Mieux connaître la vie politique tchèque

Sortons des clichés, et tentons de savoir quelle place a l’Europe dans la vie politique Tchèque.

, par Pierre Catalan

Mieux connaître la vie politique tchèque

On entend beaucoup Vaclav Klaus ces derniers temps sur le sujet de l’Europe... Et le TCE l’a aidé à se faire connaître du public européen. Cependant, quelle est réellement la place de l’Europe dans le débat politique tchèque et surtout, quelle est la place de l’Europe pour les Tchèques ?

Le paysage politique tchèque est le total inverse du nôtre. Alors qu’en France on pouvait compter 11 partis politiques aux dernières élections présidentielles, qui balayaient du trotskisme à l’extrême-droite xénophobe, en République tchèque, on peut compter 3 partis politiques de poids, et 2 partis politiques jocker. Le reste ne récolte que peu de suffrage et n’a pas beaucoup accès aux média.

Il faut dire que depuis 1989, et sa révolution de Velours, les partis politiques en République tchèque sont restés relativement les mêmes ; un Parti Communiste qui ne s’est ni réformé ni renommé, un parti Social-démocrate, né d’anciens communistes, qui s’est par la suite réformé et devenu de centre-gauche (1996), et le parti de la plateforme démocratique-civique de Vaclav Klaus, de droite.
Peu de partis sont nés par la suite ; les Chrétiens-démocrates, qui restent constants, autour de 9% à chaque élection, et les Verts sont peu à peu devenus importants, au sein d’un Parlement qui n’offrait qu’une très courte majorité pour gouverner. Majorité d’autant plus courte qu’au cours des années 1990, le Parti Communiste tchèque a repris de la vigueur, pour aujourd’hui avoisiner les 20%, c’est à dire être la troisième force politique du pays.

À l’époque communiste on n’avait rien, mais le voisin non-plus

Les premières années suivant la Révolution de Velours dans l’ancienne Tchécoslovaquie ont vu Vaclav Havel se positionner au-dessus des partis, et s’assurer surtout d’une reconnaissance internationale, tandis que Vaclav Klaus, et son parti alors ultra-majoritaire, commençait à réformer l’économie, notamment en élaborant un système de privatisations dit « par coupon ». Cette privatisation, un peu hasardeuse dans la démocratie d’Europe de l’Est où 99% des biens appartenaient à l’État, a eu pour effets de créer une classe de parvenus, qui ont, avec quelques hommes d’affaires confirmés, trouvé leur intérêt dans cette réforme « rapide » du pays.

De là naît l’électorat de l’ODS (parti de Klaus), fermement convaincu du système libéral et de l’économie de marché, et foncièrement pro-européen, puisque convaincus que l’ouverture des marchés, mais aussi des coopérations, pourraient être dans leur intérêt.
De l’autre côté, vers 1996, le parti social-démocrate est repris par Miloš Zeman, qui sera le premier à utiliser un bus pour sillonner la République Tchèque et aller voir la plus grande quantité possible de citoyens. Le petit parti réformé et surtout assaini gagne les élections de 1996, de justesse. Cependant, on peut dire que l’électorat social-démocrate correspond aux arguments de campagne du parti ; politique sociale accrue, sécurité en matière d’emplois, résorbation du chômage... Ce n’est que très récemment que l’Europe a commencé à intégrer les sujets importants à aborder.

Une particularité notable à la République Tchèque, il n’existe pas d’extrême droite. C’est important, parce que ça explique aussi la bonne forme du Parti Communiste, qui fait se rejoindre électorat contestataire et électorat habitué.
Cet électorat contestataire a toujours plus ou moins existé en République Tchèque. Le comble étant que celui-ci a pu, pour une partie de ces électeurs, faire partie des contestataires de 1989, et aujourd’hui contester en votant Communiste. Ces contestataires sont aussi nombreux car, malgré toutes les promesses qu’on a pu leur faire, la transition entre le système communiste et le système libéral n’a pas profité à tous. Comme disent certains mécontents : « À l’époque communiste on n’avait rien, mais le voisin non-plus ».

Aujourd’hui, après cette période, la spectre politique tchèque s’est un peu élargi après les élections européennes de 2004, qui ont vu tout d’abord se révéler un désaccord au sein de l’ODS : Vaclav Klaus alors déjà président représentait le côté eurosceptique du parti, tandis qu’un autre côté était plus engagé en faveur d’une meilleure intégration à l’Europe. Elle a aussi vu la création d’une force, éphémère, de centre-droit, les Européens-Démocrates (sdružení nezávislých/evropští demokraté), qui ont réussis à rafler 3 sièges au Parlement de Strasbourg.

La place de l’Europe dans le débat politique

En 2003, l’Europe entière s’était félicitée du score obtenu pour l’Europe dans le referendum pour l’adhésion à l’Union Européenne en République Tchèque. Cependant, il faut vraiment nuancer cet enthousiasme. Certes, le OUI à l’adhésion l’avait emporté à 72%, mais avec seulement 52% de participation ! (c’est à dire 2% de plus que les 50% obligatoire pour valider une consultation populaire). Depuis cet enthousiasme, Vaclav Klaus a durci ses interventions à l’égard de l’Union Européenne et du « pachyderme bureaucratique » qu’elle représente à ses yeux.

Surtout, aucun débat n’est vraiment né par la suite sur l’Europe. Vaclav Klaus et son actuel premier ministre Jiri Paroubek (social-démocrate) se sont bien adonnés à quelques passes d’armes, mais sans que l’opinion soit réellement concernée.
Il faut dire que ce désintérêt pour la chose politique ne concerne pas seulement le domaine de l’Union Européenne en République tchèque : c’est presque culturel. Cependant, c’est pour ce domaine qu’il est le plus problématique. Au sein des partis politiques eux-mêmes, à part dans l’ODS où cette question devient motif de scission, l’Europe n’est pas un sujet important : pour preuve, le Parti Social-démocrate est en train de songer à se rapprocher du Parti Communiste pour gouverner plus facilement. La question est bien évidemment, au-delà de ce constat trop simple, de savoir si ce rapprochement a pour objet premier d’affaiblir le Parti Communiste, en suivant l’exemple donné par Mitterrand en France, ou bien de réellement leur laisser une plus grande place dans le débat et l’exécutif.

En ce moment, la campagne pour les élections législatives de juin s’ouvre à peine. Les Européens Démocrates ont presque disparu du paysage politique, et ne risquent pas d’obtenir, dans la situation actuelle, de sièges au parlement. Nous pouvons cependant nous adonner à quelques pronostics : Si le Parti Social-Démocrate gagne, qu’il s’allie ou non avec les Communistes, les choses changeront dans le débat politique, et pour la question de l’Europe. En effet, l’ODS essuierait alors son troisième revers électoral de suite, et cela pousserait la grosse minorité pro-européenne du parti à faire scission.
Si l’ODS gagne les élection, elle ne les gagnera sûrement que de justesse, et alors elle devra compter sur une alliance avec les Chrétiens-démocrates, qui leur permettra de justesse d’éviter les problèmes pour gouverner, mais enterrera sûrement le sujet européen, en renforçant Klaus d’une part, mais aussi en obligeant le Parti Social-démocrate à mieux coller à ses électeurs pour reconquérir le pouvoir. Et donc... a ne pas forcément entamer de sujet qui fâche.

En France nous avons passé un cap désormais dans l’identité politique. Elle n’est plus seulement déterminée par la vision que l’on a des mœurs ou de l’économie, elle est aussi déterminée par la vision que l’on a de l’Europe (pour preuve les débats qui ont lieu au sein du Parti Socialiste en ce moment). En République tchèque, pour que le débat ait lieu et que ce changement dans l’identité politique se fasse, il faudrait tout d’abord qu’il y ait une atomisation des partis politique actuels : cela permettrait de créer un centre pro-européen déterminé par et pour ça, qui créerait le débat.

Croisons les doigts, et agissons. Rendez-vous est pris pour Juin.

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