courant minoritaire de Ségolène Royal réclame lui aussi des représentants au Parlement.

Le scrutin proportionnel contrairement au scrutin majoritaire assure aux grands partis avec une quasi-certitude deux voire même trois sièges. Prenons l’exemple de la circonscription Nord-Ouest, qui devra pourvoir dix sièges le 7 juin. Les deux principaux partis y sont le PSE (Parti Socialiste Européen auquel est affilié notre PS français) et le PPE (Parti Populaire Européen, l’UMP s’y rattache).

Etant donné l’importance du PS et de l’UMP dans notre pays et les scores qu’ils font régulièrement aux élections, il est certain que chacun obtiendra au moins deux sièges sur dix possibles pour ne pas dire trois ou quatre. Les deux têtes de liste et leurs acolytes situés en deuxième position sont donc déjà élus en étant désigné par leur parti sans même avoir combattu. C’est quelque chose d’absolument anormal, une élection devant résulter du choix des électeurs et pas du parti.

Proportionnelle et biais démocratique

Admettons qu’un électeur veuille voter PSE le 7 juin mais que la tête de liste lui déplaise fortement. Dans une petite circonscription au scrutin majoritaire je pourrais reporter mon choix sur le candidat communiste ou centriste mais dans ce système, je voterais toujours PSE car d’autres candidats me plaisent en deuxième et troisième position. De plus, un candidat sortant et qui aspire à une réélection doit convaincre le parti pas l’électeur, c’est aussi le cas dans une circonscription majoritaire mais quelqu’un qui déplaira vraiment ne sera pas élu ce qui n’est pas le cas de la proportionnelle.

Cette victoire acquise, fait baisser en intensité la campagne, et peut expliquer, comme nous avons pu le lire déjà sur le Taurillon, le manque d’intérêt des représentants français pour les mandats européens, moins difficiles à obtenir et par voie de conséquence moins prestigieux. Il est rageant de voir qu’une partie du personnel politique européen est constitué de personnalités ayant échouées sur le plan national et obtenant en « lot de consolation » un siège à Bruxelles ou de chefs de partis plus extrémistes ne pouvant avoir de tribune et donc de financements que par cette élection. Le Front National attend les élections européennes comme une bénédiction car c’est la seule consultation où il peut espérer obtenir des élus.

Une nouvelle réflexion à mener :

Non, la cause européenne et les fonctions on ne peut plus importantes de député européen méritent une élection difficile, résultant d’un combat électoral où les candidats ont du convaincre par leurs idées et par leurs personnalités. Il n’y a que de cette manière que nous obtiendrons une classe politique européenne dévouée, engagée et où la proposition d’un siège à Bruxelles sera perçue comme une chance et pas un handicap. Voilà pourquoi, il faut relancer la réflexion sur le mode de scrutin aux élections européennes et envisager une modification. Pourquoi pas 72 circonscriptions véritablement européennes au scrutin majoritaire ?

Cette idée et ces critiques doivent permettre de lancer un débat, elles ne sont en aucun cas une généralité et une grande partie des députés européens font un travail formidable, en cette fin de mandat il faut leur tirer un coup de chapeau mais ne pas voiler les carences du système. Quoi qu’il en soit, scrutin proportionnel ou pas, le 7 juin, il faut voter !

Notes

[1Consulter le rapport sur le site du Sénat.

[2Il s’agit d’un mode de scrutin où le nombre de sièges en lice est attribué aux listes candidates en fonction du pourcentage des voix qu’elles ont obtenu à la sortie des urnes

Vos commentaires
  • Le 15 février 2009 à 08:40, par Valéry En réponse à : Les européennes handicapées par le scrutin proportionnel

    Le « choix » offert par le scrutin majoritaire à l’électeur reste extrêmement théorique. La plupart du temps l’électorat se prononce en fonction de l’étiquette et lors d’une « vague » bleue ou rose il suffit de coller celle-ci sur quelqu’un pour le faire élire, sauf cas exceptionnel. La pratique du parachutage le démontre.

    Par ailleurs le mode de scrutin proportionnel n’est pas en soit nécessairement incompatible avec la notion de choix : il existe des techniques de vote préférentiel ou de panachage. Elles ne sont pas en vigueur en Franc (sauf pour les petites communes aux municipales) mais combien les utilisent là où c’est le cas ?

    D’un point de vue démocratique, ce scrutin permet une plus juste représentation de l’opinion, d’une part et par ailleurs assure que les lois européennes votées par le Parlement rassemblent plus qu’un seul camp. Lorsqu’une majorité d’eurodéputés est trouvée sur un texte, il est probable que celle-ci rassemble plusieurs groupes parlementaires. La situation me semble beaucoup plus saine que celle de l’assemblée nationale française où toutes les lois sont approuvées par un parti qui a recueilli moins de 40% des voix.

    Enfin, le mode de scrutin proportionnel est plus adapté aux institutions communautaires où une alternance brutale n’est pas de mise. Compte tenu de l’importance considérable (excessive, même) de l’intergouvernemental dans les institutions, l’Union vit une situation de cohabitation permanente. Une majorité créée artificiellement par un mode de scrutin majoritaire serait en décalage avec cette situation. La diversité de l’Union, la multiplicité des clivages qui dépassent le seul clivage gauche droite, sont des facteurs qui font qu’il est souhaitables que les décisions politiques impliquent au minimum un dialogue qui dépasse les camps politiques.

    certes il faut politiser ces élections et renforcer les enjeux mais une manipulation sur le mode de scrutin serait la pire manière de le faire. En réalité ce qui compte pour une élection est l’importance e l’enjeu. Le Parlement européen a des pouvoirs mais son travail n’est pas couvert par els médias et peu pris en compte par nos dirigeants politiques. En outre ce pouvoir est dilué dans le temps. À la différence des élections générales dans la plupart des pays européens ou au soir de l’élection on sait qui sera le premier ministre, et où au cours de la campagne, l’enjeu en terme de pouvoir est visible.

  • Le 15 février 2009 à 10:24, par Jacques Chauvin, Pdt, UEF-France. En réponse à : Les européennes handicapées par le scrutin proportionnel

    Excellente analyse.

    Forts de l’expérience passée, nous aurions sans doute dû faire campagne pour un autre mode de scrutin. Légitimement obsédés par la faiblesse institutionnelle de notre Europe, nous ne sous en sommes pas occupés. Trop tard pour le faire aujourd’hui. Mais pensons y dès demain.

    Nous n’avons pas les moyens de faire une GRANDE et BRUYANTE campagne pour exhorter tous nos concitoyens à voter le 7 juin. Alors, que faire dans l’immédiat ? Faire la campagne dont nous sommes capables et demander aux pouvoirs publics, qui, seuls, ont les moyens nécessaires, de les mettre en oeuvre pour obtenir le meilleur taux de participation possible.

    C’est ce que viennent de faire JEF et UEF dans un appel au gouvernement, où l’on peut lire :

    Au cours de la présidence française du 2ème semestre 2008, le Gouvernement français a démontré, de façon spectaculaire, sa capacité à mener une campagne forte et efficace d’information sur les enjeux européens.

    Nous lui demandons solennellement de renouveler ces efforts à l’occasion des élections européennes du 7 juin 2009, afin de briser l’inacceptable croissance du taux d’abstention.

  • Le 15 février 2009 à 19:41, par DamienRM En réponse à : Les européennes handicapées par le scrutin proportionnel

    Analyse intéressante, mais, je me permet de le dire, trop centrée sur la France. Le fait est que le probleme de la participation est un probleme Européen et non pas seulement Français. L’énorme majorité des parlements nationaux sont élus à la proportionelle (seuls la France, le Royaume-Uni et Maltes ont un systême non-proportionnel, et la Lithuanie élit la moitié de ses députés par circonscription, l’autre moitié à la proportionelle, sans sytême de proportionalité globale du parlement comme en Allemagne) Environ 80% des électeurs en europe ont donc l’habitude d’élire leurs députés à la proportionelle, il n’empêche que le taux Européen d’abstention est également en chute libre. Mon opinion est donc que non, le mode de scrutin n’est pas la raison pour laquelle les européens ne votent pas aux éléctions Europénnes...

    Concernant le cas de la France, qui est effectivement plus ou moins alergiques aux élections à la proportionelle, l’argument peut peut-être tenir, mais je ne suis réellement pas convaincu que c’est là la raison principale du désintérêt des citoyens.

    Sans rentrer dans les arguments pour ou contre le systême à la proportionelle, le fait est que la France ne convaincrait pas ses partenaires de le changer, et ne serait authorisée à adopter un système non-proportionnel pour les eurodéputés Français. En effet, bien que le mode de scrutin soit laissé à la liberté des états membres, l’article 190 (ex-article 138) du traité CE précise (alinéa 4) : « The EP shall draw up a proposal for elections by direct universal suffrage in accordance with a uniform procedure in all Member States or in accordance with principles common to all member states » (désolé je n’ai qu’une version anglaise du traité sous la main)

    En 1976, la solution choisie avait été la seconde, la procédure n’étant donc pas uniforme mais suivant des principes communs. Il reste à vérifier s’il était stipulé dès 76 que les eurodéputés doivent être élus à la proportionelle (ce qui me semble le plus probable), mais même si cela ne l’était pas, revenir sur la proportionelle irait à l’encontre des ’principes communs’, ce que je pense assez clair, et la CJE recalerait sûrement la France si une réforme de ce type était engagée.

    Tout cela pour dire, en plus, veut-on réellement se créer les mêmes problèmes au niveau européens que notre mode de scrutin nous pose au niveau national ? (sur-représentation des gros partis, absence de contrôle sur le gouvernement, etc.)

    Un système de type allemand serait je pense juridiquement acceptable, mais même eux ne l’utilisent pas pour les élections européennes, veut-on alors réllement chercher au plus compliqué ?

    J’ai toujours été très septique de l’argument de l’attachement des citoyens à ’leur’ député. Le fait est que l’infime proportion des gens qui connaissent même le nom de leur député sont des gens qui votent de toute manière.

  • Le 15 février 2009 à 22:45, par tb En réponse à : Les européennes handicapées par le scrutin proportionnel

    Le système majoritaire à double tour fonctionne assez bien en France. Ses principaux atouts sont une forte compétition pour la représentation d’un territoire et une polarisation entre deux projets de gouvernement. Ce système est possible car les différences régionales sont relativement faibles et les clivages politiques sont surtout idéologiques et sociologiques.

    Actuellement, une dialectique entre deux visions concurrentes à vocation majoritaire au niveau européen semble être assez difficile - voire impossible - à cause des fortes divergences culturelles, économiques et sociales entre les États-membres. Une campagne très polarisante présenterait le risque de rendre la constitution de groupes parlementaires transnationaux plus difficile. Par ailleurs, il existerait le risque d’une polarisation autour d’un message exclusivement eurosceptique. En effet, l’Europe peut se faire seulement à travers un dialogue débouchant généralement sur un consensus.

    L’objectif serait donc de rassembler au sein du Parlement européen les représentants de la diversité de l’Union. La tâche des partis devrait être donc celle de permettre aux citoyens d’élire des personnes qui les représentent à Bruxelles. Une bonne solution pourrait être celle d’organiser des « primaires » où les sympathisants d’un parti pourraient choisir la composition d’une liste. Il s’agirait d’une sorte de « premier tour » informel qui arriverait à dépasser la problématique du choix entre parti de militants et parti de supporters.

    Le système des préférences et des panachages directement dans les listes présente néanmoins deux inconvénients : dans des circonscriptions de plusieurs millions d’habitants la compétition entre les candidats d’une liste impliquerait l’investissement de moyens importants de la part de chaque candidat avec tous les risques connexes. Par conséquent, les candidats favoris seraient ceux pouvant compter sur des intérêts corporatistes établis et organisés.

  • Le 15 février 2009 à 23:18, par yoplait En réponse à : Les européennes LÉGITIMÉES par le scrutin proportionnel

    M. Caron,

    Contrairement à Jacques Chauvin ci-dessus qui qualifie votre analyse d’excellente, je la trouve médiocre.

    En effet, dans votre argumentation, vous fustigez des principes qui ne sont pas attachés au scrutin proportionnel ! Vos critiques sont mal adressées.

    Vos critiques pointent des effets non pas provoqués par la proportionnelle (je me répète car il est important de contrer le mensonge propagé par votre article), mais par le caractère fermé des listes.

    Imaginez une liste ouverte où les électeurs doivent choisir eux-mêmes les personnalités pour qui ils votent. Cela existe dans plusieurs pays. On peut même organiser cette liste alphabétiquement pour éviter tout effet « tête de liste ». En ce cas la compétition électorale est maximum, d’autant plus que chaque candidat met les bouchées doubles car l’espoir d’être élu est supérieur par rapport au scrutin majoritaire.

    Bref, ce n’est pas seulement pour vous dire que vous vous trompez de cible que je vous réponds. Je suis également préoccupé par ces attaques françaises (peut-être de l’etho-centrisme ?) contre la proportionnelle, car je crois que celle-ci est à la base de l’excellent fonctionnement du parlement européen. En effet, la proportionnelle, couplée à l’absence de pacte de gouvernement (liant les eurodéputés à un programme élaboré entre partis majoritaires comme cela se fait dans la plupart des pays régis par ce mode de scrutin), permet un fonctionnement dynamique et délibératif du parlement. Les majorités se font et se refont sur chaque vote, maximisant les effets de la pratique parlementaire, les députés pouvant même s’écarter du vote partisan. Un parlement qui discute, qui délibère en vue d’atteindre une majorité.

    Tout cela, à mille lieue de la pratique parlementaire française, est excellent pour la démocratie européenne.

  • Le 16 février 2009 à 13:51, par Jean-Jo En réponse à : Les européennes handicapées par le scrutin proportionnel

    Le scrutin majoritaire est la solution la moins démocratique de tous les modes de scrutin car il a une tendance à polariser la vie politique autour de deux grands partis.

    Dire que les modalités de scrutin pénalisent les élections européennes est un peu court, il y a d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte, dont le degré d’implication des partis politiques dans la campagne. On aurait presque l’impression de lire un papier en faveur du PSE et/ou du PPE, parce que le scrutin majoritaire les favoriserait pour deux raisons : ils seraient les seuls à pouvoir présenter des candidats dans toutes les circonscritpions et ils bénéficieraient du vote utile.

    Que je sache, quelque soit l’élection, le taux de participation baisse d’un scrutin à l’autre (sauf épiphénomènes).

    Si l’auteur de cet article avait vraiment voulu être provocateur, il aurait proposé un mode de désignation par le tirage au sort, par exemple. Je suis quasiment certain qu’il y a stastistiquement autant de chance de désigner quelqu’un de sérieux au parlement, qu’avec le scrutin majoritaire.

  • Le 17 février 2009 à 15:37, par A.CARON En réponse à : Les européennes handicapées par le scrutin proportionnel

    Cher yoplait,

    je vous remercie chaleureusement de l’intérêt que vous avez manifesté pour cet article, je suis très satisfait qu’un débat puisse s’ouvrir même si je pense que qualifier mes propos de « mensongers » est quelques peu déplacé. D’un autre côté je dois avouer que des réactions comme la votre ne me surprennent pas, il est tout à fait normal de défendre le courant dominant et plus difficile de porter un regard véritablement critique.

    Je commencerai donc cette réponse en soulignant le caractère objectif de cette analyse, j’ai clairement insisté sur les avantages incontestables à mes yeux apportés par le scrutin proportionnel : « Il a finalement était convenu de conserver le scrutin proportionnel, considéré comme le plus juste. Tous les courants même les plus minoritaires ayant une chance d’être représentés, l’électeur est certain que son suffrage aura un impact au moment du résultat ». L’égalité de la représentation n’est pas remise en cause dans mon article.

    Toutefois, vous ne semblez pas réaliser que ce système présente un vrai dénis démocratique. Vous parlez du système de « panachage », qui consiste en effet à rayer des noms sur une liste présentée par un parti ou à en ajouter de manière à mettre en place sa propre liste. Savez-vous dans quelles circonstances l’on applique un tel procédé ? Dans les communes de moins de 3500 habitants en France (il l’est aussi lors des élections législatives d’un petit pays comme le Luxembourg) mais il n’a pratiquement jamais été utilisé dans de grands pays ou sur des zones importantes. Cela peut s’expliquer par différentes raisons : la quantité très importante des bulletins blancs ou nuls, un bulletin étant déclaré nul si le nom de la personne que vous choisissez pour remplacer une autre et simplement mal orthographié, de plus des études effectuées par des organisations indépendantes ou des collectivités locales montrent que dans plus de 90% des cas, le panachage n’a aucune efficacité. On peut le démontrer mathématiquement, les panachages des uns compensant ceux des autres. Votre argument concernant la possibilité d’un panachage au nivau des circonscriptions européennes ne tient donc pas la route.

    Vus avez ensuite manifesté votre inquiétude concernant un ethnocentrisme français dont je serais l’indigne représentant. Malheureusement, la tradition du scrutin majoritaire ne vient pas du tout de France qui ne l’a adopté que pour les élections présidentielles et législatives à partir de la Constitution de 1958. Avant cela, les élections en France se faisaient au....scrutin proportionnel, on a pu vérifié l’étendu de son efficacité sous la quatrième République où les changements de gouvernement étaient incessants, faisant perdre à la France toute crédibilité que ce soit sur le plan interne ou externe. Saviez-vous que le leader de l’opposition Hô Chi Minh, venu pour des négociations diplomatiques en France a du attendre 4 semaines, le temps que la Chambre des députés, issue du scrutin proportionnel se décide à nommer un ministre des affaires étrangères ? Belle image pour une grande nation ! Plus récemment, le gouvernement Prodi en Italie a été contraint à la démission car il ne disposait pas d’une majorité solide à la choix à la Chambre des députés et au Sénat, grâce au scrutin proportionnel remis au goût du jour par Silvio Berlusconi l’anné précédent les élections en 2005. On peut encore admirer aujourd’hui la grande efficacité du scrutin proportionnel en Israël où des accords entre partis vont devoir se faire, des accords auxquels les électeurs n’ont pas grand chose à dire.

    Vous me répondrez sans doutes et vous aurez raison qu’il existe des moyes de « rationnaliser » le scrutin proportionnel : barre d’accès à la représentation (5% par exemple), motion de censure constructive obligeant les partis d’opposition à roposer une alternative au gouvernement et évitant ainsi une instabilité chronique. Mais les inconvénients sont là, dans ce système il faut d’abord plaire au parti, si vous lui plaisez vous êtes quasimment élu.

    Le système majoritaire vient des pays anglo-saxon, du Royaume-Uni, des Etats-Unis, de l’Australie qui l’appliquent depuis de nombreuses décennies voire même des siècles. Vous ne pouvez donc pas me dire que je me focalise sur la France, votre ethnocentrisme ne tient pas non plus la route.

    Pour terminer, vous louez le fonctionnement d’un Parlement européen qui n’est pas si bon que vous le pensez, le nombre énorme des représentants rend la tenue des débats difficiles (environ 750). Mais le Parlement européen est à mon sens voué à avoir de plus en plus de pouvoirs de décision. Le problème de cette institution est bien qu’on la voit comme un organe devant représenter toutes les tendances, ce n’est pas comme la France de la 4ème République, ce n’est pas comme l’Italie de Prodi, ce n’est pas comme l’Israël de Tzipi Livni, mais tout le problème est là ! L’Europe politique est encore en formation et j’ose espérer qu’un jour le Parlement européen devra dégager une majorité solide pour mettre en place un programme solide.

    Votre réponse me démontre malheureusement très clairement que nous ne sommes pas encore prêt à voir dans le Parlement européen un organe central et moteur de la vie politique européenne.

    En espérant une réaction de votre part.

    Cordialement.

    A.CARON.

  • Le 24 février 2009 à 12:18, par yoplait En réponse à : Les européennes handicapées par le scrutin proportionnel

    Cher M. Caron,

    Permettez-moi de vous répondre citation par citation.

    .

    — « Vous parlez du système de « panachage » »

    Pas du tout, je parlais de scrutin à liste ouverte, un système certes cousin du panachage mais complètement différent dans ses modalités et ses effets. Dans une liste ouverte, les électeurs n’ont qu’un vote à apposer sur leur bulletin, et il n’y a pas de case tête de liste. Dans les scrutins panachés, les électeurs ont autant de votes que de sièges à pourvoir dans leur circonscription, et il existe une case de liste. La conséquence est que le vote individualisé est moins important qu’en cas de liste ouverte, et que la logique du parti reste dominante. Pour exemple, les listes finlandaises sont organisées alphabétiquement, tandis que les luxembourgeoises sont organisées par les partis selon un ordre qui s’avère déterminant.

    .

    — « qui consiste en effet à rayer des noms sur une liste présentée par un parti ou à en ajouter de manière à mettre en place sa propre liste Savez-vous dans quelles circonstances l’on applique un tel procédé ? Dans les communes de moins de 3500 habitants en France »

    Je veux bien vous croire sur ce point, seulement je parlais de vrais modes de scrutin, pas de ce gadget électoral dont vous m’apprenez l’existence.

    .

    — « il l’est aussi lors des élections législatives d’un petit pays comme le Luxembourg »

    Sachez cependant qu’au Luxembourg il n’est pas question de rayer des noms ou d’en rajouter. De même pour la Suisse, elle aussi régie par le panachage. Je ne suis même pas sûr que le système municipal français que vous rapportez mérite d’être classé dans cette catégorie. Correspond-il au moins aux deux caractéristiques susmentionnées ? (Autant de votes que de sièges ; case tête de liste ; et aussi possibilité de voter pour des candidats de listes différentes.) Merci de m’éclairer.

    .

    — « Votre argument concernant la possibilité d’un panachage au nivau des circonscriptions européennes ne tient donc pas la route. »

    J’ai déjà assez démontré à quel point votre argumentation est à côté de la plaque. Dans un système de liste ouverte, il ne s’agit pas d’orthographier quoique ce soit, mais de cocher la case du candidat que l’on souhaite et il n’y a pas de compensation possible par des votes discordants. Les listes ouvertes, bien qu’encore rares (les listes semi-ouvertes sont souvent préférées car elles permettent un contrôle par les partis), sont applicables et appliqués dans des grandes circonscriptions, comme le montre le cas finlandais.

    Je réitère donc ma dénonciation du mensonge qu’a véhiculé votre article en première page du Taurillon : ce n’est pas la proportionnelle qui est à l’origine du manque de compétition électorale entre individualités, mais le caractère fermé des listes.

    .

    — « Vus avez ensuite manifesté votre inquiétude concernant un ethnocentrisme français dont je serais l’indigne représentant. Malheureusement, la tradition du scrutin majoritaire ne vient pas du tout de France qui ne l’a adopté que pour les élections présidentielles et législatives à partir de la Constitution de 1958. »

    M. Caron, cela fait 40 ans que la France vit sous scrutin majoritaire, 40 ans que la pratique parlementaire y a perdu toute sa substance (bien que le scrutin majoritaire ne soit pas la seule cause, en témoigne le fonctionnement des chambres américaines : délibératif bien que bipartite), 40 ans que les Français vivent sous ce régime. Vous ne m’ôterez pas de l’esprit que l’expérience des choses laisse des traces et conditionne la perception du monde extérieur et du monde des possibles.

    Pour finir, ce n’est pas en évoquant la 4e république, Israël, l’Italie et la Belgique que vous oubliez, que vous convainquerez quelqu’un de la nécessité du scrutin majoritaire. Les deux derniers sont victimes du pluralisme extrême, qui est avec le bipartisme l’un des deux fléaux de la démocratie représentative. La Belgique en souffre depuis la scission linguistique des partis qui a tout simplement multiplié leur nombre par deux, dans le cadre d’une fédéralisation ratée et polarisante. Quant à l’Italie, des solutions de correction existent. L’ingénierie électorale est compliquée et, notamment (et outre la hausse de la barre d’accès que vous évoquez), il existe plusieurs méthodes mathématique permettant de calculer la proportionnalité, chacune ayant ses propres effets (une méthode peut favoriser les gros partis, une autre les intermédiaires, etc). Il y a quelque chose de cynique à laisser une majorité législative adapter à sa convenance le système de scrutin, mais cela reste moins radical qu’instaurer le bipartisme et le monopole électoral des deux partis dominants ad vitam aeternam, comme cela risque de se passer en Italie.

    Quant à Israël, qui devra patienter un peu avant d’avoir une majorité, cela reflète simplement le problème sociétal qui traverse la démocratie israélienne. Proposer de régler un problème de société fortement polarisant en mettant au pouvoir une et une seule couleur politique au détriment de la représentation démocratique et de la médiatisation entre les sensibilités politiques de la population, cela relève d’un pragmatisme impatient et illégitime.

    Vous remarquerez enfin que les institutions européennes ne sont pas sujettes à ce problème, et qu’il en sera ainsi tant qu’une stricte séparation entre l’exécutif et le législatif demeurera (au contraire de ce qui se passe dans les particraties comme la Belgique et où tout se décide dans et entre les partis, les mandataires du législatif étant liés au pacte de gouvernement élaboré par les élites de chaque parti d’une majorité).

    .

    — « Pour terminer, vous louez le fonctionnement d’un Parlement européen qui n’est pas si bon que vous le pensez, le nombre énorme des représentants rend la tenue des débats difficiles (environ 750). »

    Ce n’est pas l’écho que j’en perçois sur les rares blogs d’eurodéputés : malgré le rythme frénétique du travail, les commissions fonctionnent bien, les partis faisant confiance à leurs députés spécialisés et les discussions sont toujours possibles sur des questions délicates par les députés concernés en plénière. Mais je vous avoue que je devrais me procurer du matériel scientifique avant d’écrire ce type d’affirmation.

    .

    — « j’ose espérer qu’un jour le Parlement européen devra dégager une majorité solide pour mettre en place un programme solide. »

    Et bien à défaut d’avoir une majorité solide, vous avez une majorité fluctuante, non statique, qui nous gratifie de prises de position bel et bien solides, comme la bien connue directive Reach, la défense des droits des internautes qui a récemment désarçonné le gouvernement français, etc, et cela au prix de batailles législatives mémorables (entre le parlement et le conseil, mais également au sein du parlement), et non en raison d’une simple supériorité numérique accordée illégitimement (selon le critère de la représentativité) pour la période pluri-annuelle d’une législature.

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