Monti, l’Europe, et la démocratie

, par traduit par Théo Barbe

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Monti, l'Europe, et la démocratie
Mario Monti Services audiovisuels de la Commission européenne http://ec.europa.eu/avservices/photo/photoDetails.cfm?sitelang=fr&ref=P-019929/00-16#0

« Nous ne voyons pas les contraintes européennes comme quelque chose d’imposé. Il n’y a pas de ‘eux’ et de ‘nous’ : nous sommes l’Europe » (Mario Monti – discours au Sénat – 17 novembre 2011). Voilà certainement la phrase qui m’a le plus plue dans le discours de Mario Monti. Au cours des dernières années, les attitudes du type « faisons valoir nos intérêts en Europe » m’irritaient et aujourd’hui j’espère que la nouvelle attitude du gouvernement sera « affrontons les problèmes communs ensemble ».

Parmi les multiples considérations que l’on peut faire sur le nouveau gouvernement italien, il me tient à cœur de souligner le rapport qu’il y a entre sa formation, notre appartenance à l’Union européenne et la démocratie.

De nombreux commentateurs ont vu dans le gouvernement Monti, non élu directement par les citoyens, une « suspension de la démocratie », d’autres l’ont vu comme le fruit d’une intolérable ingérence des « grandes puissances » et des lobbys internationaux dans notre vie démocratique. La vérité est que le changement de gouvernement en Italie (et simultanément en Grèce) n’est pas dû à une subversion de la volonté populaire ou à quelque « tour de passe-passe » que ce soit de la part des puissances, mais découle de la présence de ces deux pays dans un marché unique avec une monnaie unique. Et cette présence demande des gouvernements qu’ils ne visent pas au consensus en vue des prochaines élections mais qu’ils prennent des décisions compatibles avec cette présence pour sortir de la crise. En effet, ce n’est pas un hasard si on a demandé à deux ex fonctionnaires des institutions européennes de prendre la tête de ces deux pays : Papademos, ancien de la BCE, en Grèce et Monti, ancien de la Commission, en Italie.

L’affaire italienne, tout comme l’affaire grecque, a simplement révélé une vérité que les fédéralistes ont toujours soutenu : dans un marché global, au sein duquel agissent des acteurs globaux qui dépassent les frontières, les Etats nationaux ont perdu leur souveraineté absolue.

Le pouvoir n’est plus uniquement national mais se distribue sur plusieurs niveaux : les Etats nationaux ne sont plus en mesure de prendre des décisions seuls, mais les institutions européennes n’ont pas non plus le pouvoir d’agir de manière autonome sans le consentement des Etats, parce que les traités en limitent les compétences. Cette distribution « multi-niveaux » du pouvoir le délite, et on a la sensation que tout arrive en dehors du contrôle des citoyens, qui votent pour un Parlement et un gouvernement national, lequel a perdu sa souveraineté, et qui, ensuite, votent pour un Parlement européen qui n’a pas encore un pouvoir suffisant.

Pour faire revivre la démocratie, il faut qu’une démocratie à plusieurs niveaux se rajoute à un pouvoir à plusieurs niveaux. Il faut, en somme, que les élections du Parlement européen soient des élections qui permettent aux citoyens de décider de qui les gouverne au niveau européen, de la même façon qu’ils décident de qui les gouverne au niveau national. La crise, les cas italien et grec ont démontré que les deux niveaux, national et européen, ont la même importance. Les citoyens doivent avoir le même pouvoir de contrôle et d’orientation dans les deux niveaux.

Comment ?

En créant un vrai gouvernement européen, compétent dans le domaine de la politique économique (et donc fiscale), de l’énergie, de l’environnement, de la politique étrangère et de la sécurité ; un tel gouvernement devra être voté et contrôlé par le Parlement européen (qui représente les citoyens) et par le Conseil Européen (qui représente les Etats) qui, à la différence de ce qui arrive aujourd’hui, doit décider à la majorité et non à l’unanimité. C’est la seule voie pour redonner sa dignité à la démocratie en Europe.

A travers quelle stratégie ?

Pour faire cela, il faut réécrire les traités. La procédure ordinaire prévue pour réécrire les traités est la convocation d’une « Convention » à laquelle participeront des parlementaires nationaux et européens. Le gouvernement allemand a déjà proposé une nouvelle Convention mais la proposition allemande, selon les premières rumeurs, est plutôt minimaliste et ne prévoit pas un passage de souveraineté à un vrai gouvernement européen mais seulement des plus grands pouvoirs d’intervention aux structures actuelles, uniquement sur le terrain du contrôle des bilans et basées sur les décisions unanimes du Conseil, sans impliquer le Parlement. Il est évident que cela ne suffit pas et n’est pas démocratique ; cependant la convocation d’une nouvelle Convention est une opportunité que les forces politiques démocratiques doivent saisir pour relancer le processus fédéral européen et le résultat peut être obtenu si la future Convention sait indiquer avec fermeté au moins quatre grands points :

1) Donner à l’Union la compétence en matière de politique économique et fiscale. 2) Etendre la codécision du Parlement européen à toutes les compétences de l’UE. 3) Décisions à majorité au Conseil (abolition du droit de veto). 4) Ratification du nouveau traité « avec qui le veut bien » (sans dépendre du non de certains).

Ceux qui veulent la démocratie ne peuvent que parcourir cette voie ; toute autre solution qui demeure dans un milieu national est velléitaire et favoriserait de dangereuses tentations néo-nationalistes.

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