Présidence du Conseil européen : défendre une certaine idée de l’Europe

, par Samuel Faure

Présidence du Conseil européen : défendre une certaine idée de l'Europe

Par la dérogation accordée à la République tchèque, le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009 a assuré, dans un avenir proche, la signature du traité de Lisbonne. Conséquence, la course à la Présidence du Conseil européen est plus que jamais d’actualité. Quels sont les enjeux que pose cette nouveauté institutionnelle ?

Déconstruire : le Conseil européen n’est pas l’Union européenne

Quand Marc-Olivier Fogiel, jeudi matin sur Europe 1, s’interroge « Qui sera le premier Président de l’Union Européenne (UE) ? ». Pire, quand les rédactions du Monde et du Figaro – mais également celles du Nouvel Observateur et du Parisien – titrent respectivement « L’UE cherche son futur Président » et « Blair contesté pour la présidence de l’Europe », il n’est plus trivial mais nécessaire de rappeler que le Conseil européen et l’Union européenne, ce n’est pas la même « chose ».

Non, l’Union européenne n’est pas un État unitaire et présidentialiste comme… la France, mais un système politique acéphale sui generis. Espérer et défendre un « Président fort » qui aurait pour but de donner un « visage à l’Europe » est au mieux hors de propos, au pire le symptôme d’une incompréhension caractérisée de l’UE.

Pour le pire et le meilleur, l’Union européenne a des visages : celui de M. Barroso président de la Commission européenne, celui de M. Buzek président du Parlement européen, celui de M. Solana Haut Représentant de la Politique étrangère de sécurité commune (PESC), etc. Le (la) futur(e) Président(e) du Conseil européen ne représentera qu’un visage… de plus.

Décrypter : la Présidence du Conseil européen, la quoi ?

L’évolution institutionnelle qu’apporte le traité de Lisbonne est, en la matière comme dans son ensemble, plus proche d’un bricolage Ikea qui aurait plus ou moins mal tourné qu’une révolution copernicienne.

Après avoir à son tour pêché en évoquant le « futur Président de l’Europe », Zaki Laïdi a le mérite, dans un récent article, de proposer une description réaliste du poste : « (…) le traité de Lisbonne prévoit que le président animera les travaux du Conseil européen, assurera la continuité des travaux de ce Conseil en coopération avec le président de la Commission, facilitera la cohésion et la recherche de consensus au sein du Conseil ».

On est loin de la représentation d’un « Président de l’Europe », véritable homme d’État, avec lequel jouent les médias et certaines personnalités politiques qui souhaiteraient par tous les moyens faire de l’Europe ce qu’elle n’est pas. Non Monsieur le Président Giscard d’Estaing, l’Europe ne doit pas rechercher son George Washington. Pas plus centralisateur, l’UE n’est pas non plus encore un État fédéral (comme l’a rappelé récemment la Cour constitutionnelle allemande).

Mais alors s’il ne s’agit pas de donner un « visage à l’Europe » et que les prérogatives de l’heureux(-se) élu(e) sont juridiquement limitées, ce baroufle médiatique ne serait-il qu’un pétard mouillé ? Non plus.

Vive le Conseil européen, Bye bye la Commission ?

Qui dit faux débats, ne dit pas absence de débats. Celui que pose la nomination d’un(e) Président(e) du Conseil européen est la défense d’une certaine idée de l’Europe.

À Bruxelles, les rapports de force qui clivent et structurent le plus fortement le « champ » politique européen sont ceux qui ont lieu entre les institutions intergouvernementales (Conseil, Conseil européen) qui défendent les intérêts des États et les organes supranationaux qui se battent pour l’intérêt général européen (Commission européenne, Parlement européen).

Au sein de ce système, défendre un « Président fort » ou un « executive president » selon les mots de Jacques Delors, ce n’est pas souhaiter donner un « visage à l’Europe » comme cela a été démontré précédemment mais favoriser une Europe intergouvernementale, une Europe des nations. Le Conseil européen se verrait alors renforcer, et la Commission institutionnalisée dans un rôle de Secrétariat général.

À l’inverse, défendre un « chair-(wo)man » c’est-à-dire quelqu’un(e) qui s’efforcerait « d’améliorer le processus de décision de l’Union en proposant des priorités au Conseil européen et des options claires à trancher, au besoin par vote, puis en s’assurant de leur correcte et loyale mis en œuvre » c’est préférer l’Europe supranationale. La Commission aurait encore un espoir de survivre à un rapport de force qui l’affaiblit chaque jour un peu plus.

S’interroger sur la Présidence du Conseil européen, c’est se positionner sur une certaine idée de l’Europe. Faites votre choix !

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