Si tous les candidats ont parlé à un moment ou à un autre d’Europe dans les débats, les divergences de visions l’ont rendue encore plus brouillonne qu’elle ne l’est déjà, la plupart du temps, dans l’esprit des citoyens européens. Ainsi, le président du Parti Radical de Gauche, Jean-Michel Baylet, a prôné une "Europe fédérale", insistant sur une solution "politique" à "la crise de l’euro", et non "seulement financière". Il a d’ailleurs estimé que les "traités doivent être revus" pour pouvoir permettre à l’économie européenne de repartir. Arnaud Montebourg, à l’opposé, a utilisé un néologisme, "defaisance", pour parler de son projet de démondialisation pour l’Europe. Martine Aubry a estimé que "plutôt que d’Europe Fédérale" elle "préfère comme [s]on père [Jacques Delors] parler de Confédération d’Etats-Nations". Elle appelle aussi à un dialogue franco-allemand plus fort pour résoudre le problème de la zone euro. Quant à François Hollande, on lui doit la jolie expression de "cercle d’avant-garde" pour mener l’Europe en dehors de la crise, même s’il n’a malheureusement pas approfondi la question.
A noter d’ailleurs que Martine Aubry et François Hollande ont très légèrement modifié leurs discours respectifs lors du dernier débat. Cela, on s’en doute, pour courtiser les électeurs d’Arnaud Montebourg, surprenant troisième homme de ces primaires ; Martine Aubry ayant notamment expliqué qu’il fallait une "régularisation de la mondialisation » et « une Europe qui innove et qui protège".
L’Europe floutée par une perspective franco-française
Si la place laissée à l’Europe a été si faible, c’est que nous sommes dans un processus qui va mener aux élections présidentielles de 2012 en France. Il est donc compréhensible que les six candidats aux primaires aient basé leur argumentaire sur la France et ses problèmes. Ils ne se préparent pas à une présidentielle européenne. Cependant, il est raisonnable de vouloir savoir quelle est la vision de l’Europe qu’a en tête le futur candidat à la présidentielle et surtout quelle place la France devra occuper dans cette Europe ainsi que dans l’Union Européenne.
Au contraire, dans la plupart des cas, les six aspirants à l’investiture socialiste ne se sont exprimés (quand ils l’ont fait) que par de grandes phrases générales et généralistes sur l’Europe, sans que l’on puisse savoir si cela était dû à la forme télévisée plus restreinte et contraignante du débat ou seulement à la volonté de remplir ses devoirs de bon candidat. Comme par consensus, aucun d’entre eux n’a poussé l’approfondissement de la question, mais on peut espérer que cela ne suffira plus à l’avenir.
Cette attitude ne va pas sans rappeler celle des personnes que Dante, dans sa Divine Comédie, appelait les ignavi, ceux qui n’avaient jamais voulu prendre de décision ou se positionner clairement (et qu’il plaçait en Enfer). C’est ce manque de position claire sur l’Europe qui pose problème à de nombreux observateurs, français et étrangers.
Pas étonnant, d’ailleurs, que les partis d’extrême droite ou d’extrême gauche aient de plus en plus de sympathisants. La vision volontairement brouillonne et franco-française de l’Europe dessert les partis modérés et pro-européens tout en faisant le jeu des extrêmes qui ont des réponses chocs, sinon concrètes, à proposer.
On espère donc que, dans l’optique de la présidentielle de mai prochain, le thème européen sera repris plus souvent et de manière plus approfondie, que ce soit par la gauche comme par la droite. En effet, en cette période de crise morale, économique et politique, il serait bon que les candidats à la présidence de la France énoncent des propositions concrètes sur l’Europe à laquelle ils veulent contribuer.
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