Service civil Européen

Pour un Service civil européen, contre un service civique national

Un projet alternatif aux propositions actuelles des partis politiques ?

, par David Soldini

Pour un Service civil européen, contre un service civique national

Les projets de services civiques fleurissent ça et là (Cf. Discours de M. Sarkozy, programmes de l’UDF et du PS, etc). Pourtant une proposition existe depuis quelque temps, visant à renforcer, non pas la citoyenneté nationale, mais à faire vivre celle européenne.

« Ne soyons plus anglais, ni français, ni allemands. Soyons européens. Ne soyons plus européens, soyons hommes. Soyons l’humanité. il nous reste à abdiquer un dernier égoïsme : la patrie. » Victor Hugo

Depuis quelques temps divers représentants de partis politiques ainsi que différentes associations de la société civile se font porteurs d’un projet visant à renforcer le sentiment de citoyenneté, notamment chez les jeunes.

Le service civique obligatoire, ou service civique tout court, semble être une idée transversale, qui dépasse les clivages politiques traditionnels.

Tout jeune devrait effectuer un service pour la collectivité, d’une durée variable en fonction des projets. L’objectif étant à la fois l’éducation du jeune et le renforcement du sentiment nationale.

Le service militaire a historiquement eu ce rôle de « liant » de la communauté nationale. Des jeunes venus de toute la France se retrouvaient ainsi ensemble, sous le drapeau français. Beau soldat, bon citoyen disait-on sous la IIIème république. Le service civique aurait vocation à renouer avec cette tradition sans renouer cependant avec la vieille tradition militariste.

Une appartenance aujourd’hui européenne

Aussi séduisant que puissent apparaître ces projets, ils se fondent pourtant sur une vision dépassée de la citoyenneté et une conception anachronique de la communauté. En effet, toutes ces propositions ont une dimension nationale. Le service civique vise à renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté française, à donner un nouveau sens à la citoyenneté française, à travers une expérience qui demeurera, pour la plupart des jeunes, nationale. Or, aujourd’hui, est-ce cela la citoyenneté ? Être citoyen est-ce ressentir viscéralement l’appartenance à une communauté de quelques 60 millions d’âmes, unis par la langue, le territoire ? La citoyenneté s’arrête-t-elle aux frontières qui n’en sont déjà plus de notre beau pays ? Pourtant, chaque français est aussi citoyen européen, et chaque européen est, en France, un citoyen ayant le droit de vote aux élections locales et européennes et le droit à une égalité de traitement avec les citoyens nationaux.

La citoyenneté ne parait plus aussi monolithique qu’auparavant. Les prérogatives traditionnellement réservées aux citoyens nationaux sont accordées à d’autres individus, et les citoyens nationaux se voient également reconnaître des droits et des devoirs qui n’émanent plus du pouvoir politique national mais bien européen. Être citoyen , ce n’est plus simplement appartenir à une communauté nationale : cela s’apparente de plus en plus à un sentiment d’appartenances multiples, des appartenances qui s’emboîtent, qui coexistent sans pour autant perdre de leur spécificité. Un européen est aujourd’hui citoyen de sa ville, de son pays, de l’Europe tout entière.

Apprendre la citoyenneté européenne

Pourquoi alors renouer avec un passé qui a ravagé l’Europe hier et qui l’empêche aujourd’hui d’avancer ? En quoi le renforcement d’une identité nationale serait une solution aux problèmes du monde actuel qui ne sont, justement, plus nationaux ? En quoi le fait de se sentir davantage français devrait faciliter la vie des citoyens ? Cela reste bien mystérieux.

Pourtant, l’idée que chaque individu ait à servir la communauté reste séduisante. Apprendre ainsi le civisme, le vivre ensemble ; découvrir l’autre et se découvrir soi-même, acquérir ainsi, à travers le service à la communauté, ces vertus qui font vivre la communauté. L’autre qu’il faut découvrir et le civisme qu’il faut ré-inventer ne sont cependant plus nationaux. L’autre est européen et la citoyenneté, européenne.

Pourquoi le choix européen ? La citoyenneté européenne est cette citoyenneté moderne, à plusieurs échelons. Elle représente aujourd’hui le réceptacle de toutes nos autres appartenances communautaires, qu’elles soient municipales, régionales ou nationales. C’est cette citoyenneté qu’il faut aujourd’hui faire vivre.

Un rempart aux nationalismes de l’Europe

Nier l’existence d’une communauté européenne est impossible aujourdhui. L’Europe est une communauté de destin dont il faut aujourd’hui prendre pleinement conscience. Mais cette conscience, cet apprentissage civique, ce développement d’une citoyenneté européenne ne peut pas et ne doit pas se faire selon les lignes du modèle identitaire national traditionnel. Non, l’Europe n’est pas une nation, et elle ne le sera jamais, grand bien lui en fasse.

La citoyenneté européenne n’est pas exclusive, au contraire. Elle ne peut se comprendre qu’en relation à d’autres citoyennetés, souvent nationales, parfois régionales ou locales. La citoyenneté européenne n’a pas non plus vocation à faire disparaître les autres sentiments d’appartenances, les autres communautés, mais simplement à se superposer à celles-ci afin de leurs permettre de survivre, tout en évitant que le sentiment d’appartenance ne se transforment en xénophobie, intolérance, nationalisme. La vocation de la citoyenneté européenne c’est avant tout cela.

Un SCE alternatif aux propositions des partis politiques

Cette vocation se heurte frontalement à la conception traditionnelle de la citoyenneté en France : une citoyenneté qui se doit d’être exclusive, monolithique et qui a tant de fois dérivé en nationalisme et exclusivisme. En cela, le projet d’un service civil européen, qui permettrait à chaque jeune de travailler ou se former dans un autres pays de l’Union, apparaît moderne, porteur d’espoir et de renouveau.

Il apparaît également comme profondément alternatif par rapport aux projets actuellement discutés et mériterait, sans doute, davantage d’attention de la part d’acteurs politiques qui se targuent de vouloir moderniser la France.

- Illustration :

Le visuel d’ouverture de cet article a été tiré du site flickr.

Vos commentaires
  • Le 5 septembre 2006 à 11:08, par ? En réponse à : Pour un Service civil européen, contre un service civique national

    Bonjour et bravo pour votre initiative. Peut être pourrions-nous unir nos efforts ? Voici les références de notre blog : http://non-au-sco.hautetfort.com , Nous allons mettre votre pétition en ligne sur le blog, un membre du MJS a également déposé une pétition sur le web mais la mobilisation n’est pas assez forte pour le moment ... Nous autorisez-vous à afficher un lien avec votre site sur notre blog ? A bientôt, Myriam Alderton.

  • Le 5 septembre 2006 à 12:29, par Ronan Blaise En réponse à : Pour un Service civil européen, contre un service civique national

    A noter qu’il me semble - question annexe - qu’un service de caractère ’’obligatoire’’ serait aujourd’hui inconstitutionnel en l’état actuel des textes dans la mesure où l’actuelle Constitution française (dans ses termes actuels) ne prévoit de ’’travail obligatoire contraint’’ (les mauvaises langues diront ’’travaux forcés’’...) qu’en deux occurrences possibles : décision de justice ou besoins liés à la défense nationale.

    Et s’il l’on voulait vraiment dépasser cette seule réserve, il faudrait alors modifier les termes actuels de la Constitution aujourd’hui en vigueur.

    Et c’est là l’un des nombreux caractères intéressants que l’on peut effectivement relever dans un tel projet de service civil (européen) : ici pleinement formateur, optionnel et modulable selon les souhaits exprimés par les personnes désireuses d’y participer...

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