Une harmonisation européenne de la TVA toute relative
La TVA est le seul impôt qui bénéficie d’une relative harmonisation européenne par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 qui a mis en place le système commun de TVA de l’Union européenne (modifiée par la directive 2009/47/CE du 5 mai 2009). Cependant, l’Union ne fait qu’imposer des taux minimums aux États membres pour préserver la concurrence intracommunautaire. Ainsi, le taux normal ne peut pour le moment être inférieur à 15 % et le taux réduit doit au moins être égal à 5 %. Il existe aussi un plafond maximum de 25 % résultant d’un accord tacite entre les États membres [1] .
Si le chocolat échappe ainsi à une règle précise concernant son imposition, l’Union européenne a cependant voulu s’assurer du bon fonctionnement de sa libre circulation intracommunautaire. Dès 1973, la directive 73/241/CE du Conseil du 24 juillet 1973 a remplacé les législations nationales des neuf États membres de l’époque pour harmoniser les règles de la dénomination, de la fabrication, de la vente et de l’étiquetage du chocolat [2] et éviter que les différentes législations nationales aient une incidence sur l’établissement et le fonctionnement du marché commun. Elle a été remplacée en août 2000 par la directive 2000/36/CE, dite directive « chocolat ».
« Petite histoire d’une aberration fiscale [3] »
La distinction en France entre les produits alimentaires soumis au taux réduit de 5,5 % et le chocolat et la confiserie soumis au taux normal de 19,6 % date de la loi du 6 janvier 1966. C’est ce même taux dit « normal » qui est appliqué au caviar et aux boissons alcooliques. D’aucuns disent que le taux de 19,6 % est appliqué aux produits de luxe, mais la truffe et le foie gras sont soumis au taux réduit ; d’autres disent que ce sont les produits plus nocifs pour la santé qui se voient appliquer un taux plus élevé, mais nous sommes bien d’accord que n’importe quel produit surconsommé peut être nocif pour la santé. Bref, aucune logique ne se dégage.
Au sein-même de la catégorie « chocolat », des disparités existent aussi : les confiseries produites par les artisans chocolatiers sont taxés à 19,6 %, tout comme le chocolat blanc, le chocolat au lait, alors que la « matière première » utilisée pour ce faire est taxée à 5,5 %. Par miracle pour nos fines bouches, le taux de 5,5 % a été étendu depuis le 1er janvier 2006 [4] aux bonbons de chocolat de « taille d’une bouchée » ! Pour cela, les chocolats doivent remplir les conditions très strictes et contrôlées par l’administration fiscale française de « mise en bouche en une seule fois, dont la plus grande dimension est inférieure à 5 cm » (gare à ceux qui auraient la folle idée de croquer en deux fois) ET d’un poids maximum de 20 g [5]. Quid des orangettes de noël ? Le législateur bon et généreux a admis que « compte tenu des spécificités de leur mode de fabrication, sont réputés satisfaire à ce double critère les produits constitués d’une écorce confite enrobée de chocolat, communément appelés « orangettes ». Qu’il ne prenne pas l’envie aux chocolatiers d’être trop créatifs pour de nouvelles variétés !
Si un produit est composé d’éléments soumis à des taux de valeur ajoutée différents, il faut appliquer la règle dite de la « ventilation des taux ». Mais si la ventilation s’avère être trop compliquée à appliquer, la règle est de soumettre le produit au taux de TVA le plus élevé appliqué aux éléments qui le composent [6] . Prenons par exemple un père noël en chocolat noir à l’extérieur (5,5 %), blanc à l’intérieur (19,6 %) et garni d’un assortiment de bonbons de chocolats (5,5 %), de berlingots, de dragées, de caramel, de pâte de fruits (tous à 19,6 %), et bien il faudra lui appliquer le taux de 19,6 %. Aberration totale si l’on prend du chocolat pur (taxé à 5,5 %) et des noisettes (pareillement taxées à 5,5 %), que l’on mélange les deux pour en faire une tablette de chocolat noir aux noisettes et que surprise, l’on s’aperçoive que la TVA applicable à ce produit est de 19,6 % ! [7]
Rendez nous notre chocolat !
Les conflits d’intérêts entre les industriels, les artisans, les pays producteurs, les consommateurs et les Etats, rendent la tâche difficile et les règles européennes ne facilitent pas les choses : si la France voulait baisser la TVA sur le chocolat, elle devrait attendre l’accord des autres Etats membres ! Cependant, pourquoi continuer à garder ce taux pour le chocolat, cela n’a aucune logique ni cohérence. La France a le pouvoir de modifier les catégories auxquelles elle applique le taux réduit et elle pourrait faire une faveur aux français qui croquent plus de 7 kilos de chocolat par personne et par an !
Au final, pourquoi autant de débats sur le chocolat ? La raison est claire : la taxe sur la valeur ajoutée est de loin la recette fiscale la plus importante en France (environ trois fois plus que l’impôt sur le revenu) et une partie retombe aussi dans les caisses de l’Union européenne depuis une directive 77/388/CEE. Mais ne laissons pas ces considérations économiques gâcher nos fêtes…
Je vous souhaite à toutes et à tous un très joyeux noël et d’excellentes fêtes de fin d’année !
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