Traité de Lisbonne

Parti socialiste et traité de Lisbonne : la grande ambiguïté

Pourquoi le PS n’a-t-il pas un discours clair ?

, par Fabien Cazenave

Parti socialiste et traité de Lisbonne : la grande ambiguïté

Quand on regarde les déchirements du Parti socialiste (PS) sur le traité de Lisbonne, on revient deux ans en arrière à l’époque du référendum où la direction de ce parti avait été incapable d’empêcher plusieurs de ses éléphants de mener une campagne pour le non. Les militants avaient pourtant tranchés, pour le Oui. Encore une fois, le PS est divisé sur le sujet « Europe ». Une bien mauvaise nouvelle pour les pro-européens, et notamment pour ceux de gauche.

Une direction divisée sur le traité de Lisbonne

Désaccord sur la ratification parlementaire

Durant la campagne présidentielle de 2007, Ségolène Royal avait fait de la ratification par voie référendaire d’un nouveau traité remplaçant le TCE un point de différence avec Nicolas Sarkozy. Ce dernier, conformément à ses intentions déclarées alors, a choisi de ratifier le traité de Lisbonne par le Congrès.

Après une réunion ayant eu lieu le 15 janvier, le bureau national du PS a choisi que ses représentants s’abstiendront sur la réforme constitutionnelle à Versailles le 4 février. Ils présenteront une motion pour demander un référendum lors de l’examen, le 6 février à l’Assemblée nationale, du projet de loi de ratification du traité de Lisbonne proprement dit. Même si cela n’a aucune chance d’aboutir, ils veulent faire peser sur l’UMP la responsabilité « de ne pas consulter à nouveau le peuple français par référendum » d’après Jean-Marc Ayrault.

On peut regretter que le PS ne demande pas un référendum véritablement européen et se limite à une vision nationale du débat alors qu’il traite de l’avenir de l’Union européenne. Cependant, le PS est à la recherche d’unité car déjà lors du vote du bureau national le 6 nombre 2007 sur le traité de Lisbonne, la position du parti s’est décidé à 36 contre 20 seulement.

La coalition des nonistes se refait une santé sur le dos de l’Europe

Les vieux démons resurgissent. Alors que certains estiment que François Hollande refait naître contre lui la « coalition des nonistes », c’est en fait ceux-ci qui utilisent l’Europe pour se refaire une place médiatique au sein du PS.

Encore une fois, malgré une décision prise par un organe dirigeant, un trublion comme Jean-Luc Mélenchon appelle déjà à ne pas respecter le mot d’ordre de son parti... et à voter contre le traité de Lisbonne. Que va faire le PS devant une personne qui tient un discours contraire à sa tradition européenne et qui a déjà mené des campagnes contraire à celles décidées par le Parti ?

Déjà en 2005, alors que les militants du parti s’étaient démocratiquement exprimés en faveur d’une campagne pour le Oui, les nonistes n’avaient pas respecté le résultat du vote. Pourquoi se gêneraient-ils ? Aucune personnalité du PS ne prend la parole pour dire que ce texte est le fruit d’une renégociation à 27 pays ? Personne de la direction ne rappelle l’enjeu de cette ratification : mieux faire fonctionner l’Europe qui reste au Traité de Nice et ses blocages institutionnels intenables aujourd’hui ?

On sent qu’il manque d’un vrai leadership pro-européen au PS. Tout le monde s’y dit pro-européen pourtant...

Un discours sur l’Europe qui n’est plus clair

Pour ou contre la construction communautaire ?

Le Parti socialiste a une tradition pro-européenne. L’un de ses grands faits d’arme à ce sujet a été le choix de François Mitterrand de rester dans le « SME » au moment du « tournant de la rigueur » des premiers gouvernements socialistes sous la Ve République. Cette tradition s’est souvent retrouvée également dans les courants proches de Jacques Delors, symbolisant à la fois les « chrétiens de gauche » et les sociaux-démocrates.

Mais actuellement, à l’intérieur du PS, on laisse se développer un discours contre l’Europe qui n’empêcherait pas les délocalisations et se préoccuperait seulement des transferts d’argent. On se souvient de la désastreuse campagne européenne socialiste de 2004 : « si on perd nos service publics, c’est la faute de l’Europe ». Le boomerang sera assez terrible un an plus tard.

Aujourd’hui, malgré des dirigeants souvent pro-européens, le discours n’est pas clair pour demander une évolution de l’Europe qui permette aux militants de comprendre que les bénéfices de la construction communautaire ne sont pas suffisants pour ceux qui veulent une Europe réellement « sociale ».

Aucune prise réelle de position sur l’Europe

En fait, le PS est largement prisonnier d’une vision nationale de ses discours. À l’heure où toutes les économies européennes sont interdépendantes, l’aspect européen des réformes nécessaires est rarement mis en avant. Si ce parti est loin d’être le seul à faire cet effort (bien malheureusement), cet absence pédagogique dans le discours crée un décalage entre la réalité et les changements proposés aux électeurs.

On peut ajouter à cela un discours qui se radicalise de plus en plus en France et en Europe, des extrêmes qui prennent une plus grande place médiatique dans le débat sur l’Europe et une Union européenne qui atteint une taille critique avec les institutions actuelles.

Les discours abmigües sur la construction communautaire peuvent donc fleurir dans les rangs du Parti socialiste. « L’Europe n’est que marchande et oublie les peuples ». S’il est faux de tenir ce genre de propos (Parlement européen, fonds pour lutter contre la mondialisation, liberté de circulation des personnes, adhésion à la CEDH pour pouvoir adhérer à l’Europe, etc.), entend-on clairement un dirigeant du PS s’insurger contre cela ?

Est-ce que le PS choisira de choisir ?

Le risque de laisser la partie pro-européenne du PS se lasser

Dans les rangs socialistes, nombreux sont les pro-européens à se désespérer de la non position de leur parti sur un sujet si essentiel à l’avenir de la France. Peu sont partis au Mouvement Démocrate, mais beaucoup se demandent comment faire bouger leur parti car ils ne peuvent plus supporter des discours anti-européens de leurs camarades.

Si jamais le MoDem réussissait à se stabiliser à devenir une vrai force politique puissante en France, les pro-européens se sentiraient bien à l’étroit dans un discours minimaliste qui ferait la synthèse entre des dicours sur l’Europe si différents. Le PS a besoin de faire une clarification avant qu’une autre formation décide d’investir réellement le sujet européen.

Le risque du statu quo

Personne n’est content au PS : les nonistes se sentent bafoués, les partisans du traité de Lisbonne se sentent frustrés de ne pouvoir afficher clairement leur vote. Les médias se régalent des dissenssions du PS mais sont bien en peine d’expliquer aux citoyens les vrais enjeux de celles-ci. Le discours socialiste est illisible quant au traité de Lisbonne.

Pendant ce temps-là, la majorité UMP malgré ses députés et sénateurs souverainistes semble unie derrière un traité qu’elle tente de faire passer pour une victoire sarkozyste. Encore une fois, le PS perd la bataille de la clarté fasse à son adversaire politique. Faut-il attendre qu’il y ait une vraie personnalité à la tête du PS pour voir ce parti s’engager dans des valeurs pro-européennes totalement assumées ?

Au final, au lieu d’avoir un discours cohérent à offrir au citoyen sur les enjeux du traité de Lisbonne, on laisse les moins européens de ce parti prendre les micros et caméras pour énoncer des mensonges sur la ratification parlementaire et l’Europe. C’est cette dernière qui perd le plus dans l’histoire : elle apparaît encore comme quelque chose de complexe au lieu d’offrir un projet de société aux citoyens. Vivement que le PS se resaisisse !

Illustration : logo du Parti Socialiste Européen (PSE).

Vos commentaires
  • Le 20 janvier 2008 à 14:38, par arturh En réponse à : Parti Socialiste et Traité de Lisbonne : la grande ambiguïté sur le sens du mot Constitution

    Il me semble avoir lu une erreur de frappe à la fin de cet article. En effet, si l’Europe (comprenez, les Instititions Européennes) se trouve incapable d’offrir un projet de société aux citoyens, c’est à l’Europe de se ressaisir, pas au PS.

    Mais évidemment, on le sait, la crise vient de ce qu’on refuse encore que ce soit les citoyens de l’UE qui veulent offrir un projet de société.

  • Le 20 janvier 2008 à 15:01, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Parti Socialiste et Traité de Lisbonne : la grande ambiguïté

    Merci Fabien de te préoccuper du PS :-)

    Je suis assez d’accord avec la plupart de test observations. Les remous actuels sur le nouveau traité européen étaient pourtant prévisibles sachant que le PS n’a pas encore réussi à faire son aggiornamento idéologique, le Bad-Godesberg qui lui serait indispensable pour s’assumer comme un parti de gauche moderne et réformateur, ayant rompu avec les lubies marxisantes du passé.

    Les débats sur la rénovation tournent dans le vide compte-tenu de la culture de synthèse molle qui prévaut. Les forums sur la rénovation se sont conclus par des textes dignes d’un exposé de première année (thèse, antithèse, synthèse).

    Outre cette abence de ligne politique claire — qui dans l’hypothèse du choix de la rénovation seraient naturellement pro-européenne — le PS souffre également d’absence de leadership. À la différence de la droite où la tendance bonapartiste semble s’être imposée, la gauche démocratique ne se met pas au service d’un conducator mais suit un leader dont le rôle est d’aider à définir une position de rassemblement, de la faire respecetr et de la représenter. Ces rôles ont été abandonnés par l’actuelle direction. comme le disait ce midi Philippe Torreton sur Canal, l’erreur est de n’avoir pas sanctionné directement ceux qui ont fait campagne en 2005 contre le PS et contre le choix des militants. L’anarchie actuelle est le fruit de cette faute.

    Au final on ne peut que contempler désolés le spectacle d’un PS qui tombe dans des pièges qu’il s’est lui même creusé et la culture de l’abstention comme palliatif à l’absence d’une ligne directrice. Quant on voit que même l’ancien président du Mouvement Européen, Pierre Moscovici, qui reste l’un des plus brillant et des plus pro-Européen des socialistes, a choisi cette voie, on ne peut que mesurer l’abîme qui sépare le PS de sa rénovation.

    À partir de là conclure que le MoDem est l’avenir pour les pro-Européens de gauche reste assez fantaisiste à mon sens. Il faudrat déjà que le MoDem se fixe pour objectif d’incarner cette gauche moderne dont le pays a besoin, ce qui n’est pas le cas ni sur le fond ni dans la démarche ; il faudrait aussi qu’il affirme son positionnement pro-européen ce qui n’est pas non plus le cas comme le soulignait un article paru il y a quelques temps sur le Taurillon.

    Le PSE est le grand parti de la gauche en Europe, il faut aujourd’hui que le PS en soit le digne représentant en France. Il y a du travail mais les seules batailles que l’on ne peut gagner sont celles que l’on ne mène pas. Entre les municipales et le Congrès on peut espérer que les choses évoluent au PS.

  • Le 20 janvier 2008 à 15:05, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Parti Socialiste et Traité de Lisbonne : la grande ambiguïté sur le sens du mot Constitution

    Le PS a aussi une responsabilité : il doit être en mesure lors des élections européennes de proposer, avec le PSE, une orientation lisible pour la législature 2009-2014 du Parlement européen. Il serait souhaitable aussi que les socialistes et sociaux-démocrates annoncent leur candidat à la présidence de la Commission européenne, les eurodéputés ayant un rôle déterminant à jouer dans sa nomination.

  • Le 20 janvier 2008 à 23:16, par Laurane En réponse à : Parti socialiste et traité de Lisbonne : la grande ambiguïté

    Je ne comprends pas bien. Tu dis bien « Durant la campagne présidentielle de 2007, Ségolène Royal avait fait de la ratification par voie référendaire d’un nouveau traité remplaçant le TCE un point de différence avec Nicolas Sarkozy. » Il me semble bien, comme l’a dit Hamon je crois avant de démissionner, que c’était cette volonté d’un référendum qui faisait consensus au PS. Alors pourquoi le PS n’utilise-t-il pas les moyens qui sont en son pouvoir pour imposer ce référendum ?

    Imagine que les Français aient voté Oui au référendum, et qu’un nouveau président et un nouveau parlement, rejettent le nouveau traité, en refusant d’organiser un référendum. Tu serais un peu furax, non ? Passer ainsi en force ne peut qu’accentuer le ressentiment des Français à l’égard de l’UE, renforcer l’impression qu’elle se construit contre les peuples. Je trouve que c’est une erreur de cautionner cela.

  • Le 21 janvier 2008 à 08:35, par valéry En réponse à : Parti socialiste et traité de Lisbonne : la grande ambiguïté

    Le contexte politique est différent : au cours de la campagne des présidentielles, la gauche espérait pouvoir arriver au pouvoir. Une Ségolène Royal présidente n’aurait pas négocié le nouveau traité de la même manière qu’un Nicolas Sarkozy, même si sa marge de manoeuvre aurait été limitée par le fait que ses partenaires auraient été identiques.

    Ainsi, Ségolène Royal faisait campagne pour soumettre, en tant que présidente de la République, un traité qu’elle aurait négocié elle. Les circonstances sont différentes avec l’élection du candidat de la droite. C’est à ce dernier que l’électorar a confié la tâche de négocier un nouveau traité pour succéder au défunt projet de traité constitutionnel, et également le choix de la procédure de ratification à retenir. Le PS n’a strictemetn aucune compétence pour le choix de celle-ci qui est entièremetn aux mains du chef de l’Etat selon notre constitution.

    Chacun dans nos institutions doit jouer son rôle : celui des députés est de se prononcer sur les textes qui leur sont soumis. Le PS étant favorable au nouveau traité — celui-ci améliorant les institutions européennes — il est cohérent que ses élus votent le texte ou au moins n’empêchent pas son adoption tout en s’abstenant pour souligner leurs réserves sur la procédure retenue.

    Enfin et surtout le traité de Lisbonne n’est pas identique au projet de traité constitutionnel. Ce qui justifiait le recours à une procédure de ratification extraordinaire en 2005 était le fait que le traité de Rome de 2004 avait une vocation constitutionnelle. C’ets pourquoi de nombreux acteurs politiques avaient souhaités à l’époque une consutation populaire, comme en 1992 on avait consulté les Français concernant l’adoption de la monnaie unique. Le nouveau traité de Lisbonn ne comporte pour sa part strictement aucune innovation qui justifie une procédure de ratificatione xtraordinaire. Il ne comprote en effet qu’une série damendements de détail cocnernant le fonctionment des institutions et ne donne aucune nouvelles compétences à l’Union européenne.

    Le référendum est impossibl car les traités doivent être ratifiés par tous les Etats membres. Faire des référendums alors que l’Union compte désormais 27 Etats membres c’est à coup sur avoir un ou deux incident ratification — les référendums étant soumis aussi aux aléas de la politique nationale — et garantir que les traités actuels, dont le catastrophique traité de Nice sont gravés dans le marbre.

    Bien sur cette situation n’est aps satisfaisante. La seule solution est de modifier le mode de ratification des traités afin que ceux-ci entrent en oeuvre si une majorité significative d’Etats membres les ratifient.

  • Le 21 janvier 2008 à 09:52, par arturh En réponse à : Parti Socialiste et Traité de Lisbonne : la grande ambiguïté sur le sens du mot Constitution

    Il est même probable que pour le PS, les prochaines élections du Parlement Européen soient une occasion de réunir les pros et anti TCE par un projet politique commun qui soit capable de faire la synthèse.

  • Le 21 janvier 2008 à 11:31, par Fabien Cazenave En réponse à : Parti Socialiste et Traité de Lisbonne : la grande ambiguïté sur le sens du mot Constitution

    J’espère que les partis politiques européens seront capables de proposer un programme commun (avec des variantes évidemment suivant les situations nationales) et un chef de file pour le poste de président de la Commission.

    Il me semble que le PSE le propose non ?

  • Le 23 janvier 2008 à 01:34, par Oxygène En réponse à : Parti Socialiste et Traité de Lisbonne : la grande ambiguïté sur le sens du mot Constitution

    J’ai lu sur le site du journal belge Le Soir que socialistes et libéraux seraient d’accord pour soutenir le libéral Guy Verhofstadt (actuel Premier Ministre belge et fédéraliste) au poste de président de la Commission.

  • Le 23 janvier 2008 à 22:49, par valery En réponse à : Parti socialiste et traité de Lisbonne : la grande ambiguïté

    À propos de la ratification du traité de Lisbonne j’ai créé une petite page web rassemblant un certain nombre de liens intéressants et encourageant nos élus à se rendre à Versailles pour voter sur la modification constitutionnelle devant permettre la ratification du mini-traité : www.tousaversaillesle4fevrier2008.eu

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