Les partis pirates à l’assaut de l’Europe

Quel avenir politique pour les flibustiers du web ?

, par Cédric Puisney

Les partis pirates à l'assaut de l'Europe

Loi Hadopi à Paris, procès Pirate Bay (solution de BitTorrent) à Stockholm, paquet Télécom à Strasbourg ou encore le futur procès Mininova aux Pays-Bas… Les nouveaux médias sont à l’honneur de l’actualité européenne. Une actualité en signe de rattrapage pour les gouvernements européens qui n’ont pas su anticiper la formidable expansion du web, autant en entreprise qu’auprès du grand public. Qui aurait en effet imaginé il y a seulement cinq ans que la plupart des Européens profiteraient aujourd’hui d’une connexion haut débit, de vidéos en ligne en haute définition, d’internet mobile et surtout d’une offre culturelle infinie et même gratuite en apparence ?

En quelques années, le web s’est développé comme un formidable espace de liberté, d’opportunités et de partage. Il est aussi devenu une préoccupation majeure pour plusieurs gouvernements européens, mais aussi et surtout pour les industries culturelles, labels de musique et studios de cinéma en tête, qui ont vu leur chiffre d’affaires fondre comme neige au soleil au cours de ces 10 dernières années à cause du piratage croissant. Si la fermeture de quelques sites de téléchargement illégal ou encore l’envoi massif de faux fichiers sur ces mêmes sites a bien découragé quelques internautes, une majorité d’entre eux continue cependant à s’adonner au piratage de masse. Depuis deux ans, l’Europe s’interroge sur les réponses à apporter à ce problème : entre répression et laisser-faire.

C’est dans ce contexte, dans l’incrédulité générale, que la Suède a donné naissance à un nouveau parti politique en janvier 2006 : le parti pirate (Piratpartiet en suédois). Si d’aucuns ont pu croire à une blague d’étudiants rebelles, ce parti sans couleur politique semble en tout cas se donner les moyens de ses ambitions : réformer le droit d’auteur, abolir les brevets et renforcer les libertés individuelles.

Le parti pirate à la conquête de l’Europe et au delà...

Le parti pirate : une simple lubie organisée par quelques « gus dans leur garage » [1] ? Ces apprentis politiques flibustiers du web poussent en tout cas comme des champignons dans le reste de l’Europe : Allemagne (Piratenpartei Deutschland), Autriche (Piratenpartei Österreichs), Danemark (Piratpartiet), Espagne (Partido pirata), France (Parti pirate), Finlande (Piraattipuolue), Irlande, Italie (Partito pirata), Pays-Bas (Piratenpartij), Pologne (Partia piratow), Roumanie, Royaume-Uni (Pirate Party), sans parler du reste du monde…

Une liste qui ne cesse de s’allonger mais dont il ne faudrait pas surestimer l’importance. La majorité de ces « partis » n’étant que des organisations plus ou moins actives avec l’objectif commun de devenir une véritable formation politique. A ce jour, seules la Suède et l’Allemagne ont annoncé leur participation aux prochaines élections européennes. La Pologne, l’Autriche et l’Espagne complètent ce duo par leur statut de parti.

Ces petits partis ont en tout cas rapidement su dépasser les barrières linguistiques pour se fédérer autour d’un site central parti pirate international et des réseaux sociaux.

A quoi ressemble un programme de pirate concrètement ?

Le manifeste du parti pirate français expose ce programme de manière exhaustive. On pourra cependant résumer le programme à ces quelques points clés :

Un accès à la culture numérique pour toutes et tous :

 Légalisation du streaming et du peer-to-peer
 Taxe des abonnements Internet, des supports de stockage et des forfaits de téléphonie mobile à hauteur de 5 euros
 Limitation du droit d’auteur à 5 ans après la première diffusion (...)

L’Art et la Science, des marchandises pas comme les autres :

 Abolition des brevets
 Création et renforcement de programmes scientifiques européens d’échange et de collaboration
 Augmentation du budget public de l’éducation et de la culture (...)

Une science et une technologie éthiques

 Accompagner la commercialisation des technologies par une évaluation éthique
 Systématiser le moratoire sur les technologies dont on ne connaît pas les effets à long terme
 Interdire la mention dans les fichiers de renseignement de données privées sans lien avec l’ordre public (...)

Renforcer la démocratie directe

 Créer des institutions transparentes de concertation entre secteur privé et secteur public
 Soumettre les institutions de concertation au contrôle de la société civile et des assemblées locales (...)

Quel avenir pour ces partis pirates ?

Malgré un certain amateurisme sûrement lié à la jeunesse et un programme au doux parfum d’utopie, on peut légitimement s’interroger sur la pérennité de ce mouvement en Europe. Le parti pirate pose de bonnes questions. Par ailleurs, quand on sait que l’abstentionnisme touche principalement les jeunes électeurs qui ne se reconnaissent pas dans les partis traditionnels, on peut imaginer un boulevard pour ces partis, tant pour les élections européennes que nationales. Après tout, les mouvements écologistes, en particulier en France, n’ont-ils pas démarré il y a une vingtaine d’années avec des programmes simplistes voire tout aussi caricaturaux que celui du parti pirate aujourd’hui ?

En Suède, le parti pirate, qui sera présent aux prochaines élections européennes, peut déjà compter sur environ 10.000 adhérents (à 1€ la cotisation), après seulement 3 ans d’existence, soit plus que les Verts et leurs 9.100 membres. Mieux encore, lors d’un sondage paru en décembre 2008, 21% des Suédois déclaraient qu’ils pourraient voter pour le Parti Pirate lors des européennes. Un taux qui s’élève à 55% chez les hommes de 18 à 29 ans. Des chiffres largement supérieurs à leur 0,63% obtenu lors des dernières législatives. La possibilité de voir un premier élu pirate à Strasbourg devient de plus en plus crédible.

Et si demain ce même parti pirate se décide à intensifier son réseau européen, à rationnaliser son programme, à utiliser le web comme base d’un programme à la fois économique et écologique sans pour autant renier sa raison d’être ?

Hormis en Suède, les partis pirates sont encore trop jeunes pour peser lors des européennes de 2009. Mais quid des élections de 2014 et des prochaines élections nationales ? A l’heure actuelle, ni les partis traditionnels, ni le parlement européen ne semblent décidés à aborder ces thématiques. Entre répression et laxisme, clairvoyance et utopisme, l’avenir nous dira qui a eu raison...

Illustrations :
 Bannière de campagne officielle du Pirat Partiet
 Affiche de campagne virtuelle du Parlement Européen - Flickr Cédric Puisney

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Vos commentaires
  • Le 6 avril 2009 à 06:21, par Martina Latina En réponse à : Les partis pirates à l’assaut de l’Europe

    Il faut reconnaître comme séduisantes plusieurs de ces idées. Tâchons donc d’être simplement des internautes eurocitoyens, toujours plus humains, plus responsables et plus dignes d’EUROPE ; si cette jeune navigatrice, exploratrice et fondatrice, qui pirata sans le vouloir et s’en avoir à s’en repentir les eaux méditerranéennes, demeure plus tutélaire que légendaire, c’est grâce à un TAURILLON qui voyait plus loin que le bout de ses cornes : le partage à venir d’un futur BIEN COMMUN, fait de circulations et de relations réelles.

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