Taurillon : Pourquoi vote-t-on si peu aux européennes ? Est-ce que l’entrée à reculons des grands partis dans la campagne en est la raison principale ?
Jean Petaux : Il y a, évidemment, une pluralité de causes à l’abstention. Pour ce qui concerne le Parlement européen il y a, certainement, un très grand décalage entre ce que les politologues appellent l’espace d’agrégation électoral (le territoire de l’élection, le mode de scrutin) et l’espace institutionnel (le Parlement). Lorsqu’il y a un faible niveau d’adéquation entre ces deux espaces, il y a traditionnellement une forte abstention.
Cette permanence est renforcée, en l’espèce, par un total désintérêt des grandes formations politiques pour l’élection du Parlement européen. Il n’y a donc pas de « dramatisation » de la scène politique à cette occasion, moins de mobilisation et pour tout dire pas d’enjeu apparent alors qu’il est considérable en fait, compte tenu de l’importance normative du Parlement européen. Seules les formations « contestatrices » (soit de la politique gouvernementale soit du fonctionnement de l’Europe – encore nommées « eurosceptiques ») se mobilisent pour faire entendre leur voix. D’où, mécaniquement, une sur-représentation du score relatif de ces formations, au soir des résultats, par dépression des « partis de gouvernement » (UMP, PS).
Taurillon : La majorité est annoncée en tête dans les premiers sondages. Est-ce que le « vote sanction » de 2004 va être remplacé par un « vote récompense » ?
JP : Les élections intermédiaires, celles qui se situent entre les grands rendez-vous électoraux nationaux (présidentielles, législatives) sont, traditionnellement, l’occasion d’envoyer un message de défiance à la majorité gouvernementale en place. Encore faut-il préciser, avec Jean-Luc Parodi qui a développé cette analyse en France, que la date précise de ces élections intermédiaires est importante : proches d’une « grande échéance » ou à « mi-distance ». En l’occurrence, et pour répondre à votre première remarque, les sondages n’ont pas grand sens, à un mois d’une élection qui prévoit près de 70 % d’abstention. Toutes les « mesures » sont faussées en quelque sorte. Les choses vont sans doute s’affiner à l’approche de la consultation, mais ce qui semble peu à-même de changer c’est l’absence cruelle de débat sur l’Europe.
On a le sentiment qu’aucune des formations politiques n’est en mesure de se faire entendre, au-delà des formules rhétoriques basiques « pro » ou « anti » européennes. Ce déficit de débat sur l’Europe n’est pas propre à la France, mais il est accentué en France. Quant à savoir si le vote de 2009 sera un « vote récompense » pour le gouvernement actuel, ce sera sans doute la lecture qu’en feront les porte-paroles de la droite, sur les plateaux de télévision, le dimanche 7 juin au soir, si l’UMP arrive en tête de la consultation…
Cela dit il n’est pas besoin d’être docteur en science politique pour comprendre que si tel devait être le cas en termes de « suffrages exprimés », une abstention de près de 70% invaliderait complètement le verdict des urnes comme étant un « vote de récompense » ou de « confiance » pour Nicolas Sarkozy et son équipe. Les électeurs auront, comme on dit, tout simplement « voté avec leurs pieds » en allant à la plage sans passer par la case bureau de vote.
70% d’abstention invaliderait complètement le verdict des urnes
Taurillon : La crise, l’environnement, le modèle social européen sont les thèmes qui ressortent des ébauches de programmes des principaux partis français. Est-ce que dans le Sud-Ouest d’autres enjeux semblent polariser l’attention des candidats et des médias ?
JP : Globalement non. Je pense néanmoins que la présence, comme têtes de listes dans la grande circonscription du Sud-Ouest de José Bové et Jean-Luc Mélenchon peut favoriser l’émergence, avant le 7 juin, de thématiques liées au « durable » pour José Bové (cultures OGM, nucléaire avec la question des centrales de Golfech et de Braud Saint-Louis) ou au « social » pour Mélenchon où le « Front de Gauche » s’appuyant sur les militants du PCF peut s’impliquer dans les conflits sociaux en cours (Molex, Sony, et peut-être à court terme Capdevielle dans les Landes, etc.).
Taurillon : José Bové est tête de liste pour Europe-Ecologie dans le Sud-Ouest. Pensez-vous que l’arrivée de cette personnalité médiatique et atypique peut créer une surprise électorale ? Pensez-vous qu’il a les moyens et les compétences de faire une bonne campagne ?
JP : Pour que sa candidature puisse avoir un écho, c’est une évidence, il faut qu’elle soit médiatisée. Ce n’est pas le cas actuellement. Ses compétences ne sont pas en cause, d’une part parce qu’il connaît bien ces questions d’écologie et qu’il y travaille depuis de très nombreuses années, mais surtout parce que dans une élection la dernière variable discriminante dans le choix des électeurs c’est la compétence réelle. Seule la compétence « supposée » vaut. En la matière, celle de Bové est réputée élevée en matière de « développement durable », de « combat écologique », etc. En plus il bénéficie d’un fort coefficient de notoriété (aventures juridico-pénitentiaires ; actions spectaculaires des « Faucheurs volontaires » très relayées médiatiquement et, surtout, candidature présidentielle de 2007). De là à dire, en revanche, que cela peut se traduire automatiquement par un score électoral conséquent, c’est une autre affaire.
Taurillon : Vous venez de publier un livre sur le rôle politique du Conseil de l’Europe. Peu de gens connaissent cette institution. Vous pouvez nous en dire quelques mots ?
JP : C’est la plus ancienne des institutions européennes créée le 5 mai 1949 par le Traité de Londres. Elle a donc 60 ans d’existence. Son siège est à Strasbourg. Elle est totalement inconnue alors qu’elle regroupe 47 Etats-membres de l’Islande à la Fédération de Russie, du Portugal à l’Azerbaïdjan en passant par les ex-Etats yougoslaves des Balkans et la Turquie. Son nom-même « Conseil de l’Europe » fait qu’on le confond avec le Conseil européen par exemple…
Cette organisation a produit, entre autres, la Convention Européenne des Droits de l’Homme (1950), la Convention culturelle européenne (1955), la Charte sociale européenne (1964). Elle permet aux 800 millions de citoyens vivants dans ces 47 Etats de faire condamner par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (dépendant du Conseil de l’Europe) leur propre Etat. L’organisation a « inventé » le drapeau européen aux 12 étoiles sur fond bleu en 1955, choisi le prélude de la « Neuvième » de Beethoven (« L’hymne à la joie ») comme hymne européen en 1971… Toutes choses récupérées par la future UE dans les années 80.
Si j’ai voulu faire l’histoire et analyser le rôle politique de cette institution de coopération politique intergouvernementale qui a accueilli tous les Etats d’Europe centrale et orientale après la chute du « Rideau de fer » en 1989, quand personne n’en voulait réellement et avant qu’ils ne grossissent les rangs de l’ « Europe des 27 » actuelle, c’est qu’il m’a semblé que l’esprit contenu dans le projet original d’une Europe ouverte, soucieuse des conditions de vie de ses concitoyens, forgée sur un vrai idéal de paix au sortir de la tragédie du second conflit mondial, idéal ayant inspiré le fameux congrès fondateur de La Haye en 1948, est bien plus présent dans la philosophie du Conseil de l’Europe que dans celle de l’Union Européenne devenue essentiellement une « pompe à fric ».
L’esprit du Congrès de La Haye est bien plus présent dans la philosophie du Conseil de l’Europe que dans celle de l’Union Européenne
L’UE est désormais un « monstre froid » où la subvention par tête de vache, par exemple, dans l’ensemble des 27 Etats-membres correspond à une somme permettant à chacune de ces mêmes vaches de se payer un tour du monde en avion, en « First », avec deux « stops », à Los Angeles et Hong-Kong… ! Avec une telle part de rêve proposé aux citoyens de l’UE, pas étonnant que l’institution bruxelloise ne fasse pas vibrer les foules ! Type de subvention d’ailleurs liée à la PAC, à mettre en parallèle avec la baisse constante des « bourses Erasmus », etc.
C’est la raison pour laquelle je propose de revenir aux origines de l’esprit d’Europe, celui du Conseil de l’Europe, installé au Palais de l’Europe, à Strasbourg, qui me semble encore détenir ce « souci de l’âme » cher au grand dissident et philosophe tchécoslovaque, mort en 1977, Jan Patocka.
1. Le 27 avril 2009 à 11:26, par david En réponse à : populisme de bas étage.
La fin de cette interview est monstrueuse. L’interviewé qualifie l’UE de monstre froid et de pompe à fric et glorifie une institution qui n’a jamais été en mesure d’assurer une quelconque paix sur notre continent. Le Conseil de l’Europe est une organisation apolitique, incapable de justifier son existence si ce n’est grace à une Cour des droits de l’homme qui s’est globalement détachée de l’institution qui l’a fait naître et fonctionne aujourd’hui en parfaite autonomie par rapport au Conseil lui même (on pourrait ainsi imaginer que le second, faute d’utilité, disparaisse sans pour autant que la CEDH disparaisse à son tour). Politiquement, le Conseil de l’Europe est incapable de réaliser une quelconque avancée pour l’unité européenne. D’ailleurs, la Russie en fait partie, ainsi que l’ensemble des ex pays soviétiques.
Je ne vois ni l’intérêt de cette comparaison absurde entre une organisation politique qui prend quotidiennement des décisions contraignantes pour quelques 400 millions d’européens, dotée d’une assemblée élue, fonctionnant démocratiquement, disposant de milliers de fonctionnaires agissant quotidiennement pour le bienfait des citoyens européens, et une institution incapable de prendre une quelconque décision contraignante et se limitant le plus souvent à de simple déclaration d’intention. Ah, si, en fait j’en vois un : développer une thèse originale (et fausse) afin de se démarquer de ces collègues sciencepolitologues...
de ce point vue, que l’UE soit qualifiée de « pompe à fric » me parait être une remarque pleine d’ignorance et surtout de populisme de bas étage, indigne et d’un « politologue » et du Taurillon et qui nécessiterait pour le moins une réponse de la part de la rédaction.
David
2. Le 27 avril 2009 à 12:07, par Laurent Nicolas En réponse à : Sans titre
En tant que rédacteur en chef, et ayant réalisé l’interview de Jean Petaux :
L’article ne prétend jamais que le Conseil de l’Europe est censé réaliser une avancée pour l’Union européenne. La critique porte sur l’esprit des Pères fondateurs, plus présent aujourd’hui d’après l’auteur au Conseil de l’Europe :
Sur la question de la « pompe à fric » : l’expression est volontairement provocatrice et il te revient de ne pas t’en être détaché. Je ne permettrai pas d’expliciter à sa place ce qu’a voulu dire par là Jean Petaux, mais je partage ton sentiment sur le fond, dans le sens où la provocation emmène je crois vers un raccourci un peu simpliste. Toutefois, comme précisé dans la citation reproduite ci-dessus, cette critique porte sur les écarts entre la philosophie de chacune des deux institutions, et jamais entre leurs rôles ou leurs missions, en rien comparables comme tu le rappelles. Cette critique, à mon sens, éclairante, dans une période de recherche de l’identité du projet européen.
Sans vouloir défendre l’auteur, qui est assez grand pour le faire lui-même, je t’invite, afin de modérer tes propos et t’inviter à prendre du recul vis à vis de l’article, à consulter les quelques lignes qui décrivent son parcours universitaire. Et je ne peux que trop te conseiller la lecture de son ouvrage afin de dépasser le raccourci de cette formule qui t’as agacé.
M. Petaux est actuellement en déplacement mais j’espère qu’il aura l’occasion de te répondre directement. à suivre.
3. Le 27 avril 2009 à 13:03, par david En réponse à : Sans titre
je ne juge l’homme qu’à travers ses propos que je juge populistes. je ne crois pas avoir l’honneur de connaître ce monsieur qui je suis sur est tout a fait compétent.
Sur le fond, pour mémoire, quelques lignes de l’appel aux européens, lancé à La Haye en 1948 :
"L’heure est venue d’entreprendre une action qui soit à la mesure du danger. Tous ensemble, demain, nous pouvons édifier avec les peuples d’outre-mer associés à nos destinées, la plus grande formation politique et le plus vaste ensemble économique de notre temps. Jamais l’histoire du monde n’aura connu un Si puissant rassemblement d’hommes libres. Jamais la guerre, la peur et la misère n’auront été mises en échec par un plus formidable adversaire. Entre ce grand péril et cette grande espérance, la vocation de l’Europe se définit clairement. Elle est d’unir ses peuples selon leur vrai génie, qui est celui de la diversité, et dans les conditions du vingtième siècle, qui sont celles de la communauté, afin d’ouvrir au monde la voie qu’il cherche, la voie des libertés organisées. Elle est de ranimer ses pouvoirs d’invention, pour la défense et pour l’illustration des droits et des devoirs de la personne humaine, dont, malgré toutes ses infidélités, l’Europe demeure aux yeux du monde le grand témoin. La conquête suprême de l’Europe s’appelle la dignité de l’homme, et sa vraie force est dans la liberté. Tel est l’enjeu final de notre lutte. C’est pour sauver nos libertés acquises, mais aussi pour en élargir le bénéfice à tous les hommes, que nous voulons l’union de notre continent. Sur cette union l’Europe joue son destin et celui de la paix du monde."
Voila les ambitions. Si les fédéralistes se sont dissociés des conclusions, molles, du Congrès c’est précisément parce que le seul outil mis à disposition pour réaliser ces ambitions fut le Conseil de l’Europe, qui, à leurs yeux, et aux miens, n’a jamais été conçu pour effectivement réaliser l’ambition de l’Union. D’ailleurs, c’est ce qui explique que les Pères fondateurs, précisément, aient décidé, quelques années plus tard, d’entreprendre la création de la CECA, puis la CEE, devenue l’UE. Certes l’UE n’est pas aujourd’hui parfaite, certes il faut la faire progresser vers plus d’efficacité et de démocratie, mais il me semble qu’il faut être aveugle pour considérer que le Conseil de l’Europe soit plus proche du rêve des Pères fondateurs que ne l’est l’Union européenne, malgré ces imperfections, nombreuses.
4. Le 28 avril 2009 à 06:49, par Martina Latina En réponse à : Les européennes, l’abstention et Conseil de l’Europe analysés par le politologue Jean Petaux
L’Union européenne, c’est la lente et prudente naissance d’un nouveau monde, ou plutôt le changement d’horizon, d’échelle, de fonctionnement, qui affecte notre vie quotidienne comme notre orientation citoyenne, grâce au travail souterrain autant que souverain notamment fourni par les députés européens.
Il est donc normal que le grand corps formé par les peuples d’Europe ressente doutes ou crises, gênes ou douleurs, dans la mutation en cours, qu’il faille plusieurs pôles d’activités pour insuffler, entretenir, harmoniser, la vie dans cet organisme sans précédent, mais non sans énergie, pour y susciter, puis réaliser, les idées, pour changer enfin ses péchés de jeunesse autant que de vieillesse en forces créatrices et fédératrices.
A voir fleurir chaque jour plusieurs fois tant de journaux gratuits sur la voie publique, on peut ardemment souhaiter que la presse prenne vite la mesure, et renforce la conscience, des enjeux liés aux prochaines élections européennes, donc qu’en effet, par exemple, J. PATOCKA fasse encore entendre sa voix d’Europe centrale qui ne s’est pas laissé bâillonner par un régime totalitaire, mais a lancé l’année même de sa mort la fameuse Charte 77 dictée par des convictions certes philosophiques, mais vibrantes comme ces affirmations tirées de PLATON ET L’EUROPE (traduit par E. Abrams, Verdier, 1983) : « L’EUROPE - l’Europe occidentale surtout, mais aussi celle qu’on appelle ’l’autre Europe’ - est issue du SOIN DE L’AME. Voilà le germe dont est né ce qu’a été l’Europe. Bien sûr, l’Europe n’a pas été que cela. Il y a longtemps que le souci de l’âme (...) s’est pour ainsi dire estompé sous les alluVions de ce qu’on pourrait appeler le souci, le soin, de la DOMINATION DU MONDE. »
J. PATOCKA achève son raccourci historique sur la « DISPARITION DE L’EUROPE » que laissait craindre cette période de la guerre froide. Changerons-nous notre regard à la lumière de ces penseurs et d’abord d’EUROPE, la Levantine qui porta, puis nous donna par-delà son destin de victime transmué par sa propre libéralité, son nom de « Vaste-Vue » ? Laisserons-nous l’abstention, notre indifférence et la léthargie qui saisirait notre propre liberté nous ENLEVER L’EUROPE ?
5. Le 28 avril 2009 à 07:25, par Martina Latina En réponse à : Les européennes, l’abstention et Conseil de l’Europe analysés par le politologue Jean Petaux
Il est bien normal que le nouveau monde en train de surgir sous nos yeux, entre nos mains, ressente doutes et gênes, douleurs et peurs. Mais, puisque J. PATOCKA a défini, en lançant la Charte 77, l’EUROPE comme née en Grèce du « soin de l’âme » cher à PLATON et comme menacée de « disparition », notamment à cette période-là de la guerre froide, par le souci qui le supplanta, celui de la « domination du monde »,
faisons tout pour élargir notre échelle au BIEN COMMUN de l’Europe et par exemple pour ouvrir nos yeux sur les mutations en cours, quotidiennes autant que citoyennes grâce au travail, plus souverain que souterrain, de nos députés européens ; surmontons ensemble les « péchés » de jeunesse et de vieillesse qui alourdissent l’Union européenne ; suivons le regard de celle qui, de victime levantine, devint, par la grâce divine d’un TAURILLON, notre fondatrice et nous dota de son propre nom de « Vaste-Vue ». Bref, ne laissons pas la paresse frapper notre liberté de léthargie, ni l’indifférence ou l’abstention nous enlever L’EUROPE !
6. Le 29 avril 2009 à 12:05, par Ronan En réponse à : Les européennes, l’abstention et Conseil de l’Europe analysés par le politologue Jean Petaux
– 1- Si, par exemple - le taux de participation électorale devait effectivement s’avérer si bas - le soir des résultats, aucune formation politique ne pourra se permettre de pavoiser : pas même les partis arrivés en tête (l’UMP si ça se confirme, voire le PS s’il devait finalement les doubler sur le fil...) et pas même ceux qui auront fait apparaître quelque « surprise » (on pense là à un éventuel score à deux chiffres par le Modem, les Verts, le PdG ou Libertas...).
– 2- Pourquoi ce scrutin ne passionne guère (euphémisme...) c’est surtout parce qu’il n’y a pas de dramatisation politique autour d’un enjeux qui « accrocherait » vraiment le public.
La campagne référendaire de 2005 avait vue une montée exceptionnelle de la participation électorale, résultante d’une surenchère entre ceux qui percevait le TCE comme une menace et ceux qui voyait en lui un espoir. La campagne présidentielle française de 2007 avait fonctionné sur exactement les mêmes ressorts psychologiques, entre peur et espoir : entre ceux qui espéraient ardemment l’arrivée au pouvoir de Sarkozy et ceux qui voulaient absolument lui barrer le chemin du pouvoir. D’où -selon nos standards « français » - une très forte mobilisation.
Or - à ce jour - le scrutin européen ne semble susciter ni crainte, ni espoir (donc pas de raison urgentissime d’aller voter...). Et si bon nombre de nos concitoyens estiment - à ce jour - qu’il sera parfaitement inutile de se déplacer, le jour J, vers son bureau de vote - c’est surtout qu’ils ne perçoivent pas en quoi ce scrutin peut changer leurs vies, en faciliter ou en dramatiser le cours .
Le tout dans un climat de défiance à l’égard d’un système représentatif parlementaire français (verrouillé par son caractère ultra-majoritaire...) dont nos concitoyens n’ont - à l’évidence - pas encore perçus à quel point ce scrutin était différent de son équivalent européen (proportionnel). Subtilités « science-politiques » mises à part : nos concitoyens sont déjà « gavés » du parlement français ; alors, le parlement européen : pensez donc !
On regrettera donc que nos élites politiques ne disputent cette campagne référendaire que comme une « législative » classique sinon « ordinaire » qui - à l’évidence - indiffère (raison partielle de l’échec électoral à venir...) ; et n’aient pas même daignées reprendre les thématiques qui ont - pour le meilleur et pour le pire - fait le succès (électoral, en tout cas) de la campagne référendaire de 2005. Précisément parce que ces thématiques sortaient de l’ « ordinaire ».
Cela aurait obligé chacun à se positionner sur le TCE, Lisbonne, etc. Cela aurait remué de vieux souvenirs, aurait soulevé quelques remugles, aurait réveillé certains clivages que certains s’efforcent aujourd’hui de dissimuler. Cela aurait donné en tout cas une campagne plus intéressante que la présente. Et cela aurait - sans doute - incité nos concitoyens à aller voter... Hélas, ce ne sera pas le cas. Nos parlementaires européens seront donc bel et bien élus mais si « mal élus » (avec une base électorale si rachitique...), qu’ils en sortiront décrédibilisés. Ce n’est donc pas de la législature à venir qu’il faudra attendre quelque geste spectaculaire...
PS : On peut effectivement - comme l’interviewvé, en fin d’article - constater chaque jour, au quotidien (au bureau, au café, sur les marchés...) que le regard de nos concitoyens soit tristement bien peu amène à l’égard de l’UE (l’anecdote de la vache faisant son tour du monde aux frais du contribuable est malheureusement bel et bien révélatrice de cette ambiance de « brèves de comptoir »...). On ne peut également que le regretter. Et regretter que nos politiques ne cherchent guère aujourd’hui à faire quoi que ce soit de vraiment spectaculaire pour essayer de changer ce regard.
On ne peut que regretter que nos politiques ne considèrent l’Europe (et leur élection au parlement européen) que comme un enjeux ordinaire à ne traiter que selon des moyens ordinaires. L’échec final de la campagne électorale en cours sera définitivement celui de la politique routinière et du « busisness as usual ». Incroyable que l’on n’ait pas su (pas voulu ?!) rebondir sur les enjeux de la campagne référendaire de 2005.
7. Le 1er mai 2009 à 08:32, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : populisme de bas étage.
Je suis assez d’accord avec David : le Conseil de l’Europe est l’archétype du machin international impuissant qui au final ne vaut et ne survit que par la seule institution fédérale qu’il a sur produire : la cour européen des droits de l’homme.
Je serais moins dur que David dans mon jugement toutefois : je vois simplement dans les propos très maladroits de l’auteur une volonté de valoriser son travail – sur le Conseil de l’Europe – en dévalorisant l’Union européenne. Je veux bien croire que le coeur de la vocation du Conseil de l’Europe lui parle plus d’un point de vue affectif mais au quotidien le travail de l’Union est sans comparaison à la fois plus utile et plus efficace. La caricature qui nous est donné à travers cette phrase vient malheureusement détourner l’attention d’un entretien par ailleurs intéressant.
8. Le 1er mai 2009 à 16:55, par Emmanuel En réponse à : populisme de bas étage.
Il n’en reste pas moins que le Conseil de l’Europe continue à travailer sur des valeurs, tandis que l’Union européenne se concentre sur des actions. Or, ces « actions » de l’UE ont perdu au fil du temps la mémoire des valeurs qui sont censées les fonder : ce n’est pas pour rien si les citoyens se plaignent d’une UE parfois plus préoccupée par le marché et la concurrence que par l’humain.
Alors, bien sûr le Conseil de l’Europe n’a pas le pouvoir que les fédéralistes attendent. Mais tout ne passe pas par la sanction.
Rien que dans la période récente, qui a dénoncé les vols secrets des Etats-Unis en Europe pour transporter les suspects de terrorisme : c’est le rapport de Dick Marty à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Qui a mis en cause publiquement la situation de la démocratie locale en Belgique après le refus du ministre de l’intérieur flamand du nommer les Bourgmestres francophones pourtant régulièrement élus ? C’est le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe.
Qui a fait prendre conscience à la France des conditions lamentables d’incarcération dans ce pays ? C’est le commissaire européen aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe.
Donc, on peut dire, effectivement, que le Conseil de l’Europe ne fait pas assez ou n’est pas assez visible. Difficile, avec seulement 200 millions d’euros de budget pour 800 millions d’habitants et aucun pouvoir de sanction.
Il n’en reste pas moins que le Conseil de l’Europe mène une action fondamentale pour les actions de promotion de la citoyenneté active (Faut-il rappeler que pendant des années, The New Federalist était financé par le Conseil de l’Europe ? personne ne songeait à s’en plaindre, alors...), de soutien et de formation à l’Etat de droit : ce qui nous semble parfaitement naturel à l’Ouest reste encore fondamental dans de nombreux pays européen qui n’ont pas de perspective d’adhésion à l’UE, mais qui, eux aussi, ont droit à la démocratie.
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